Artisanat : les jeunes Français brillent aux Olympiades de Kazan (Le Figaro)

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Bonjour, le week-end est fini, et retour à une activité normale. Ce matin, je voulais vous partager ce billet sur les World Skills à Kazan en Russie. J'ai deux enfants en apprentissage, aussi je trouve très bien que l'on mette en avant ces filières professionnelles.

World Skills
Alexis Nué, originaire de la région Occitanie, est médaillé d’or dans la catégorie menuiserie, lors des 45e Olympiades
des métiers, qui se sont déroulées du 22 au 27 août, à Kazan (Russie). - Crédits photo : Laurentbagnis.com
(c)Wordskills France Laurent BAGNIS

REPORTAGE - Engagée en Russie avec une quarantaine de jeunes dans la WorldSkills Competition, la France a remporté vingt-sept médailles au cours de cette manifestation internationale qui valorise l’apprentissage ainsi que les métiers manuels et techniques. Notre pays y a aussi décroché l’organisation de la manifestation en 2023 à Lyon.

Kazan

Il y en a une en or ! Ils sont quarante et un jeunes Français à avoir défendu les couleurs de leur pays et à être allés décrocher vingt-sept médailles. Une semaine durant, du 22 au 27 août, à Kazan, en Russie, ils ont disputé une compétition mondiale de haut niveau, de véritables JO, encore méconnus : les Olympiades des métiers, également appelés WorldSkills Competition (WSC). C’était la 45e édition.

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Cette équipe de France des métiers a rapporté le même nombre de récompenses que lors des éditions 2015 et 2017. Certes, elle ne décroche qu’une seule médaille d’or (contre cinq il y a deux ans), grâce à Alexis Nué en menuiserie. Mais pas de raison d’oublier les quatre autres médailles d’argent, trois de bronze, et… dix-neuf médailles d’excellence, qui complètent ce cru 2019, valorisant les savoir-faire tricolores. Car ce sont bien des compétences qui tendent vers la perfection que distingue cette manifestation à laquelle plus de 1600 jeunes venus d’une soixantaine de pays ont participé. Tous âgés de moins de 23 ans, ils concouraient dans cinquante-six métiers artisanaux et techniques, avec mission de produire durant quatre jours d’épreuves plusieurs réalisations répondant à un cahier des charges précis. Dans le secteur technologie automobile, les candidats devaient notamment réaliser des actions de maintenance sur des matériels différents, trouver l’origine de pannes, décider de l’intervention à exécuter, remplacer les pièces défectueuses et effectuer les réglages des systèmes mécaniques ou électroniques. En mode et création, un manteau avec des contraintes techniques imposées et tirées au sort était à confectionner.

En cette semaine estivale, toute la ville est aux couleurs des Olympiades des métiers. Nul ne peut ignorer qu’une manifestation d’ampleur internationale se déroule dans la capitale de la République du Tatarstan, située à 800 kilomètres au sud-est de Moscou. Des étendards siglés en alphabet latin «WorldSkills Kazan 2019» ornent les lampadaires sur les quelque 25 km qui séparent le cœur de la cité du site de la compétition. Le pays hôte a engagé d’importants moyens : un parc des expositions a été spécialement édifié et 3500 volontaires ont été mobilisés. Les équipements fournis aux jeunes sont de grande qualité. Trois hélicoptères, un tracteur et plusieurs voitures ont été mis à leur disposition. Quant à la cérémonie d’ouverture, d’un faste digne des plus grandes rencontres sportives mondiales, c’est le Premier ministre, Dmitri Medvedev, qui en a donné le coup d’envoi. Elle a ébahi le public réuni dans le stade Kazan Arena, qui peut accueillir plus de 45.000 personnes. «Je n’ai jamais vu de meilleur show de toute ma vie», assure Liliana Vallejo, interprète de la délégation colombienne. Un enthousiasme partagé par Frédéric Deroppe, expert métier cuisine pour la Belgique, investi dans les Olympiades des métiers depuis 1999. «C’était grandiose, mais le dispositif de sécurité m’a semblé excessif. Quant aux compétitions, tout est top niveau ici.»

Installé dans son box vitré à deux pas du Belge, Antoine Heurteux est moins dithyrambique. L’apprenti boulanger de l’équipe de France, venu d’Indre-et-Loire, n’a eu le droit d’apporter de France que quatre ingrédients. Il trouve «bizarres» les matières premières fournies. À 21 ans, il rêve de devenir «une fois dans (sa) vie, le champion du monde de quelque chose». Depuis trois ans, le jeune homme volontaire enchaîne les concours et a été élu meilleur apprenti de France en 2017. Son patron lui laisse les clés du laboratoire et Antoine s’y exerce parfois jusqu’à une heure très avancée de la nuit, pour reprendre le travail dès potron-minet. Pour Kazan, la concurrence a été rude : dans l’Hexagone, environ 7000 participants étaient sur la ligne de départ.

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Dans un des immenses pavillons qui abrite la compétition, le Français s’inquiète des produits réalisés par ses trois concurrents chinois, dont deux d’entre eux sont venus de Taipei et de Macao. «Ils copient tout», lâche-t-il dépité, en relevant qu’un de leur coach est un ancien meilleur ouvrier de France, reparti au pays. Il a également dans le collimateur son homologue helvète, qui se défend particulièrement bien. Ce dernier est accompagné d’un fan-club qui n’hésite pas, à la fin des épreuves, à faire retentir l’énorme cloche d’alpage apportée de Suisse, sous les regards interloqués des visiteurs et des nombreux groupes de jeunes étudiants russes venus assister à ce salon des métiers géant, formidable vitrine de l’apprentissage et des métiers manuels et techniques. Antoine n’est pas seul non plus : ses parents et son employeur ont le fait le déplacement jusqu’à Kazan. Ces derniers ont voyagé dans l’un des deux avions spécialement affrétés pour les 330 supporteurs français.

Comme ses 40 camarades, le Tourangeau sait aussi qu’il peut compter sur le soutien indéfectible des «team leaders» (chefs d’équipe), Charles-Henri, Marc et Yane, anciens lauréats eux-mêmes. Les trois jeunes gens sont toujours prompts à partir au diable vauvert, pour remplacer une pièce endommagée au cours d’une épreuve ou un équipement imposé par le règlement qui fait défaut. Ils ont ainsi trouvé en urgence un masque de ski, en guise de lunettes de protection, pour Sarah Leroyer en catégorie coiffure. Logés dans le même bâtiment de la résidence universitaire de Kazan que les jeunes, les «team leaders» animent chaque soir, après une séance d’étirements, un débrief de 20 minutes, aux côtés de Stéphane Raynaud, conseiller technique national de boxe. Les traits tirés, plusieurs sont vidés après une concentration intense durant plusieurs heures de compétition. «Certains ont dû s’adapter à l’imprévu, ils en parlent et nous posons les règles de la journée du lendemain. C’est un moment de partage et de détente», indique Charles-Henri, qui rappelle aussi à ses troupes que «l’objectif est d’aller chercher du métal, et encore du métal». Stéphane Raynaud conseille à ceux qui ont pris du retard dans leur épreuve - qui peut durer les quatre jours de compétition pour certains - de le combler à raison de tranches de 10 minutes pour chaque heure de travail restant ; tandis que Yane souligne que «l’important, c’est aussi de prendre du plaisir dans le travail effectué». Comme de vrais athlètes, les jeunes passeront ensuite entre les mains de la kiné pour quelques massages ou pourront s’abandonner à une dizaine de minutes de sophrologie.

Cohésion de groupe

Des liens souvent très forts se tissent à l’occasion des Olympiades des métiers. Une des trois jeunes femmes de l’équipe de France, Jessica Debong, 21 ans, qui concourt dans la discipline soins esthétiques, affirme y avoir «trouvé une famille. On s’est rencontrés depuis peu, mais on se connaît par cœur». La fraternité unit les compétiteurs tricolores : lorsque l’un d’entre eux rejoint ses camarades pour les repas, sous l’un des grands pavillons du parc des expositions qui sert de réfectoire, il ne s’installe pas avant d’avoir tapé dans la main de chacun de ses compatriotes. Et chacun de s’enquérir du déroulement des épreuves des autres et de trouver les mots justes lorsque le moral est dans les chaussettes - comme ce fut le cas pour Vlad Croitoru, apprenti carreleur de 21 ans, qui a «craqué» le dimanche au déjeuner.

Si une telle atmosphère de confiance a pu s’instaurer, c’est aussi parce que les jeunes ne se rencontraient pas pour la première fois : deux sessions de préparations physiques et mentales (PPM) ont été organisées par l’équipe encadrante de WorldSkills France en mars et en juin, permettant de créer une cohésion de groupe. Par ailleurs, les experts métiers ont épaulé les jeunes au cours des cinq à huit semaines d’entraînement technique, ponctuées de déplacements à l’étranger pour des mises en condition réelles. La passion de leur métier anime les candidats et nourrit aussi un certain respect mutuel. Chacun d’entre eux sait que l’autre a dû travailler dur pour se hisser à ce niveau de compétition. «Aux Olympiades des métiers, il y a les mêmes codes que dans le sport, mais ça va au-delà. C’est encore plus universel que les JO, car les métiers sont partout. On apprend à ces jeunes à devenir de supercompétiteurs, à développer l’excellence tout en vivant l’événement humainement. Chacun réalise une performance individuelle au sein d’une équipe», souligne Aurelia Ruetsch, responsable relations internationales de WorldSkills France.

Outre ces vingt-sept médailles, l’organisation revient aussi avec une autre belle victoire. La candidature de la France, soutenue par Emmanuel Macron, a été retenue pour l’organisation de la compétition en 2023 à Lyon. «C’est un beau moyen de construire une histoire pour modifier le regard porté sur la formation professionnelle», souligne Michel Guisembert, le président de WorldSkills France. Dans deux ans, les Olympiades des métiers se tiendront à Shanghaï et les Chinois placeront aussi la barre très haut. D’autant plus qu’ils ont été les grands gagnants de l’édition de cette année, avec cinquante-deux médailles.

Source : Le Figaro


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