Sarkozy, le retour du refoulé

L'éventuel retour de Sarkozy est gravement hypothéqué par les affaires auxquelles son nom est mêlé...

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Lionel Cironneau/AP/SIPA

Il ne tient plus en place. Atteint à la fois du syndrome du président vaincu et d'une grave rechute de la danse de Saint-Guy, l'ex-président se déploie tous azimuts. De remise de décoration en concert de charité, de meeting municipal - quitte à plomber encore plus la candidature de son amie NKM - en conférences lucratives, Nicolas Sarkozy a retrouvé son rôle de prédilection : M. Je-suis-partout.

Il est temps pour lui de réaliser que «toutes les situations capitales de la vie sont [...] sans retour», comme l'écrit Milan Kundera.

Méthodiquement, Sarkozy développe, depuis plusieurs mois, une stratégie de communication destinée à faire croire qu'il revient en politique, ce que relaie avec avidité une certaine presse complaisante. Or, cette ambition s'avère illusoire.

Au contraire de ce qu'il ne cesse de seriner, Sarkozy n'a pas changé. Il reste ce personnage impulsif, outrancier, coléreux, arrogant. Hier comme aujourd'hui, il ignore toute pondération, toute mesure, toute retenue. Entonnant une ritournelle maréchaliste («Je me donne à la France»), il prétend que son retour est «une fatalité», alors que ce serait une offense. Même les caciques de l'UMP en sont persuadés, au point de tout entreprendre pour endiguer ses aspirations revanchardes.

En effet, la cohorte des prétendants de droite - François Fillon, Xavier Bertrand, Alain Juppé, Bruno Le Maire... - veut soumettre à une primaire Nicolas Sarkozy, qui réfute cette procédure, pourtant approuvée par 90 % des militants. Quelle ingratitude envers un parti qui a généreusement épongé ses énormes dettes de campagne ! Au demeurant, l'UMP vient d'adopter un projet économique qui dresse l'inventaire du quinquennat précédent et qui en relève implicitement tous les manquements et les erreurs.

De surcroît, l'éventuel retour de Sarkozy est gravement hypothéqué par les affaires auxquelles son nom est mêlé. Certes, il a bénéficié d'un non-lieu dans le scandale Bettencourt, mais il reste encore impliqué dans quatre autres dossiers sulfureux. D'abord, dans l'affaire Karachi, il a avalisé, en tant que ministre du Budget, la création de la société luxembourgeoise Heine par laquelle transitèrent des commissions liées à des ventes d'armement au Pakistan qui auraient alimenté la caisse noire de la campagne présidentielle d'Edouard Balladur.

Ensuite, une enquête judiciaire examine la régularité des juteux contrats conclus, sans appels d'offres, entre l'Elysée et un cabinet dirigé par le maurrassien Patrick Buisson, conseiller de l'ex-président. Puis, Sarkozy est soupçonné d'être intervenu en faveur de son ami Bernard Tapie contre le Crédit lyonnais et d'avoir favorisé une procédure d'arbitrage particulièrement dommageable aux intérêts de l'Etat.

Enfin - sans doute le plus grave -, une information judiciaire investigue les rumeurs insistantes de financement libyen de la campagne de Sarkozy en 2007, ce qui soulève des interrogations sur l'intervention militaire contre Kadhafi en 2011, entraînant le pays dans le chaos. L'honneur de la gauche serait, d'ici à la fin de l'actuel quinquennat, de diligenter une commission d'enquête parlementaire faisant toute la lumière sur les relations franco-libyennes entre 2002 et 2012.

Si des sympathisants de droite espèrent que Sarkozy reviendra, la plupart des Français sont soulagés d'en être débarrassés. Ils sont même 70 % à porter un jugement négatif sur son quinquennat. Ils n'ont pas oublié le Fouquet's, le yacht de Bolloré, le discours paternaliste de Dakar, la remise en cause de la laïcité, le débat délétère sur l'identité nationale, les 75 milliards de cadeaux fiscaux aux grandes fortunes, l'augmentation de 172 % de son propre salaire.

Ils connaissent son lourd passif économique qui lui vaut la note indigne de 3 sur 20 attribuée par Jean Supizet, économiste des Echos : durant sa présidence, la dette publique a progressé de 50 %, la croissance a chuté à 0 %, la balance commerciale s'est détériorée de 56 %, 350.000 emplois industriels ont été détruits, 337.000 personnes supplémentaires sont tombées sous le seuil de pauvreté, 1 million de chômeurs en plus a été comptabilisé.

Si Sarkozy finit par revenir, il ne fera qu'une brève apparition. Car il fera face à un rejet populaire massif. Car il devra justifier son bilan catastrophique. Car il sera encore plus embourbé dans les scandales. Car il affrontera l'opposition déterminée des barons de l'UMP.

Tout compte fait, il peut bien reparaître puisque, comme le dit Alfred de Musset : «Le retour fait aimer l'adieu.»

*François Loncle est député de l'Eure (groupe socialiste républicain et citoyen)

 

Source : Marianne.net

Information complémentaire :

Crashdebug.fr : Nicolas Sarkozy : « Moi, au moins, j'ai agi »

 


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