Budget européen : la honte...

Impossible de dissiper ce sentiment de honte. Poisseux. Écœurant. Les ministres ont beau se succéder aux micros pour tenter d’expliquer, après François Hollande, que l’accord sur le budget européen est « un bon compromis » et qu’au fond « c’est moins pire que si c’était pire », ça ne passe pas.

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MONASSE/CHINE NOUVELLE/SIPA
 
Impossible de dissiper ce sentiment de honte. Poisseux. Écœurant. Les ministres ont beau se succéder aux micros pour tenter d’expliquer, après François Hollande, que l’accord sur le budget européen est « un bon compromis » et qu’au fond « c’est moins pire que si c’était pire », ça ne passe pas. Ce lâche soulagement des dirigeants politiques trop heureux de ne pas avoir ajouté une crise de la Communauté à la Crise économique, c’est le triomphe de la myopie et du « court-termisme ». Sans compter la faute morale qui consiste à accepter une diminution de l’aide alimentaire pour les plus pauvres, il y a dans cette réduction – une première ! - des moyens accordés à l’Europe une erreur économique et une démission insupportable de ceux qui ont en charge la destinée de la Communauté, à commencer par la France. Même contrainte, celle-ci n’en a pas moins accepté, enfin son Président, que triomphent les égoïsmes nationaux plutôt que l’intérêt et le rêve européen. Et sans même qu’on s’autorise un éclat, une divergence symbolique, une charge au panache…

Le commandant en chef de la Nation tout auréolé du succès de sa geste guerrière, avait pourtant l’opportunité de faire claquer les mots et le drapeau. « Papa Hollande », le libérateur de Bamako pouvait parler fort au nom du peuple africain, mais aussi français, de l’impérieuse nécessité de faire croître une Europe puissante dont le besoin se fait si cruellement sentir, non seulement dans le Monde mais sur notre territoire national. Il en avait d’ailleurs pris l’engagement pendant sa campagne électorale, puis après sa victoire électorale, lorsqu’il assurait que la rigueur en France serait compensée par une relance européenne à laquelle il accrochait son destin et le nôtre. Son silence ensuite face aux tergiversations de Merkell, puis aux provocations libérales de Cameron ne pouvait être qu’une promesse de fermeté future dont il ferait démonstration à Bruxelles. Le mâle du Mali serait celui de l’Europe qui n’attend qu’un projet ferme et une voix forte pour se ressaisir et stopper sa dégringolade aux abîmes de l’impopularité. La défense des seuls intérêts particuliers mine toujours plus le collectif, dont le principe même est atteint par des dirigeants qui devraient en être les garants et les pédagogues auprès des peuples déboussolés.
 
 Car la Communauté réduite aux aguets et aux acquis du seul marché n’est plus qu’un machin techno monstrueux, dont on voudrait qu’il fut protecteur mais qui ne cesse d’inquiéter chaque jour davantage. Or ce recul budgétaire fait passer de l’inquiétude à l’angoisse. En s’avouant sans projet, sans dessein, en se repliant au lieu de se déployer, les Européens creusent leur propre tombe. Et que celui qui s’est toujours présenté comme le fils spirituel de Delors et quasi comme un fédéraliste européen consente à cette mise en bière anglo-allemande est plus cruel encore. Car cela montre que face aux anti-européens nationalistes d’un côté qui ne cessent de se renforcer et de l’autre face aux euro-libéraux stricts il n’y a plus rien. Ou plus grand chose hélas : les références à une Europe sociale solidaire, à une civilisation humaniste commune, ne semblent plus que des vieilles lunes célébrées par quelques boy-scouts attardés le soir à la veillée. Sans même qu’ils puissent espérer qu’une croissance commune un jour ravive les couleurs de leurs chants et de leurs feux de camp !

Le grand « Splach » il est là, le plongeon de la mort dans la double austérité. Ceux qui la voulaient déjà pour les pays en difficulté l’ont désormais imposée aussi pour l’Europe toute entière. C’est le ratiboisage à deux lames pour les peuples. Ceux qui n’auraient pas été complètement fauchés par la première seront rasés par la seconde. La recherche, l’innovation, les travaux d’infrastructures qui auraient pu, qui auraient dû constituer la base d’une relance de croissance, sont, éventuellement, renvoyés à réexamen dans deux ans. Le temps qu’il faudra pour constater, comme l’esquisse le FMI, qu’on est allé trop loin dans la politique « austéritaire de fer ». Et ça ne méritait pas un clash ? Ou le coup de la chaise vide si on craignait de la leur mettre en pleine tête ? Au moins l’esquisse d’une épreuve de force ? Les Anglais l’avaient bien tentée et réussie avec Thatcher autrefois. Mais de quoi donc a-t-on peur ? De Merkell ? De Cameron ? De notre ombre ? Que le ciel financier nous tombe sur la tête ?...
 
L’esprit français, rebelle, généreux, d’Artagnan et Fan Fan la Tulipe ne serait-il désormais que par éclipses ? Ah certes, nous avons sauvegardé l’essentiel de la Politique Agricole Commune, ce qui pour les céréaliers, les gros et les petits aussi, est notamment une bonne chose. Mais ça n’enlève pas cette honte de ne pas être à la hauteur du défi, de l’histoire, de l’avenir, de nous-mêmes…
 
 
Source : Marianne.net
 
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