Quand les cadres suent du burn out

Qui sera le grand romancier du burn out, la nouvelle pathologie du travail qui ne cesse, dit-on, de gagner du terrain par temps de dérégulation capitaliste globale ?

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On le sait, troubles mentaux et organisations sociales fonctionnent souvent en miroir. Sur la paranoïa née du siècle totalitaire, 1984 de George Orwell ou, plus récemment, la Vie des autres du cinéaste allemand Florian Henckel von Donnersmarck, ont apporté une contribution définitive. On pourrait en dire autant du lien unissant schizophrénie et capitalisme, mis au jour par Deleuze et Guattari dans Mille plateaux (1980), et porté à son paroxysme par American Psycho de Bret Easton Ellis (1991). Qui sera le grand romancier du burn out, la nouvelle pathologie du travail qui ne cesse, dit-on, de gagner du terrain par temps de dérégulation capitaliste globale ?

A cette affection, le philosophe Pascal Chabot vient de consacrer un livre sobre et subtil, Global Burn Out (PUF), nouvel acte d'accusation contre les pathologies du néolibéralisme. Anxiété généralisée, stress insurmontable, dépersonnalisation, le burn out n'est pas la maladie des tire-au-flanc, c'est celle des dévots du système. Le cadre dirigeant, par exemple, qui a entièrement mis sa courte existence au service de sa carrière et se réveille un jour floué, vidé, brûlé de l'intérieur. Celui-là même à qui Jean-Pierre Darroussin prêtait idéalement ses traits dans De bon matin (2011), film de Jean-Marc Moutout où l'on voyait un chargé d'affaires abattre froidement ses deux bourreaux hiérarchiques avant de se donner la mort.

Au burn out, Pascal Chabot trouve un ancêtre amusant dans l'histoire spirituelle de l'Occident : l'«acédie», véritable maladie professionnelle des moines. Une attaque de mélancolie aux symptômes à peu près identiques, crise de foi touchant les meilleurs éléments, ceux qui n'avaient jamais douté et semblaient même en route vers la sainteté. Reste que, n'en déplaise à l'auteur, la comparaison s'arrête là en réalité.

Il ne manque pas aujourd'hui de toute une littérature psychologisante pour plaindre le prolétaire en col blanc et le rude sort qui lui est fait. Mais ce dernier est-il réellement moins enviable que celui des travailleurs anciens ? A en croire Charles Péguy, il y aurait bel et bien une différence de nature entre notre état et celui des hommes du passé qui «n'avaient aucunement cette impression que nous avons d'être au bagne», écrivait-il déjà dans l'Argent en 1913. Ils n'avaient pas comme nous cette impression d'un étranglement économique, d'un collier de fer qui tient à la gorge et qui se serre tous les jours d'un cran».

Rien n'établit cette distinction à coup sûr pourtant. Vaut-il mieux ramasser 50 kg de navets par - 5 °C dans une plaine de la Beauce à la fin du XIXe siècle ou être bombardé par 300 mails quotidiens dans un bureau de La Défense au début du XXIe ?

Il n'a jamais manqué de gens à travers les âges pour souffrir du travail dans leur chair. A cette différence près : aux éclopés du management contemporain on a longtemps raconté qu'ils formaient une élite. Un beau jour, ils découvrirent que leur vie n'était pas forcément plus heureuse que celle des ouvriers chinois qui fabriquaient leurs iPhone dans une usine des antipodes.

 

Source : Marianne.net

Informations complémentaires :

Crashdebug.fr : Le salaire de la peur
Crashdebug.fr : Le Chlorure de Magnésium
 

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