Corinne Lepage : « Notre système politique est en train d'exploser… »

La présidente du mouvement écologiste Cap21 parle de la progression du Front national, d'écologie politique, et de la COP21. Entretien.

lepage_11_12_2015.png
LePoint.fr/Par Hugo Domenach - Corinne Lepage est la fondatrice et présidente de Cap21. 

Ancienne ministre de l'Environnement, ancienne membre de Génération écologie, fondatrice et présidente du parti écologiste et citoyen Cap21, Corinne Lepage est également l'avocate de 115 parties civiles au procès en appel des anciens élus de La Faute-sur-Mer (Vendée). Pour le Point.fr, elle revient sur la progression du Front national, l'avenir de l'écologie politique et des mouvements citoyens, ainsi que sur le déroulement de la COP21.

Le Point.fr : La COP21 se déroule en ce moment à Paris. Pourquoi la question écologique est-elle toujours absente des débats des élections régionales ?

Corinne Lepage : La question politicienne des résultats du Front national et des attentats de Paris a éclipsé les autres sujets. Et les bisbilles des Verts n'ont pas aidé. Mais Europe Écologie-Les Verts (EELV) a fait de bons scores. Nous étions alliés avec eux en Ile-de-France. Nous avons fait 8 %. Ce n'est pas 20 %, mais ce n'est pas négligeable. Et j'ai participé à 24 débats de la COP21…

Un parti politique peut-il servir efficacement l 'écologie s 'il est condamné à devoir s 'allier avec d 'autres partis traditionnels de gouvernement à chaque élection ?

Notre système politique global est en train d'exploser complètement. Il ne laisse aucune place aux petites formations et favorise l'émergence du Front national. Je serais pour passer à un système de représentation proportionnelle. Pourtant, je soutiens Christian Estrosi, Xavier Bertrand et Philippe Richert contre le Front national. Mais ce n'est qu'une partie du sujet. Le vrai sujet, c'est de trouver un système démocratique pour que tout le monde soit représenté de manière équitable. C'est la seule vraie réponse au Front national. Les discours ne sont plus audibles par une grande partie des citoyens, qui se retranchent vers l'abstention et le FN. La seule chose audible, c'est de faire des projets en commun qui réussissent.

Il y a quelques années, le FN était, comme EELV, un « petit parti ». Pourquoi l 'un attire des électeurs et pas l 'autre, alors que les citoyens sont de plus en plus sensibilisés à la question de l 'écologie ?

Une grande partie d'EELV considère que l'écologie doit être instrumentalisée au bénéfice d'une autre idéologie. On peut vouloir l'économie de marché et défendre l'écologie. Cette vision s'est ghettoïsée dans le parti. Quant au FN, il a répondu avec des éléments très simples aux angoisses existentielles d'une catégorie de gens qui ne sont pas ceux à qui les écolos s'adressent. Le FN a exploité des sujets dont les partis politiques traditionnels n'ont pas souhaité s'emparer. Les autres partis sont dans le déni.

La crise politique doit-elle se résoudre en contournant les partis ?

Oui, c'est pour cela que je participe à Cap21, une coopérative où 50 % des gens ne font pas de politique. Cela répond à une critique de notre système de gouvernance : la partitocratie. Des partis qui tournent pour eux et pas pour les autres. Alexandre Jardin se réjouit de la montée du FN, car, pour lui, c'est l'occasion de passer à autre chose. Les partis doivent comprendre qu'ils nous emmènent dans le mur. Seules les collectivités locales et les villes savent encore faire de la politique. Ce que font Alain Juppé à Bordeaux et Anne Hidalgo à Paris n'est pas contradictoire.

Pourtant, il y a eu plusieurs listes citoyennes aux régionales. Mais leur succès reste encore très limité

Incontestablement, les mouvements citoyens, c'est l'avenir. Mais il reste à déterminer comment les structurer. Il y a toute une série de mouvements citoyens : les Zèbres d'Alexandre Jardin, le Pacte civique, Nouvelle Donne, le mouvement de Jean-Marie Cavada, et nous-mêmes. Nous envisageons de travailler ensemble. Une majorité de Français seraient d'accord pour une grande coalition à l'allemande. Sauf que les partis ne veulent pas en entendre parler. Ils ont fait un hold-up sur les institutions de la République.

Cette COP21 sera-t-elle historique ?

D'abord, contrairement aux angoisses exprimées, elle a été remarquablement organisée. Deuxièmement, sur le plan diplomatique, Hollande et Fabius ont beaucoup bossé. Mais cette COP21 ne sera pas historique à cause des blocages financiers. Le Nord a déjà pris des engagements qu'il n'a pas tenus. J'étais à Copenhague (lors de la COP15, NDLR), il y avait le projet de faire un fonds vert de 100 milliards. Lors des 4 COP suivantes, on n'a pas discuté de la manière dont on allait faire le fonds. Si on veut que les pays du Sud fassent des efforts et abandonnent un mode d'alimentation électrique et énergétique fossile, il faut des transferts de technologie et de l'argent.

La question de la transparence des gouvernements est aussi très importante. Les pays du Nord ne veulent pas financer la corruption et les dictatures de certains pays. Et certains États comme l'Arabie saoudite et le Venezuela ne veulent pas abandonner le fossile. Je ne vois donc pas comment trouver un système merveilleux en 72 heures. Mais ce qui est historique, c'est la mise en mouvement de la partie économique et financière de la société civile.

 

Source : LePoint.fr

Informations complémentaires :


Inscription à la Crashletter quotidienne

Inscrivez vous à la Crashletter pour recevoir à 17h00 tout les nouveaux articles du site.

Archives / Recherche

Sites ami(e)s