Déficit : pourquoi le répit offert à Paris a tout d'un cadeau empoisonné

La Commission européenne a repoussé de deux ans le retour du déficit français sous la barre des 3 %. Il faudra rentrer dans les clous d'ici 2017. Mais derrière la bonne nouvelle, Bruxelles accentue la pression sur Bercy. 
 
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Ce devait être 2013, puis 2015, ce sera 2017. En attendant le prochain report ? Ce mardi, par la voix du vice-président en charge de l'Euro, Valdis Dombrovskis, la Commission européenne a annoncé lors d'une conférence de presse surprise sa décision d'octroyer à Paris un nouveau délai pour ramener son déficit public sous la barre des 3% de PIB. Le troisième du genre depuis le dérapage des finances françaises en 2009. Et s'il s'agit en apparence d'une victoire pour le gouvernement, la décision porte en elle des motifs d'inquiétude politique pour l'exécutif qui, étant donné le calendrier, craint désormais de voir Bruxelles s'imposer en arbitre de la prochaine campagne présidentielle. 

Ce nouveau répit constitue-t-il toutefois une bonne nouvelle ?

Oui, mais. "S'agissant de la France, la Commission a constaté qu'en 2013 et 2014, dans un contexte de faible croissance et de faible inflation, les efforts budgétaires avaient été accomplis", s'est immédiatement félicité Michel Sapin dans un communiqué. De fait, la France qui risquait de subir des sanctions dès mars enregistre là une petite victoire. Le ministre des Finances en a également profité pour rappeler qu'un retour dans les clous du pacte de stabilité pour 2017 correspond "exactement [à] l'objectif que le gouvernement s'était fixé dans la loi de finances 2015".  

Ce qu'il ne dit pas, en revanche, c'est que la France espérait obtenir un délai plus important, jusqu'en 2018, pour éviter que la question ne vienne parasiter la campagne présidentielle. De ce point de vue c'est raté et c'est une demi-surprise : l'hypothèse d'un délai inédit de trois ans accordé à la France avait pris ces derniers jours de l'épaisseur à Bruxelles. On saura dans deux ans qui de Marine Le Pen ou de l'UMP parviendra à tirer le meilleur parti de ce nouveau calendrier. La Commission aura sans doute voulu ménager ses membres les plus orthodoxes qui militaient pour un traitement plus ferme du cas français et qui vivent déjà ce nouveau report comme un signe de faiblesse, si ce n'est un camouflet. 

La menace de sanctions s'éloigne-t-elle pour Paris ?

Non, pas vraiment. Car, à tout moment, la Commission peut décider de sévir, même si cela n'est vraisemblablement pas son intérêt, alors que l'Europe a déjà à gérer l'épineuse question grecque. "Les sanctions, nous ne les excluons en aucun cas", a affirmé le commissaire aux Affaires économiques, Pierre Moscovici. "S'il advenait que le plan national de réformes (...) n'était pas crédible, nous pourrions activer le dernier cran", a précisé l'ex-ministre français des Finances devenu commissaire européen, évoquant "un plan de réformes correctif" éventuellement imposé par Bruxelles à la France.  

L'exécutif bruxellois réclame d'ailleurs qu'un programme de réformes structurelles "ambitieux et plus détaillé" lui soit présenté dès avril. La commission rendra ensuite un premier avis en mai. Mais surtout, Bercy doit "intensifier ses efforts sur le plan budgétaire" dès 2015 et aller au-delà de ce que contient déjà le budget en matière d'économies.  

Que demande concrètement la Commission ?

A très court terme, ce sont quatre milliards d'économies supplémentaires qui sont attendues "avant l'été" par la Commission. Mais l'exécutif européen en attend bien davantage à l'horizon 2017. En matière de réformes structurelles, la Commission ne se contentera pas de la loi Macron. Et comme s'il craignait que Paris ne vienne à manquer d'idée, Pierre Moscovici a détaillé les desiderata bruxellois, précisant attendre de ses anciens collègues des "décisions sur le marché du travail"

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Comment l'exécutif espère-t-il s'y conformer?

"La France est en train de se bouger", a assuré Manuel Valls dès ce mercredi soir. Sa volonté réaffirmée depuis quelques jours de remettre sur la table la question de l'assurance-chômage est sans doute à considérer à l'aune justement des institutions européennes. Problème, le régime des allocations chômage relève des partenaires sociaux, et les syndicats n'ont aucune intention de se laisser dicter une renégociation avant la prochaine échéance prévue en 2016. Par ailleurs, la majorité de gauche à l'Assemblée voit d'un très mauvais oeil l'hypothèse d'une réforme en profondeur du marché de l'emploi ou du code du travail. De mauvais augure alors que Manuel Valls a déjà dû dégainer le 49.3 pour faire passer une loi Macron au fond nettement plus consensuelle. 

De son côté, Stéphane Le Foll, le porte-parole du gouvernement, a assuré ce jeudi sur France 2 que les économies supplémentaires réclamées à Paris par l'Union européenne seraient faites "dans tous les secteurs", à l'exception du ministère de la Défense dont le budget reste "sanctuarisé". La promesse de François Hollande de ne pas augmenter les impôts en 2015 achève de borner le champ des possibles qui s'offre actuellement au gouvernement. 

 

 

Source : Lexpansion.lexpress.fr

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