Chômage : les chiffres sont truqués en Allemagne comme en France

Comme je vous l'avais indiqué je crois bien que c'est partout en fait... (informations complémentaires)

Le modèle économique allemand, encensé pour sa croissance et son dynamisme, ne semble pas aussi enviable qu'il n'y paraît. En particulier concernant le chômage, dont les chiffres seraient truqués pour cacher le fait qu'une partie de la population vit dans la précarité. De même qu'en France, où le taux de chômage officiel n'est pas le reflet exact de la réalité. Petite démonstration par Philippe Murer, professeur de finance à la Sorbonne.

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(Dessin de Louison)

En utilisant deux méthodes différentes, on peut évaluer le taux de chômage en France entre 16 et 20 % de la population en âge de travailler. L’Allemagne serait à 15 %.

En lisant les quatre articles en annexe et en fouillant longtemps dans les statistiques, je me suis rendu compte que les chiffres allemands semblent faussés. Il faut dire que les chiffres français du chômage ne sont pas réalistes non plus.

Une responsable de l’Arbeitsagentur d’Hambourg (Pôle-emploi allemand) souhaitant garder l’anonymat, ne cache pas sa colère.
« Qu’on arrête de parler de miracle économique. Aujourd’hui, le gouvernement répète que nous sommes aux alentours de 3 millions de chômeurs, ce qui serait effectivement historique. La réalité est toute autre, 6 millions de personnes touchent Hartz IV,... »

Récemment la polémique a été relancée après que le quotidien Die Welt a rapporté, dans son édition du 27 septembre, que les chiffres du chômage des seniors sont « truqués ». D’après le journal conservateur, un chômeur de plus de 58 ans sur deux n’est plus répertorié dans les chiffres de la Bundesagentur für Arbeit  (Agence fédérale du travail).

Par une magouille comptable et dialectique, le pôle emploi allemand aurait fait sortir 211.000 chômeurs seniors des listes. Le credo du Silberschatz (littéralement, le « trésor de l’expérience » des seniors), chanté par la ministre du Travail, Urula Van der Leyen, qui répète que « les principaux bénéficiaires du redressement du marché du travail allemand sont les 58 ans et plus » a depuis pris du plomb dans l’aile. Interpellé sur la question par Klaus Ernst, le chef de file de la Linke (parti politique de gauche) le porte-parole du ministère du Travail a d’ailleurs dû reconnaître que « début 2011, seulement 43 % des seniors bénéficiaires du chômage étaient enregistrés sur les listes. »

« Les 4,9 millions d’adultes sont en fait des chômeurs, des quasi-chômeurs - qui travaillent moins de 15 heures par semaine - ou des précaires. Les plus touchés sont les familles monoparentales et les seniors », souligne Brigite Lestrade, auteur d’une étude sur les réformes Hartz IV (Cerfa, Juin 2010).

Méthode pour vérifier le taux de chômage : retraiter des RSA socle et autres chômeurs cachés

Le nombre de chômeurs en Allemagne et en France semblent en train de diverger, bilan très flatteur, remarquée et encensée en France par presque tous les commentateurs. A juste titre ?

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En revanche, la comparaison évolue quand on suit le nombre de personnes au chômage ou touchant le RSA socle en France, la loi Hartz en Allemagne. L’Allemagne s’en tire un peu mieux récemment mais il n’y a rien de miraculeux.

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Le taux de chômage des deux pays est à 21% en France et 16% en Allemagne.

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Comment expliquer ces différences ?

La population en âge de travailler baisse en Allemagne et augmente en France
 
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Ce qui permet à l’Allemagne de faire baisser son chômage avec moins de croissance qu’en France

D’autant plus que le chômage est encore plus caché en Allemagne qu’ en France
 
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On remarque que la population au travail en France a augmenté de façon comparable en France et en Allemagne
 
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Autre méthode pour vérifier le taux de chômage : le taux d’activité

Depuis 1970, le changement des mœurs a considérablement accru la participation des femmes à l’emploi en France. Nous travaillerons donc sur le taux d’activité des hommes pour ne pas biaiser l’étude. Nous avons aussi enlevé les jeunes hommes de 15 à 24 ans touchés par le chômage - mais qui étudient plus longtemps maintenant - afin d’éliminer un biais statistique et les plus de 60 ans à cause des changements de système de retraite.

A partir des chiffres de l’INSEE, on peut tracer la courbe suivante. 

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De 1975 à 2009, le taux d’activité des hommes de 24 à 60 ans est donc passé de 77,1 à 64,6 %.

Le taux de chômage de 2009 peut être indirectement évalué comme le taux de chômage de 1975 +12.5b% en supposant qu’un homme entre 24 et 60 ans souhaite autant travailler en 2009 qu’en 1975.

Comme le taux de chômage était de 3b% en 1975, on trouve un taux de chômage estimé de 15.5b% chez les hommes.

L’emploi industriel

Malgré la belle réussite de l’industrie allemande, on remarquera que l’emploi industriel baisse aussi vite en France qu’en Allemagne.

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La réalité du chômage en France et en Allemagne est donc largement sous-estimée par les chiffres officiels

La question est désormais de savoir pourquoi. 


Philippe Murer est professeur de finance à la Sorbonne et membre du Forum Démocratique.

Pour aller plus loin, voici une sélection d'articles sur l'Allemagne :

Chômage : la face cachée du miracle économique allemand. 

La compétitivité allemande ? 20 % de travailleurs pauvres.

Les bas salaires allemands accusés d'être à l'origine de la crise en zone euro. 

Les réformes sociales Hartz IV à l'heure de la rigueur en Allemagne  (pdf) par Brigitte Lestrade, professeur de civilisation contemporaine allemande à l’Université de Cergy-Pontoise.

Source : Marianne2.fr

Informations complémentaires :

Crashdebug.fr : 7 millions de mini-jobs en Allemagne : vraies et fausses précarités


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