Les accusations de l'ex-comptable de Liliane Bettencourt

Eviter toutes polémiques semble être le leitmotiv du chef de l'état, mais il est fort possible que la justice ne le rattrappe...

par Thierry Lévêque

PARIS (Reuters) - L'ex-comptable de l'héritière de L'Oréal Liliane Bettencourt affirme que 150.000 euros en espèces ont été remis à Eric Woerth pour la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007, allégation démentie par l'Elysée et le ministre du Travail.

Le dépositaire de fortune de Liliane Bettencourt a été entendu à son tour mardi par la police judiciaire, a-t-on appris de source judiciaire. Selon la radio RTL, il a "nié en bloc" la version de l'ex-comptable.

La police a recueilli la déposition de celle qui fut comptable de la milliardaire de 1995 à 2008 lors d'une audition en deux temps lundi, au commissariat, puis à son domicile, dit la police. Le parquet a confirmé la teneur du témoignage.

"Nous allons faire les vérifications et les auditions appropriées", a dit une porte-parole du procureur de Nanterre (Hauts-de-Seine) Philippe Courroye.

Il n'est cependant pas question pour l'instant d'ouvrir une enquête distincte sur ces allégations. Le cadre actuel est limité aux enregistrements clandestins de Liliane Bettencourt réalisés par un employé, qui ont tout déclenché.

Selon la déposition, la somme de 150.000 euros a été remise par Fabrice de Maistre, gestionnaire de la fortune Bettencourt, à Eric Woerth, trésorier de la campagne et aujourd'hui ministre du Travail. Il est déjà soupçonné de complaisance dans le traitement du dossier fiscal de Liliane Bettencourt lorsqu'il était au Budget de 2007 et 2009.

En marge d'une visite dans un hôpital de la banlieue parisienne, Nicolas Sarkozy a estimé mardi qu'il s'agissait de "calomnies". Il pourrait s'exprimer prochainement devant les Français, ce que sa majorité le presse désormais de faire.

Eric Woerth a réfuté les allégations et exclut de démissionner. "Je n'ai pas touché un euro, mon parti politique n'a pas touché un euro illégal", a-t-il dit.

DINER WOERTH-MAISTRE ?

Selon son avocat, la comptable a dit à la police que Patrice de Maistre lui avait demandé en mars 2007 de retirer 150.000 euros en espèces pour la campagne Sarkozy, ce qu'elle a refusé puisque son autorisation ne portait que sur 50.000 euros. Elle a donc retiré cette dernière somme et l'a remise à Liliane Bettencourt.

Fabrice de Maistre aurait ensuite fait retirer les 100.000 euros manquants sur les comptes suisses de la milliardaire.

"Ensuite, Maistre m'a dit qu'il allait très vite dîner avec Eric Woerth afin de lui remettre, 'discrètement' comme il m'a dit, les 150.000 euros. Et le dîner a bien eu lieu très rapidement", raconte la comptable au site internet Mediapart.

L'avocat de la comptable, Antoine Gillot, a précisé dans plusieurs médias que sa cliente n'avait pas assisté à ce dîner. Les cahiers où étaient consignés par la comptable les remises d'espèces restent introuvables.

Il s'agit du dernier développement d'une affaire commencée à la mi-juin par la publication des enregistrements de conversations entre Liliane Bettencourt et son gestionnaire de fortune, qui ont fait apparaître des soupçons d'évasion fiscale de la 17e fortune mondiale avec 17 milliards d'euros.

DES ENVELOPPES POUR SARKOZY ?

Florence Woerth, épouse du ministre, a été embauchée fin 2007 par Patrice de Maistre, qui a reçu peu après la Légion d'honneur des mains d'Eric Woerth.

Devant la police, l'ex-comptable a expliqué qu'elle retirait jusqu'à 50.000 euros en espèces par semaine dans deux agences de la BNP à Neuilly et Paris, remis d'abord à André Bettencourt, mari de l'héritière de L'Oréal.

Lorsque son état de santé s'est dégradé et après son décès en 2007, c'est Fabrice de Maistre qui a reçu les enveloppes, destinées à payer des médecins, des coiffeurs, du petit personnel et des hommes politiques, dit la comptable.

Entre 1983 et 2002, Nicolas Sarkozy était souvent l'hôte des Bettencourt, avec sa deuxième épouse Cecilia, dit la comptable.

"Nicolas Sarkozy recevait aussi son enveloppe, ça se passait dans l'un des petits salons situés au rez-de-chaussée, près de la salle à manger. Ça se passait généralement après le repas, tout le monde le savait dans la maison", raconte la comptable.

"Sarkozy était un habitué. Le jour où il venait, lui comme les autres d'ailleurs, on me demandait juste avant le repas d'apporter une enveloppe kraft demi-format, avec laquelle il repartait. Je ne suis pas stupide quand même, inutile de me faire un dessin pour comprendre ce qu'il se passait."

Le président du groupe UMP au Sénat, Gérard Longuet, a déclaré mardi à Reuters que Nicolas Sarkozy lui avait confié "avoir déjeuné ou dîné deux fois chez Mme Bettencourt en vingt ans et jamais en tête-à-tête" dans le cadre de "mondanités".

Édité par Yves Clarisse


Source : Reuters

Informations complémentaires :

L'Express : Panique au sommet de l'exécutif
AFP : Affaire Bettencourt/Woerth: la presse française demande des explications à Sarkozy
Le Parisien.fr : Affaire Bettencourt : Woerth se défend en criant à la «cabale politique»

 


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