Allez-vous vous faire rembourser les bénéfices de votre assurance emprunteur ?

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Vous avez adossé à votre crédit à la consommation ou immobilier une assurance emprunteur ? Pour les défenseurs des consommateurs, les bénéfices que génèrent ces contrats auraient dû revenir aux emprunteurs. Et les sommes en jeu peuvent atteindre des milliers d'euros. Mais les établissements financiers ne l'entendent pas de cette oreille. Depuis deux ans, un bras de fer juridique est engagé sans que l'on sache encore qui en sortira vainqueur.
 
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Getty Images/iStockphoto

Il y a deux ans, une décision du Conseil d'Etat tombée au beau milieu de l'été aurait pu aboutir au dénouement d'un scandale financier concernant près de 10 millions de particuliers ayant souscrit un crédit immobilier ou à la consommation. Dans la ligne de mire : les assureurs et surtout les banquiers accusés d'avoir conservé durant plus de dix ans 19 milliards d'euros de bénéfices "techniques et financiers" provenant de l'assurance emprunteur. Imposée par les banques pour la souscription d'un crédit immobilier, mais facultative pour un prêt à la consommation, elle couvre le risque de décès, d'invalidité ou d'incapacité de son détenteur. Les surprimes n'ayant pas servi à couvrir la réalisation des risques ainsi que les intérêts dégagés par leur placement sur les marchés financiers auraient dû être redistribués aux emprunteurs selon l'UFC Que Choisir. Sauf qu'une fois reversés aux banques par les assureurs, ces fonds y sont restés au chaud.  

Un arrêt très flou

Pourtant, le 23 juillet 2012, le Conseil d'Etat donne raison à l'UFC Que choisir. La décision intervient dans le cadre des poursuites judiciaires engagées en 2007 contre la CNP Prévoyance, la Caisse d'Épargne et dans un second temps contre Cofidis par l'association de consommateurs. Cette dernière se réjouit alors de cette arrêt officialisant le bien-fondé du reversement des bénéfices aux souscripteurs. Il déclare en effet illégale l'ancienne rédaction de l'article A331-3 du Code des assurances excluant les contrats collectifs en cas de décès du calcul de la participation aux bénéfices comme cela est le cas, par exemple, pour les contrats d'assurance vie. Problème, la rédaction de l'arrêt est tout sauf précise et peut donner lieu à interprétation. En effet, le Conseil d'Etat ne dit pas clairement si sa décision concerne l'assurance emprunteur en tant que telle. Il ne dit pas non plus s'il considère l'assurance emprunteur en tant que contrat d'assurance collective en cas de décès. Ce qui laisse planer le doute.  

Jusqu'à 3.000 euros pour un prêt immobilier

L'association, pour qui les contrats d'assurance emprunteur sont assimilables aux contrats d'assurance sur la vie, invite alors les particuliers détenteurs d'une assurance emprunteur groupe à se tenir prêts afin d'agir pour récupérer ce qui leur revient. Par exemple, jusqu'à 3.000 euros pour un emprunt immobilier de 200.000 euros sur 20 ans. Sont concernés les détenteurs d'un prêt immobilier contracté entre 1996 et 2005 ou d'un crédit à la consommation signé entre 1997 et 2007. Mais pour chiffrer précisément ces montants, l'association doit se procurer des documents comptables auprès des établissements afin de déterminer le montant exact des bénéfices techniques et financiers reversés aux banques par les assureurs et, dans un second temps, calculer les sommes exigibles pour chaque assuré. Une fois ces éléments en main, les particuliers auraient pu envoyer un dossier à la compagnie chargée de leur contrat d'assurance emprunteur afin de réclamer leur dû. Ils disposent jusqu'au 23 juillet pour agir, soit dans deux mois.  

Banquiers et assureurs traînent des pieds

Sauf qu'à quelques semaines de la date butoir, c'est le statu-quo. Car dans sa croisade, l'association de consommateurs s'est immédiatement heurtée à un mur infranchissable. D'abord aux établissements financiers qui ont opposé une fin de recevoir aux demandes répétées de l'UFC d'accéder à leurs pièces comptables. Ensuite au ministère de l'Economie et des Finances qui refuse de se positionner et se contente de citer, dans une réponse ministérielle en 2012, une précédente décision de la plus haute autorité administrative : "Chaque assuré ne bénéficie pas d'un droit individuel à l'attribution d'une somme déterminée au titre de cette participation" (Rép. Min. n° 5662, JO du 30.10.12). Il précise aussi que "la répartition de ce montant entre les différents assurés relève de la liberté contractuelle". L'association se heurte enfin à l'Autorité de contrôle prudentiel , le gendarme des banques, qui lui oppose les mêmes arguments. Banques et assurances peuvent ainsi camper sur leur position : la décision du Conseil d'Etat n'oblige en rien les établissements financiers à redistribuer à chacun des assurés concernés une partie des bénéfices. Et il est vrai que le Conseil d'Etat ne s'est pas expressément prononcé sur ce point dans sa décision de juillet 2012. En clair, les établissements financiers se bornent à appliquer la règlementation en vigueur. Et celle-ci ne prévoit aucun reversement à titre individuel.  

"Une procédure longue, coûteuse et aléatoire"

A l'UFC Que Choisir, on admet aujourd'hui que la décision du Conseil d'Etat a été rédigée dans des termes tellement vagues qu'engager des poursuites en se basant sur le texte n'est pas dénué de risque. "Devant tant d'incertitudes juridiques et en considérant les frais qui doivent être engagés pour obtenir gain de cause à titre individuel devant les tribunaux, nous n'incitons pas, pour le moment, les consommateurs à s'engager dans une procédure judiciaire longue et couteuse compte tenu de l'aléa judiciaire " explique Olga de Sousa, l'une des juristes de l'association. Les 10 millions d'emprunteurs concernés vont-ils donc devoir faire une croix sur les milliards de bénéfices générés grâce à leurs primes ? Tout dépendra de la décision du Tribunal de grande instance de Paris qui doit se prononcer, dès le mois de septembre sur l'une des deux procédures engagées en 2007 par l'association. "Dans l'hypothèse d'une décision judiciaire favorable, il est d'ores et déjà prévisible que les assureurs opposeront aux consommateurs la prescription de l'action, précise Olga de Sousa. Bien entendu, les juristes et l'avocat de l'UFC Que Choisir s'attachent à trouver des arguments juridiques pour parer à cette éventualité". En revanche, si la décision conforte la position des établissements financiers, les emprunteurs pourront dire définitivement au revoir aux bénéficies qu'ils ont contribué à alimenter.  


Source : Votreargent.lexpress.fr via le Cawa du Matin

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