« Il n'est pas ici, il est ressuscité ! »


Évangile selon saint Luc, chapitre 24, verset 6


La méditation

Il n'est plus ici, Il est ressuscité ! Juste ces quelques mots pour annoncer la Pâque.

Il n'est plus ici, le corps a disparu. Les femmes venaient prendre soin du corps de leur Seigneur et Maître, ultime geste témoignant de l'amour et de leur peine immense. C'est difficile de voir mourir les siens, plus difficile encore d'assister impuissant à une mise à mort injuste, à l'humiliation de celui dont on perçoit pourtant qu'il dit la vérité. C'est très dur de constater comment le goût du pouvoir, de la puissance exercée sur les plus faibles, peut prétendre se recommander de Dieu et en venir à trahir Dieu lui-même, au point de l'exclure de ce monde. La peine était immense, et sans doute les femmes espéraient-elles pouvoir l'apaiser un peu en posant avec un infini respect ces gestes rituels qui rendraient la dépouille de celui qu'elles avaient suivi et aimé à son propre mystère. La peine était immense et là, en ce tombeau, se fermerait une page si belle mais si tragique de leur histoire : il n'y a souvent plus de mots pour dire la peine. Et c'est le tombeau vide qui est donné comme signe pour passer de la peine à l'espérance.

D'abord, du silence de ce tombeau vide jaillit la parole des anges : « Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? Rappelez-vous ce qu'il vous a dit...». C'est bien le Seigneur Jésus, crucifié, que les femmes venaient honorer de grand matin. Jésus, cet homme qu'elles avaient suivi en Galilée, et qui marchait au milieu des siens en faisant le bien. Jésus, cet homme parmi les hommes, qui témoignait de la Bonté du Père et de sa volonté de faire alliance avec l'humanité pour la faire entrer dans la Vie. Jésus, Fils de l'homme, Fils de Dieu, qui dénonçait les puissants et les savants qui liaient de pesants fardeaux sur les épaules des petits, au lieu de leur transmettre la Parole de liberté et de Vie. Le Seigneur Jésus que l'on a mis à mort parce qu'il dénonçait l'idolâtrie par laquelle l'homme aliène l'autre homme, et parce qu'il révélait la vérité qui nous rend libres. Cette vérité pourtant sonnait si juste à leurs oreilles : Dieu voulait la vie pour chacun ! Et tout serait brisé ?
Mais non ! Vous qui pensez que l'histoire se termine, rappelez-vous, faites mémoire de ce qu'Il vous a dit, de ce qu'Il a vécu, de ce qu'Il a partagé avec vous, de ce pour quoi Il a donné sa vie. Rappelez-vous, reprenez la Parole, quittez votre peine, et laissez la mémoire vivante du Seigneur Jésus animer à nouveau votre histoire, vous relancer dans l'histoire.

Il n'est plus ici. Curieux signe que le vide du tombeau en cette aurore de Pâques. Comment peut-il nous aider à oser vivre, à nouveau, notre histoire ?
Le vide, en effet, n'est-il pas ce que beaucoup d'entre nous craignent le plus au monde ? Le vide qui terrifie et nous laisse sidérés, empêchant tout mouvement, faisant perdre tout repère. Ce vide qui nous fait croire en la puissance du néant, qui nous fait penser que le néant, la mort, peuvent tout faire disparaître, à commencer par l'amour. Que plus rien n'a de sens.
Mais la Parole, à nouveau, retentit par la voix des anges : Il est ressuscité, comme il l'avait promis. A la fois, la Parole qui dit la Vie là où l'on pensait s'enfoncer dans la peine de la mort, et l'assurance d'une promesse tenue. Une Parole tenue, enfin, qui est notre assurance, et qui emplit de vie ce qu'on croyait perdu. Pâques, c'est l'annonce qu'aucune histoire humaine ne peut perdre son sens, qu'il n'y a jamais d'amour perdu, que la générosité d'une vie donnée est ferment pour encore davantage de vie, que c'est à perdre sa vie pour la donner qu'on la gagne en abondance, et plus encore. Du vide, en lequel nos regards parfois se perdent sans discerner le moindre horizon d'espérance, voilà que jaillit une Parole qui redonne vie, et sens. Force et espérance.

Le tombeau est vide et sombre mais, à côté, les vêtements sont éblouissants de lumière en cette aurore fragile du matin de Pâques. Comme un matin sur la montagne de la transfiguration, la Lumière vient faire éclater les ténèbres, renversant l'aurore du petit matin et la faire passer au grand jour. Que de fois c'est ainsi que se construisent nos histoires ! Tout paraît si fragile, tellement proche de l'échec que nous pensons que la nuit serait comme notre destin. Et puis, il faut si peu, une si petite lueur qui, à nouveau, nous éveille et nous rend à la vie.
Les femmes peuvent être saisies de crainte devant ce tombeau vide qui est le signe d'une Présence toute nouvelle de leur Seigneur. Lui qui a partagé la vie simple de ses disciples, qui a peiné avec eux sur les chemins, voilà que, passé dans la mort, Il est relevé d'entre les morts. Il n'est pas seulement à nouveau en vie parmi les siens, comme avant la tragédie. Il est relevé de la mort et, par là, il a renversé définitivement le pouvoir de la mort sur l'humanité. Son absence du tombeau transfigure la vie entière de l'humanité et devient la Lumière de l'histoire humaine. Lumière qui permet de déceler au coeur de l'humanité une nouvelle vie, dont le coeur est la vie même de l'Esprit.

Elles le croyaient absent, le coeur serré par l'abandon. Et voilà que ces hommes de Lumière le disent Vivant. Entendant ainsi parler les anges, les femmes s'en retournent raconter leur étonnement aux apôtres, qui auront bien du mal à ne pas les prendre pour folles. Mais les femmes, dans l'étonnement de cette absence, annoncent en fait une toute nouvelle présence qui va changer leur vie, plus encore peut-être que quand elles le suivaient.
Souvent, nous pensons à la résurrection comme à l'avenir qui nous attend. Et tel est bien l'avenir qui nous est promis. Mais, en ce matin de Pâques, il nous faut plutôt apprendre à vivre à partir de la résurrection du Christ, à vivre de cette vie relevée d'entre les morts qui renverse la mort : vous êtes ressuscités avec le Christ !
Après les femmes, c'est Pierre qui s'en va au tombeau vide. Pierre à qui le Christ confiera son Eglise, née de la résurrection du Christ. La Vie a renversé la mort et de cette Vie nous sommes vivants. Ce n'est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi, écrivait saint Paul. Cette vie « cachée en nous », n'est-ce pas la puissance de la vie donnée par le pain rompu, et la coupe partagée ? Mémoire de la mort et de la résurrection du Christ, Pâque du Christ pour nous aujourd'hui, force véritable de notre vie.

Il n'est plus ici, Il est ressuscité ! Et commence, avec Lui, notre histoire...

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