La responsabilité du citoyen en démocratie

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Si la démocratie est fragile, c'est sans doute parce qu'elle est le moins naturel des régimes politiques. Pendant la plupart de son existence sur Terre comme membre d'une société organisée, l'homme s'est soumis à diverses formes de pouvoir autoritaire. Parfois, il gémissait sous le joug de la tyrannie ; il lui arrivait alors de se révolter, mais sans changer de paradigme. Le miracle démocratique athénien était une exception, fondée sur un pari inouï, à savoir que l'animal politique est doué de raison, et donc capable de conduire souverainement son destin en association avec ses congénères. Cependant, les Grecs n'étaient pas naïfs, ils savaient la propension des régimes à dégénérer en leur contraire : la monarchie en tyrannie, l'aristocratie en oligarchie, la démocratie en anarchie, voire en ochlocratie, le gouvernement de la populace. C'est alors le temps des démagogues, ceux qui « mènent » le peuple en flattant ses instincts plutôt qu'en s'adressant à sa raison.

Bien des choses séparent la démocratie antique de la nôtre, et non seulement l'extension du droit de vote à tous et à toutes. Comme l'a bien vu Benjamin Constant dans De la liberté chez les Modernes, la liberté des Anciens consistait à participer à la vie publique, la nôtre, à nous en préserver. Le « métier du citoyen » n'est plus, les droits de l'individu l'ont remplacé. Des devoirs qui lui incombaient, il ne lui en reste qu'un, mais capital : voter en conscience, en usant de sa raison souveraine. Or, il en fait souvent un bien mauvais usage. Pour rester en Europe, des formations fascistes, sinon nazies, mordent les mollets des partis de gouvernement en Grèce, en Hongrie, en Bulgarie, en Autriche, où, selon un sondage récent, plus de la moitié de la population aspire à un pouvoir « fort ». Des partis d'extrême droite prospèrent dans les pays scandinaves, en Flandre, en France. En Italie, pays de haute civilisation, un démagogue repris de justice aux cheveux gominés que l'on donnait pour mort refait surface, avec pour grand concurrent un bouffon antisémite parvenu au faîte de la popularité sans programme aucun sinon la haine du « système ».

A qui la faute ? Aux élites, répondent les médias, unanimes. A leurs jeux politiciens illisibles, à leur évidente corruption, à leur divorce d'avec les peuples, à la rigueur qu'elles leur imposent en ces temps de crise, aux diktats d'une finance mondialisée devenue folle.

Certes. Mais n'est-il pas grand temps de renvoyer lesdits peuples à leur propre responsabilité ? Ne faudrait-il pas leur rappeler que le bulletin de vote dont ils disposent est leur potion magique, leur arme ultime, et qu'il leur appartient d'en user raisonnablement ? Ne voit-on pas qu'en les exonérant ainsi de toute coulpe on fait le jeu des démagogues ? Ne pourrait-on prendre tant soit peu au sérieux la définition de la démocratie par Lincoln le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ?

La démocratie, le pire des régimes à l'exception de tous les autres. Nous, les peuples qui avons tâté de tous les autres, il est de notre devoir de défendre celui-là comme notre bien le plus précieux. En démocratie, on a toujours le gouvernement qu'on mérite ; y compris celui qui va mettre à mort la démocratie elle-même.

 

Source : Marianne.net

 


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