Affaires : « La peur est le meilleur désinfectant de la classe politique… »

Hors de question de faire comme si de rien n'était. Le député UMP de Lozère, Pierre Morel-A-L'Huissier, n'est pas de cette trempe-là. Suite à l'affaire Bygmalion, il avait déjà porté plainte contre X. Aujourd'hui, il sort un livre dans lequel il avance des mesures simples pour tarir les affaires politico-financières. Elles reposent sur un principe : il faut passer "de la culture de la déclaration à la culture du contrôle".

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LCHAM/SIPA

Cahuzac, Bygmalion, les sondages de l'Elysée à l'ère Sarkozy, le groupe UMP qui accorde un prêt à son parti et, plus récemment, un secrétaire d’État, Thomas Thévenoud, qui « oublie » de payer ses impôts durant trois ans. La classe politique actuelle se surpasse. Mais il en est encore parmi nos dirigeants pour qui une telle situation n'a rien d'acceptable. Pierre Morel-A-L’Huissier est de ceux-là. Le député UMP de la Lozère qui avait porté plainte contre X dans l’affaire Bygmalion, vient de sortir un petit livre de 120 pages, en librairie depuis vendredi dernier, dans lequel il propose plusieurs pistes de réflexion pour que soit mis enfin en place un vrai système de contrôle de l’argent public à destination des parlementaires et des partis politiques.
 
Pas de métaphysique, mais du pratique. Ce livre n’est pas une réflexion hors-sol sur nos institutions mais se veut « un plaidoyer » (normale pour un avocat en droit public) pour une évolution du cadre législatif vers une plus grande transparence. Animé depuis longtemps par cette idée que les élus se doivent d’être exemplaires, Pierre Morel-A-L’Huissier réussit le pari de fédérer autour de lui des députés issus de toutes les chapelles comme l'UDI Charles de Courson, les socialistes Jean-Jacques Urvoas (qui signe sa préface) et le chasseur de gaspi René Dosière, ou bien encore son camarade de l’UMP Etienne Blanc bien sûr, avec qui, il avait déposé sa fameuse plainte.

Pour lui, le constat est clair : il faut passer « de la culture de la déclaration à la culture du contrôle », car remarque-t-il dans son essai, « si l’on met de côté les groupes parlementaires qui n'étaient assujettis jusqu’ici à aucun contrôle, force est de noter que le système déclaratif ne permet pas une pleine et entière transparence ». C'est peu dire en effet...

Certes il existe bel et bien un arsenal législatif d’encadrement du financement de la vie politique : loi du 11 mars 1988 suite à l’affaire Luchaire, loi du 15 janvier 1990 dite « loi Rocard » après l’affaire Urba ou encore celle de 2013 relative à la transparence de la vie publique. Mais ce dispositif est incomplet car pensé à chaque fois pour répondre aux failles posées par les scandales du moment. « On ne fera pas l’économie d’une remise à plat » écrit ainsi le parlementaire.

« Remise à plat » qui devrait donc se faire, selon Morel-A-L'Huissier, autour de la notion de certification des comptes, effectuée chaque année, des députés, des groupes parlementaires et des partis. Un moyen simple pour une transparence plus grande et un contrôle effectif des millions d'euros d’argent public mis à disposition de nos élus. Autres éléments de réflexion qui risquent de faire grincer des dents sur les bancs de l’Assemblée : la suppression pure et simple de la si décriée réserve parlementaire ainsi que la systémisation de « l’inéligibilité pour les personnes ayant fait l’objet, depuis moins de dix ans, d’une condamnation définitive pour l’un des crimes ou des délits dont la liste est fixée par la loi ».

 
Marianne : Pourquoi avoir écrit ce livre alors qu'il ne vous apportera, dans le microcosme, que des ennemis ?
Pierre Morel-A-L’Huissier : Lors des affaires Bygmalion et du prêt consenti par le groupe UMP, mes administrés m’ont beaucoup interrogé. À force de répondre « je ne sais pas ce qui arrive », j’ai eu peur de passer, soit pour l’imbécile du coin, soit — ce qui est pire — pour quelqu’un qui sait mais qui souhaite garder le silence. C’est ce qui explique que j’ai voulu utiliser ma liberté d’expression pour raconter ce qu'il se passe. C’est un moyen aussi de dire à certains qui ont tenté de faire sur moi des pressions… « amicales », dira-t-on, que je fais ce que je veux et que je ne me tairai pas. Et puis je pense sincèrement qu’on ne peut plus continuer sur ce chemin. Certains de mes collègues m’ont dit : « Tu sais avant c’était pire ». Peut-être, mais ça ne me satisfait pas. Je pense que l’on peut faire de la politique avec une certaine droiture et une certaine rectitude. 
 
Comment engager cette évolution que vous appelez de vos vœux ?
La peur de se faire prendre est le meilleur désinfectant de la classe politique. La vertu de l’exemple prendra le pas lorsque quelques sanctions seront tombées. C’est pourquoi il faut renforcer les contrôles. S'il y a bien eu des évolutions positives comme la création de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, on ne peut pas se contenter que de ça. Les récentes affaires qui touchent notre vie politique plaident pour le contraire. Si les 577 députés étaient obligés de passer deux heures devant un commissaire aux comptes qui vérifierait les déclarations de patrimoine, déclarations d’intérêts et l’utilisation qui est faite de la réserve parlementaire, ça résoudrait beaucoup de problèmes. Trop d’élus pensent que l’orage de grêlons va passer et que le beau temps reviendra. Mais on est dans une période qui nécessite de la rectitude. J’en ai ras-le-bol d’être accusé d’être un nanti ou un voyou. La charge de député est lourde, on travaille sept jours sur sept. Je ne veux pas qu’on me plaigne, mais je ne veux pas que pèse sur moi un soupçon par principe.
 
Quelles sont vos préconisations ?
Dès lors qu’il y a des dépenses d’argent de nature public, il faut qu’elles se fassent selon une nomenclature de dépenses autorisées. Car il y a des dépenses somptueuses qui n’ont rien à voir avec la charge d’élu.
Pour les partis politiques, il faut un contrôle interne qui soit renforcé. En ce qui concerne les députés, la création d’un organe national de contrôle avec des pouvoirs d’investigation globale me paraît nécessaire. Organe qui pourrait avoir accès aux bases informatiques des administrations fiscales pour vérifier que les déclarations ne sont pas fausses. C’est sûr, ce sont des mesures d’assainissement qui feront crier. Mais nous, élus, ne sommes pas là pour dépenser n’importe comment.
 
Vous ne redoutez pas les réactions de vos camarades d’hémicycle ?
Ils me connaissent bien à l’Assemblée, ça fait douze ans que je suis député. Ils connaissent mon indépendance et savent que je suis un parlementaire atypique. Il ne faut pas qu’on vienne trop me gratter et, si jamais je fais l’objet d’intimidations, je n’hésiterai pas à le faire savoir. Mon objectif n'est pas de me faire mousser.
 
Que pensez-vous de « l’oubli » de Thomas Thévenoud de payer ses impôts ?
C’est inconcevable ce qu’il a dit. C’est fou que quelqu’un soit capable de dire tout ça après l’affaire Cahuzac. C’est incompréhensible et c’est pourquoi, il faut que rapidement nous remettions les choses à plat.


Argent et politique vers quelle transparence ?, Pierre Morel-A-L'Huissier, Editions du Fil rouge. 9 €.

 

Source : Marianne.net

Informations complémentaires :

 
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