Dupont-Aignan au Grand Journal : la révolte des « petits »

Comme on l'avait souligné Nicolas Dupont-Aignan n'a de leçon à donner à personne. Mais cette petite passe d'arme en direct m'a fait sourire, car il sait dire certaines vérités...(Informations complémentaires).

LE PLUS. Le candidat souverainiste n’a pas supporté d’être humilié par Ariane Massenet. Il a vertement mis en cause Jean-Michel Aphatie, Michel Denisot et tous les éditorialistes "qui s’en mettent plein les poches", donnent des leçons et ne savent rien de la souffrance des Français. Retour sur un grand moment de télévision.

Ce fut un grand moment de télévision, vendredi 13 avril, dans le Grand Journal de Canal+. Un moment de folie pendant lequel nos roitelets tout puissants du divertissement télévisuel, de la chronique satirique et de l’éditorial politique sont tombés de leur piédestal.

Ce fut un moment d’hystérie collective, à l’image de cette fin de campagne électorale qui exprime, exsude tout à la fois chez les interviewers, les interviewés et les téléspectateurs, la fatigue, la frustration, le sentiment de révolte et d’injustice face à une pièce de théâtre écrite à l’avance, dans laquelle les "petits candidats" sont étrillés, raillés, bafoués par les grands journalistes tandis que les "grands candidats" sont questionnés avec des égards dus à leur rang actuel ou celui qu’on leur prête à venir.

Un effet Poutou, une contagion, une gangrène ?

Ainsi, on ne questionne pas de la même manière Philippe Poutou, Nicolas Dupont-Aignan que Nicolas Sarkozy ou François Hollande. A moins que justement, l’exaspération, le temps de parole enfin accordé en toute équité aux uns et aux autres, ne donnent des idées de révolte à ces candidats modestes que l’on considéraient comme quantité négligeable, comme inoffensifs puisque crédités (si l’on ose dire) entre 0 % et 1 % des voix.

À moins qu’alors, la folie s’installe soudain sur les plateaux des émissions, sous les coups de boutoir de ces chèvres un instant devenues des béliers.

On l’a vu avec Philippe Poutou qui, disent de nombreux téléspectateurs de DPDA sur France 2, a "crevé l’écran", "fait le show" en étant simplement et entièrement lui-même : un utopiste, certes, mais un militant d’extrême-gauche capable de s’assumer jusque dans ses outrances, utilisant un langage, ô combien jusque-là peu pratiqué à la télévision, la langue brute de décoffrage de l’ouvrier qui parle avec sa colère nourrie par des années de sentiment d’injustice, des années d’un boulot payé au Smic quand le patron, parfois, gagne 100 fois plus que lui.

Il y a désormais dans cette campagne, à l’évidence, un "effet Poutou", une contagion qui se répand, une gangrène qui s’installe chez les "petits candidats" et dont Nicolas Dupont-Aignan vient de nous révéler toute l’ampleur.

Un comportement à géométrie variable

C’était donc vendredi 13, jour de malchance pour Michel Denisot, le patron du "Grand Journal" de Canal+, mais aussi pour Ariane Massenet, la chroniqueuse spécialiste des fausses questions pièges, et pour Jean-Michel Aphatie, l’éditorialiste qui jongle avec ses interviews quotidiennes à RTL pour officier tous les jours dans l’émission télévisée.

Or, il a suffi d’une phrase malheureuse d’Ariane Massenet, d’une réaction d’orgueil de NDA pour que soudain "le Grand Journal" parte en vrille et que le petit numéro préparé dérape et échappe soudain à tout contrôle.

Ariane Massenet a, on le sait, un comportement à géométrie variable selon ses interlocuteurs. Souvent, elle exige des réponses par oui ou par non de là part des "petits" mais elle tolère de longs développements de la part des puissants.

Cette fois donc, elle avait en face d’elle un candidat à moins de 1 % des voix pour la présidentielle. Facile, alors de l’humilier en public, et de montrer que, par comparaison avec les "grands" candidats, il a fait l’objet d’une couverture médiatique quasi-nulle dans les journaux, sur les radios et à la télévision (avant la mise en place de l’égalité du temps de parole).

Ariane Massenet insiste, répète que son espace dans la presse, c'est "35 fois moins que Nicolas Sarkozy !"

Sauf que la réaction de NDA n’était pas prévue ! Une colère froide qui soudain s’échauffe, monte inexorablement comme le syndrome chinois d’une centrale nucléaire et soudain explose, irradiant tout le monde par son souffle empoisonné.

NDA dénonce "les éditorialistes de bazar"

"Je sais pourquoi les Français ne lisent plus les journaux, répond Nicolas Dupont-Aignan. Ils vont sur internet, parce que tous ces éditorialistes de bazar qui vivent ensemble, qui pondent toujours les mêmes articles, qui sont tellement coupés des réalités, qui gagnent un argent fou, ils croient connaître les Français mais ils ne (les) connaissent pas et on va s'en débarrasser un jour", lance le candidat de Debout la République.

Vous vous mélenchonisez", lui répond du tac au tac Ariane Massenet, ce qui a pour effet d’accroître la colère de l’intéressé. "Je ne me mélenchonise pas", réplique-t-il. "Allez voir les Français qui souffrent ! Venez avec moi sur le terrain !"

"Mais on ne vit pas dans la lune !", réplique à son tour Michel Denisot, ce qui, alors, déclenche l’irréversible : le candidat s'emporte et n’est plus contrôlable... "Donnez-nous votre salaire ! Combien vous gagnez ? Dites-le aux Français ! Vous n'oserez pas !"

La confusion s’installe ; Denisot, glacial, lui répond : "Cela ne vous regarde pas ! C’est moi qui me paie. Et c'est moi qui vous paie avec les impôts." Il insiste : "Vous ne pouvez pas me regarder dans les yeux et dire aux Français ce que vous gagnez, parce que c’est une somme tellement extravagante !"

Devant le nouveau refus de Denisot, il lâche : "Ça veut dire que tous ces gens qui s’en mettent plein les poches, qui donnent des leçons à la terre entière ne veulent pas voir la souffrance des Français."

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Nicolas Dupont-Aignan, sur le plateau de France 2, le 11 avril 2012 (Thomas Samson/SIPA).

L’"éditorialiste", l’arbre qui cache la forêt des journalistes

Jean-Michel Aphatie vole alors au secours de son patron : "Traitez-nous de voleurs tant que vous y êtes !", ce qui ne fait que décupler la colère de NDA qui répète plusieurs fois : "Osez dire votre salaire !" et n’obtient de l’éditorialiste que cette réponse : "Je le mérite mon salaire ! Comme vous, mais je ne vous le dirai pas !"

Aphatie traite alors le souverainiste "d’inquisiteur" au comportement "pas digne de la politique… Du populisme intégral."

Nicolas Dupont-Aignan reprend la main : "Si vous sortiez de votre petit milieu, vous ne penseriez pas pareil…. Ce n’est pas de l’agressivité, c’est qu’il y en a assez d’avoir des leçons de gens qui ne savent pas comment vivent les Français."

Le résultat de cette séquence est désastreux pour le milieu des journalistes et des éditorialistes. Ils ne sont pourtant qu’une poignée à représenter l’ensemble de la profession mais ils sont les arbres qui cachent la forêt des quelque 40.000 rédacteurs qui, en France, travaillent dans la presse écrite, à la radio ou à la télévision.

L’immense majorité gagne entre 1800 et 3500 euros par mois, le métier devient précaire, se féminise (malheureusement signe d’une érosion salariale) et si l’on excepte les dirigeants, les rédacteurs en chef et quelques éditorialistes de renom, ils ne sont qu’une poignée en France à gagner beaucoup d’argent.

Combien gagnent-ils vraiment, ces cumulards ?

Régulièrement, le cumul des fonctions (directeur de journal, commentateur, éditorialiste) mais aussi leur engagement à droite sont dénoncés sur internet. Ainsi, les Christophe Barbier, Jean-Michel Aphatie, Alain Duhamel, Jean-Pierre Elkabbach et quelques autres font-ils régulièrement l’objet d’articles dans lesquels sont dénoncés à la fois leur pouvoir d’influence exorbitant sur l’opinion et leurs revenus que l’on dit mirobolants.

On peut sans risque de se tromper, estimer que cette poignée de ténors gagnent plusieurs dizaines de milliers d’euros chaque mois même si, le plus souvent, il ne s’agit que de supputations.

Car justement, personne ne dit ce qu’il gagne dans ce milieu et ce n’est pas l’enquête expresse (et peu précise) réalisée par l’équipe de Jean-Marc Morandini et publiée sur son site qui nous en apprendra davantage.

Ils se taisent, donc, ces cumulards de la presse, peut-être pour ne pas choquer des Français aux prises avec le chômage et la baisse de leur pouvoir d’achat, plus sûrement parce que gagner beaucoup d’argent est un tabou en France, à moins que ce ne soit pour ne pas se mettre dans la ligne de mire d’un François Hollande qui, s’il gagne, instaurera un impôt plus lourd pour les plus aisés.

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Nicolas Dupont-Aignan au "Grand Journal" le 13 avril 2012 (Capture d'écran : Mathieu Géniole)

Une bouffée d'air frais dans une campagne étouffante

On le voit, le pavé que vient de lancer Nicolas Dupont-Aignan dans la mare journalistique n’a pas fini de faire des ronds dans l’eau. Car il s’agit, cette fois encore, d’un crime de lèse-majesté à l’égard d’une caste qui règne depuis de nombreuses années maintenant sur l’opinion publique.

Vendredi soir, les téléspectateurs se sont sentis soudain envahis par un moment de folie. Il rappelait cette journée des fous qui, dans l’Ancien Régime, permettait à un jeune prêtre de devenir le Pape ou au fou du roi de prendre la place du monarque. C'était un appel d'air maîtrisé, contrôlé par le pouvoir, et destiné notamment à laisser s'échapper les frustrations et les désirs de révolte.

Un instant, nous avons eu droit à la fête des fous. Un "petit" candidat a osé tenir tête aux aristocrates de la presse française. Et, même si sans doute cela n’aura aucun effet sur ses propres résultats à la présidentielle, face à la défense maladroite de ses contradicteurs, il a gagné. Et nous aussi : une bouffée d'air frais, et osons le dire, un moment de salubrité publique.

Source : leplus.nouvelobs.com

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