Mort aux vieux !

Je ne sais pas ce qu’ils ont chez Marianne en ce moment, mais ils sont totalement déchaînés. J'ai hésité pour laisser ce titre qui est à prendre au second degré, et n'engage que son auteur. Mais c’est pour mobiliser les gens, car je rappelle juste qu'il y a urgence, notamment avec la dernière mode cynique en Allemagne ainsi que les nouvelles pratiques des Anglais (informations complémentaires). Hélas, au combien hélas, ces politiques tendent à se généraliser (même en France), aussi il faut se mobiliser contre cette volonté de rentabilité, ou un jour elle vous tuera… Tout simplement…

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Photo extraite du film "Soleil Vert"

J'ai été frappé par la récente coïncidence de deux événements survenus la semaine dernière, et a priori sans rapport entre eux:

- Le fait que l’article de Laurent Neumann, sur Marianne.net, mettant l’accent sur la situation financière très préoccupante des régimes des retraites, ce qui devrait angoisser tous les Français, a été lu par beaucoup de monde, mais n’a fait l’objet que d’un nombre assez faible de commentaires, ce qui semble témoigner d’un certain fatalisme et d’une sorte de sidération face à une catastrophe annoncée,

- Et la programmation sur Arte, du film « Soleil Vert », racontant comment, dans des villes surpeuplées du futur, les personnes âgées seront encouragées à se faire euthanasier, pour être ensuite transformées en biscuits alimentaires pour les plus jeunes. Ce film de science-fiction de Richard Fleischer, sorti en 1973, est  inspiré d’un roman de Harry Harrison publié en 1966. Or, aujourd’hui, tous deux paraissent  beaucoup moins « fictionnels» qu’il y a près d’un demi-siècle.

Pendant longtemps, dans la plupart des cultures, les vieux étaient à la fois moqués (le « barbon »),  mais aussi respectés, car supposés gagner en sagesse, en savoir et en expérience. Et le système des retraites par répartition a été inventé, créant une solidarité entre générations qui n’est, au fond, sachant que nous serons tous vieux un jour, que de l’égoïsme collectif et intelligent à long terme.

Mais nous sommes en train de changer de société et de culture.

Nous sommes entrés dans le monde du court terme, dans lequel tout objet ne vaut que tant qu’il peut être source de bénéfices, mais qui, dès qu’il se révèlera défectueux, se trouvera totalement dévalorisé et envoyé à la casse. Et, très logiquement, l’homme devient un « objet » et est progressivement traité comme tel.

C’est déjà, depuis longtemps, le cas des salariés-kleenex, mis à la poubelle non seulement lorsque leur savoir-faire ne répond plus à aucune demande du marché, mais lorsque leur âge les rend nécessairement moins performants : « dégraissages » et quasi-impossibilité de retrouver un autre emploi dès la cinquantaine.

Mais il n’y a aucune raison pour que cette logique économique s’arrête là. Comme le faisait remarquer dès 2002 le psychanalyste Charles Melman (1), « cette économie libidinale (...) est aujourd’hui au principe des relations sociales, à travers la façon de se servir du partenaire comme un objet que l’on jette dès qu’on l’estime insuffisant » : c’est vrai pour les mariages, comme ce sera bientôt vrai pour les vieux.

Et de poursuivre sa démonstration : « Le problème de la prolongation de l’existence, par exemple, va poser des questions qu’il faudra résoudre. La masse des vieux coûtera cher à toute une génération. Et celle-ci devra trouver le moyen, avec des apparences honnêtes, de régler ce problème, c’est-à-dire de jeter ce qui, après avoir servi, est devenu usagé, source de dépenses sans contrepartie. (...)  Je vois très bien se profiler cette perspective : les compagnies d’assurances versant des primes aux personnes âgées qui auront souscrit des polices afin qu’elles servent à assurer un héritage à leur descendance, moyennant euthanasie pour raccourcir un parcours socialement onéreux. Le dire comme cela paraît abominable et monstrueux. Mais on voit régulièrement des choses semblables se passer. Alors pourquoi pas celle-là ? On développera toutes les argumentations et les théories nécessaires pour justifier l’affaire. Il y aura même des volontaires, il y en a d’ailleurs déjà. Alors on commencera par accepter, légaliser  l’euthanasie, et puis à partir de là... »

Complétons le raisonnement : de l’euthanasie pour mettre fin à des souffrances sans espoir de rémission et que la médecine est incapable de soulager, on glissera progressivement vers l’euthanasie pour convenance personnelle sans justification médicale (« ma vie ne m’intéresse plus ») , puis à la pression sociale culpabilisatrice envers ceux  qui, refusant l’euthanasie, s’obstinent à constituer une charge improductive pour la société, alors qu’ils pourraient, en anticipant le moment de l'héritage, contribuer à la prospérité des jeunes générations encore actives : processus dont les biscuits alimentaires de « Soleil Vert » ne constituaient que le symbole prémonitoire...

On vit une époque formidable : bonne année à tous !

1- Dans son livre  « L’homme sans gravité », Folio Essais, Denoël, 2002

 

Source : Marianne.net

Informations complémentaires :

 

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