Ainsi donc, Philippe Pétain n’était pas qu’un vieillard grabataire abusé par un moustachu nerveux en 1940. Le « vainqueur de Verdun » comme l’appelait une certaine gauche dans les années 80 était en réalité un antisémite farouche qui n’hésita pas à annoter pour le durcir le fameux texte sur le « statut des juifs », dont on a retrouvé comme par hasard une copie 70 ans après le début des hostilités. La France collabo, c’était l’Etat français bien sur, et son chef en premier lieu, donc, chef à qui pourtant longtemps on trouva comme excuse d’avoir été un valeureux guerrier sur la première guerre, ou d’avoir été manipulé sur le début de la deuxième par Pierre Laval, au hasard, fielleux et redoutable personnage. La France collabo, c’est un mythe aussi, toujours, un mythe au présent, une mythologie, une écharde grosse comme le pouce qu’on n’a jamais voulu extraire. Ainsi, lorsqu’un président socialiste royalement élu, et réélu, se prenait d’une lubie d’aller régulièrement fleurir la tombe du Maréchal de 14 qui était aussi le collabo de 40, on mit longtemps à s’en émouvoir, même chez la gauche bien pensante. Comme on mit longtemps à s’émouvoir que le même président socialiste si égalitaire, si « touche pas mon pote », recevait à dîner de temps à autre René Bousquet, grand ordonnateur de la rafle du vel’ d’hiv, ou pas loin.
Pétain c’était la France et c’est encore un peu la France. La France combattante et la France abandonnante. La France courageuse et la France couarde. « L’homme n’est ni ange ni bête et qui veut faire l’ange fait la bête » écrivait Pascal. Or, pourquoi a-t-on besoin aujourd’hui de ressortir ces vieilles histoires si ce n’est pour tenter de démontrer à quel point Pétain était un salaud, et rien d’autre, ce qui est faux, bien sûr. A quel point il était le seul maître, donc le seul responsable du terrible trou noir de la collaboration. Et c’est bien commode. C’est rassurant. Ca permettra peut-être même à certains de se dire que si ce bonhomme là n’avait pas été là, les choses ce seraient passées autrement. Oui, mais il était là, et les choses ne se sont pas passées autrement. On y changera rien. Ce qu’on peut faire en revanche, ce qu’on peut faire enfin, plutôt que d’exhumer des documents dont l’authenticité reste à prouver, c’est ouvrir en grand ce dossier de la collaboration. Voire même, allons plus loin, d’un certain antisémitisme à la française, qui perdure encore, qui sait ? Qui perdurait en tout cas à l’époque, autre anniversaire, de la rue Copernic, avec la fameuse phrase de Barre sur les « français innocents » opposés aux « juifs ». Ce serait courageux d’affronter enfin ce trou noir de 40, dont on parle tant, tout le temps, à la moindre occasion, à tort et à travers. Les lois Hortefeux ? C’est Vichy ! Les critiques de l’opposition ? Ca rappelle les années 30 ! Si tout aujourd’hui nous ramène à cette époque, revenons donc à cette époque, et parlons-en, vraiment. Sans hypocrisie, sans masque.