L’Europe désertée par les papillons, les coléoptères et les libellules

Einstein n'avait-il pas dit que si les abeilles venaient à s'éteindre, par voie de conséquences, il ne resterait plus que quelques années à vivre à l'homme ? Est-ce valable pour les coléoptère,s les libellules et les animaux qui polénisent les fleurs ?



 
Habitués que nous sommes à voir s’ébattrent papillons, coléoptères et libellules, nous n’avons guère conscience des menaces qui pèsent sur eux. Basée sur les mêmes critères que ceux utilisés pour la liste rouge mondiale des espèces menacées de l’UICN (1), et réalisée à la demande de la Commission européenne, la dernière liste rouge européenne dresse un bilan peu reluisant de l’état de conservation de ces trois espèces, souvent délaissées car jugées ordinaires. Pourtant, ces nouvelles conclusions révèlent que 9 % des papillons, 11 % des coléoptères saproxyliques et 14 % des libellules sont menacés d’extinction en Europe. 
Concrètement, les populations de près d’un tiers (31 %) des 435 espèces de papillons recensées en Europe déclinent. Plus alarmant, 9 % pourraient disparaître définitivement. Classée en danger critique d’extinction, la piéride du Chou de Madère (Pieris wollastoni) pourrait d’ores et déjà être éteinte, n’ayant plus été aperçue sur l’île qui lui a donné son nom en l’espace de 20 ans. 
 
Devenus objets d’étude de l’UICN pour la première fois, l’évaluation de la situation des coléoptères saproxyliques, se nourrissant de bois en décomposition, n’est guère meilleure. En effet, près de 11 % des 431 espèces étudiées risquent de disparaître de la région européenne. Un chiffre pour le moins alarmant puisqu’un tiers de ces espèces est unique en Europe. La principale cause de cette raréfaction est la disparition de leurs habitats, due à l’exploitation forestière et à la diminution du nombre d’arbres adultes. Vivant traditionnellement dans de grandes cavités d'arbre contenant de la moisissure de bois, le taupin violacé (Limoniscus violaceous) est jugé en danger, menacé par de nouvelles pratiques de gestion forestière. 
 
Bien que présentes dans toute l’Europe, les populations de libellules se concentrent, pour leur part, dans le Sud de la France, aux pieds des Alpes, ainsi que dans certaines parties de la péninsule balkanique. Sur les 130 espèces étudiées, 14 % sont considérées « en danger », cinq d’entre elles présentant un danger critique. Trois des espèces de libellules les plus menacées en Europe sont endémiques des ruisseaux et des petites rivières de Grèce et des pays voisins, dont l'Albanie, la Bulgarie et la Turquie. En l'absence d'action, des espèces telles que la nymphe de Grèce pourraient s'éteindre au cours de la première moitié de ce siècle. 
La disparition de ces espèces s’explique par des étés chauds et secs qui, associés à l'intensification de l'extraction d'eau à des fins de consommation et d'irrigation, entraînent l’assèchement des zones humides dans lesquelles vivent les libellules. 
 
Si d’aucuns seraient tentés de prétendre que la disparition de ces petites compagnons ailés et rampants n’est pas une problématique d’ordre vital, c’est qu’ils ignorent le rôle fondamental que ceux-ci jouent au sein d’écosystèmes dont nous-mêmes nous dépendons. Ainsi, le papillon est un acteur clé du processus de pollinisation. Il en va de même pour les coléoptères saproxyliques, lesquels sont essentiels pour le recyclage des substances nutritives en milieu forestier notamment. Aussi, si ce nouveau bilan démontre bien une chose, c’est que l’on ne prend conscience de la valeur de richesses considérées à tort comme ordinaires et acquises que lorsque l’on est sur le point de les perdre. 
 

1- L’Union internationale pour la conservation de la nature est aujourd’hui considérée comme le réseau mondial de protection de l’environnement le plus ancien et le plus vaste
 
 
Par Cécile Cassier sur Univers & Nature