56% des aéronefs incapables de voler : l’incroyable talon d’Achille de l’armée française

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Malgré un budget de 4 milliards d’euros par an dédié à la maintenance, plus d’un appareil sur deux n’est pas en état de vol. Florence Parly lance un grand plan de réorganisation, et hausse le ton face aux industriels.

56p100 Aeronefs En Panne France 12 12 2017
Malgré un budget de 4 milliards d’euros par an dédiée à la maintenance, plus d’un appareil sur deux n’est pas en état
de vol, le Super Puma et l’A400M affichant des chiffres encore plus catastrophiques. La ministre des armées Florence
Parly lance un grand plan de réorganisation, et hausse le ton face aux industriels. Ministère des Armées

Le plan de la dernière chance ? La ministre des armées Florence Parly a présenté lundi 11 décembre, depuis la base aérienne 105 d'Evreux, un grand plan de modernisation des opérations de maintenance des avions et hélicoptères de l'armée, le "MCO aéronautique" en jargon militaire (maintien en condition opérationnelle). Le constat est clair : malgré un budget important (4 milliards d'euros par an, en augmentation de 25% en cinq ans) et des effectifs conséquents (22.000 personnes dans les armées), les chiffres de disponibilité des avions et hélicoptères de l'armée sont catastrophiques. Le taux de disponibilité moyen atteint seulement 44%, contre 55 % en 2000. En clair, 56% des matériels aéronautiques de l'armée ne sont pas en état de voler, alors que les forces françaises restent durement mises à contribution au Sahel et au Levant.

La situation est encore plus grave pour certains types de matériels. Si le Rafale atteint le chiffre, moyen sinon médiocre, de 49,3%, d'autres taux de disponibilité tiennent du cataclysmique : 22,5% pour l'avion de transport C-130, 25,6% pour l'hélicoptère de combat Tigre, 31,7% pour les Caracal de l'armée de terre, 26,7% pour les Lynx, selon les chiffres obtenus par le député François Cornut-Gentille. Le général André Lanata, chef d'état-major de l'armée de l'air, précisait même récemment devant les députés de la commission de la défense ne pouvoir compter que sur un à deux A400M, sur une flotte actuelle de 12 appareils… "Les conséquences de tout cela sont que les équipages s'entraînent moins, les formations de pilotes sont contraintes, les techniciens sont sur-sollicités, et le coût de l'heure de vol augmente", souligne Florence Parly. Le coût d'une heure de vol en Caracal est ainsi passé de 19.000 à 34.000 euros de 2012 à 2016, soit une explosion de 81%. Quant à l'heure de C-130, elle est passée de près de 6000 euros en 2012 à 15.000 euros en 2016, soit une augmentation de 150 % !

Organisation ultra-complexe

Pourquoi ces performances désastreuses ? Les causes sont multiples. Il y a bien sûr la mise à contribution énorme - excessive, diront certains  - des forces françaises sur des théâtres d’opérations très exigeants (Sahel, Levant), où la chaleur et le sable provoquent une usure accélérée des moteurs d’avions et turbines d’hélicoptères. Les suppressions d’effectifs dans les armées, avant la remontée en puissance depuis 2015, ont aussi laissé des traces : le ministère avait prévu sept mécaniciens par Rafale, il en faut finalement douze, comme le rappelait le général Lanata en octobre. Il y a aussi un effet de ciseau pour l'outil de maintenance, entre des programmes nouveaux, avec des appareils pas encore matures et donc chers à l’entretien (A400M), et des équipements anciens en bout de course de plus en plus difficiles à maintenir en état de vol (Transall, C-130, Cougar, Puma, Lynx).

L’autre cause majeure des performances catastrophiques du MCO aéronautique, bien mise en évidence dans le rapport sur le sujet remis dernièrement à Florence Parly par l’ingénieur général de l’armement Christian Chabbert, est l’organisation de l’outil de maintenance. Celle-ci apparaît bien trop complexe, avec une grande dispersion des responsabilités. Les acteurs sont multiples : il y a un maître d’ouvrage public, la SIMMAD (Structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la défense). Il y a un industriel public, le SIAé (Service industriel de l’aéronautique), censé challenger les industriels privés pour les faire baisser leurs prix. Il y a les constructeurs et motoristes (Airbus, Dassault, Safran, Thales…). Il y a enfin les industriels spécialisés (Sabena Technics, Air France Industries). Du fait de cette dilution des responsabilités, la maintenance du Tigre fait ainsi l’objet d'une trentaine de contrats différents !

Les industriels futur maîtres d'œuvre 

Le plan annoncé par Florence Parly vise à mettre de l’ordre dans cet enchevêtrement de responsabilités. Une hausse des moyens n’est pas envisagée, ceux-ci apparaissant suffisants. L’organisation d’ensemble va en revanche être bouleversée : une nouvelle direction, la DMAé (direction de la maintenance aéronautique), sera créée le 1er mars 2018. Celle-ci, directement rattachée au chef d’état-major des armées, remplacera la SIMMAD, avec un directeur responsable de la performance du MCO aéronautique. L’accent doit être mis sur la signature d’un nombre restreint de contrats "longs et globaux", qui doivent responsabiliser un industriel unique de bout en bout.

En métropole et pour chaque aéronef, un industriel sera nommé maître d’œuvre unique : celui-ci coordonnera les travaux des organismes publics et privés. Les armées seront désengagées de la logistique aéronautique (pièces de rechange…) en métropole, au profit de "guichets logistiques industriels" installées dans les bases aériennes. Les contrats seront renégociés sur toutes les flottes d’hélicoptères, puis sur le Rafale, dont les contrats de maintenance arrivent à échéance dans les 18 prochains mois. Quant au SIAé, une étude complémentaire de six mois sera lancée pour améliorer ses performances, en lui donnant plus de liberté d’action sur les achats, les partenariats et les ressources humaines. Il conservera, dans tous les cas, son statut public.

Message aux industriels

La mission confiée par la ministre à l'outil de maintenance français s'annonce compliquée. Car il n'y a guère de recette miracle à copier depuis l'étranger : l'Allemagne connaît les mêmes problèmes de disponibilité, avec seulement 32 % de ses chasseurs Eurofighter Typhoon en état de vol, et 28,6% des hélicoptères Tigre. Mais tout en reconnaissant que "le taux de disponibilité ne va pas grimper du jour au lendemain", Florence Parly a rappelé qu’elle veut des résultats concrets dès 2020. Un message largement adressé aux industriels. "Nous achetons pour voler, pas pour stocker : ni dans des hangars ni sur des parkings, a rappelé la ministre. Il me semble paradoxal que je doive préciser ce qui paraît pourtant évident : "il faut que ça vole", comme on dit dans les escadrons, les flottilles et les régiments. Est-ce trop demander ? Mesdames et messieurs les industriels, je vous pose, avec franchise et très directement, cette question."

 

Source(s) : Challenges.fr via Contributeur anonyme

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