No comment...
Austérité . Au prix d’une casse sociale sans précédent, le pays, «assaini», s’affranchit de la tutelle internationale. Une fierté pour le gouvernement.
«Mission accomplie.» Le numéro 2 du gouvernement conservateur, Paulo Portas, joue les fiers-à-bras : le Portugal serait sorti «assaini» et «plus solide» après trois ans sous tutelle de la troïka (Commission européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international) et un plan drastique conditionné à un sauvetage à 78 milliards d’euros. Fini, donc, le fait de vivre «troikado», selon l’expression qui a fleuri au Portugal.
Après l’Irlande en décembre, la nation ibérique sortirait donc fortifiée, jurent les conservateurs au pouvoir. Ils soulignent que le déficit public de 10,6% du PIB a pu être ramené sous la barre des 5%. Et rappellent que le bon portugais sur dix ans, qui frisait les 11% en avril 2011, connaît désormais un minimum historique, autour de 3,5%. «Notre pays a récupéré sa liberté et sa pleine souveraineté, a insisté Portas. Nous sommes clairement sur la voie de la récupération .»
Pas si sûr. Car la sortie du tunnel s’annonce délicate. La chute de la croissance (-0,7%) au premier trimestre vient doucher les espoirs. Quant aux efforts pour juguler le déficit, ils se répercutent notamment sur une dette publique considérable qui devrait dépasser les 130% du PIB cette année.
Cela n’empêche pas le gouvernement de Passos Coelho de bomber le torse. Fier de ses «450 mesures d’austérité prises en mille jours», le leader conservateur a même choisi une «saida limpa» («sortie propre»), à savoir un retour sur les marchés sans le filet d’une ligne de crédit préventive assurée par l’UE pour réduire les risques. «Nous avons une année de financement garanti et nous pouvons nous en sortir tout seuls», insiste Passos Coelho. Un optimisme pas du tout partagé par Bruxelles, qui redoute que les taux d’intérêt des bons portugais ne s’envolent à nouveau, obligeant à un deuxième plan de sauvetage.
Seule certitude : les sacrifices budgétaires vont se poursuivre. Au grand dam d’une population déjà révoltée par ce que ces trois ans de coupes ont supposé. Un demi-million de gens ont perdu leur emploi - le chômage a atteint 15%, un record -, les retraités et les fonctionnaires ont vu leur treizième mois fondre, la TVA a bondi de 13 à 23%. Sans parler des coupes claires dans l’enseignement et surtout dans la santé, où même les urgences sont désormais payantes. Quant aux jeunes - la génération la plus diplômée de l’histoire portugaise -, ils sont au choix chômeurs (39%), précaires ou émigrés. «Impossible de ne pas avoir un parent qui a quitté le pays comme dans les tristes années 50 ou 60», se désole le socialiste Manuel Alegre.
A ses yeux, la «troïka a détruit les idéaux du 25 avril [1974]», la Révolution des œillets, qui fut un renouveau démocratique et un ensemble de conquêtes sociales. Or, comme le souligne le Diário de Notícias,«la plupart de ces droits sociaux ont tout bonnement disparu et leur récupération n’apparaît pas à l’horizon». Entre 2011 et 2014, les salaires ont chuté de 11,8%, de 27% pour les fonctionnaires, davantage qu’en Grèce. Avec la perte de huit jours fériés, les salariés portugais travaillent donc davantage pour gagner moins.
La facture sociale aurait été plus lourde encore si le Conseil constitutionnel n’avait imposé trois veto, dont le dernier, en décembre, a empêché la baisse de 10% des retraites des fonctionnaires au-delà de 600 euros. «Ces trois ans resteront une période noire de notre histoire. Il est indéniable que les Portugais vivent plus mal qu’en 2011. Je ne vois pas bien ce qu’il y a à célébrer», dit José Lourenço, député communiste.
L’observateur Viriato Soromenho Marques estime, lui, que les coups de bistouri déjà portés constituent un mal difficile à surmonter : «On en a tiré des bénéfices conjoncturels et fragiles, comme le contrôle des dépenses publiques, et aussi des dommages structurels irréparables, tels que la paupérisation d’une société entière et la privatisation des actifs publics. Ce qui, sur le long terme, signifie une dépendance vis-à-vis de multinationales et de pays tiers, donc une perte de souveraineté.»
François MUSSEAU MADRID, de notre correspondant
Source : Liberation.fr
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