«Il semblerait que vous soyez pédophile» : écoutez ce qu'a vraiment dit Nicolas Sarkozy

Le fameux 'Off' de notre président n'a en fait rien à voir avec ce que les journalistes en disaient. Écoutez plutôt l'origine du courroux de notre président et la complicité des journalistes qui ricanent bêtement, otages de leurs steaks... Notre président est fort, ça on peut lui concéder. Mais mettre à l'épreuve les journalistes de trouver une preuve est malhabile :)

Libération, Vidéo Images in vivo 23/11/2010 à 18 h 16 (mise à jour le 24/11/2010 à 7 h 33)

Les Off de Sarkozy, les dessous d’un rituel

Le rituel est bien rodé. C’est en marge d’un déplacement à l’étranger. On attend le conseiller diplomatique du président, Jean-David Levitte. Et c’est Nicolas Sarkozy qui débarque pour faire un briefing « off the record ». Sur le papier, la règle est claire : les propos tenus ne peuvent être attribués au président de la République, mais seulement à « l’Elysée ». En clair, l’information est libre, l’expression contrôlée.
Il y a une vingtaine de journalistes divisés en deux camps : les correspondants diplomatiques, qui veulent parler des dossiers internationaux, et les journalistes politiques, qui voient dans ces voyages le seul moyen de parler politique intérieure avec le président. Le « briefing off » de M. Sarkozy, le 19 novembre, en marge du sommet de l’OTAN, n’a pas fait exception. Une partie internationale, une partie sur l’affaire politique de Karachi.

Sur le fond de l’affaire, rien de très nouveau : le président a exposé son point de vue, s’estimant mis en cause sans preuve, comme il l’avait fait par écrit, juste avant, via un long communiqué signé du secrétaire général de l’Elysée Claude Guéant. C’est pourquoi Le Monde, qui était représenté par son correspondant auprès de l’OTAN, a décidé vendredi soir de ne pas briser le « off » du président. Toutefois, le ton de M. Sarkozy était véhément. Il a comparé son sort à un journaliste que l’on accuserait de pédophilie. « Et vous, j’ai rien du tout contre vous. Il semblerait que vous soyez pédophile… Qui me l’a dit ? J’en ai l’intime conviction. Les services. De source orale. Pouvez-vous vous justifier ? Et cela devient, “je ne suis pas pédophile’ », a asséné M. Sarkozy. Les propos du président ont été rendus publics par des journalistes qui n’étaient pas présents à Lisbonne.

Cette rencontre révèle la fébrilité du président, la dégradation des rapports avec les médias et une exaspération réciproque. La plupart des journalistes ne se lèvent pas quand le président entre dans la salle. Les entretiens ont lieu sans préavis, forçant les médias à de coûteux déplacements à l’étranger parfois inutiles.

Les journalistes accrédités à Bruxelles, à la Maison Blanche, au 10 Downing Street respectent scrupuleusement le « off ». Ce n’est pas le cas avec M. Sarkozy. Parce que les journalistes bavardent. Parce que M. Sarkozy laisse planer une ambiguïté sur le statut de ces entretiens. Il ne veut pas que les agences de presse gravent dans le marbre ses propos. Elles s’y tiennent. C’est plus ambigu pour la presse écrite qui, au fil du temps, reproduit l’essentiel des informations données par le président, tandis que les médias audiovisuels n’ont ni son ni images. En général, M. Sarkozy tient en public, quelques jours plus tard, les propos testés devant la presse. L’Elysée n’a jamais sanctionné un média violant le « off » ni vérifié l’absence d’enregistrement clandestin.

Un « off » fut grillé, en septembre 2009, par Le Parisien, qui reprit du Brésil, les propos de Nicolas Sarkozy contre Dominique de Villepin avant le procès Clearstream. En Chine, fin avril, le président s’exprima sur les journalistes enlevés en Afghanistan. Pour leur sécurité, nul n’a publié ses propos. En privé comme en public, M. Sarkozy interpelle les journalistes, pour mieux déstabiliser le groupe. « Je n’ai pas entendu votre réponse », a-t-il demandé le 16 novembre à Claire Chazal, peu précise sur la Commission européenne et les Roms. Sans cesse, le président loue les journalistes spécialisés, « passionnés », qui « connaissent leurs dossiers », pour mieux dénigrer les journalistes politiques.
Les « rubricards » politiques à suivre en permanence le président ne sont qu’une poignée. Ce sont souvent les mêmes (AFP, Reuters, France 2, Le Parisien, Le Monde) qui posent les questions délicates. Les journalistes ne s’autocensurent pas. M. Sarkozy répond. Pour lui avoir demandé, le 12 mars, à Londres s’il comptait réagir aux rumeurs sur sa vie privée, on a eu droit à une réponse sèche puis à être interdit de question lors du sommet suivant à Bruxelles. « Non, un autre », lança le président. M. Sarkozy supporte mal la contradiction. Pour avoir écrit, début 2009, que sa médiation lors du conflit de Gaza donnait de « piètres résultats », le journaliste du Monde a été désinvité de l’avion présidentiel, avant d’être reconvié in extremis. Pour la dernière fois.

Arnaud Leparmentier

 

Sources :(voir aussi les commentaires des lecteurs) dans Le Monde.fr, Liberation


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