Chronique : Chrome OS, le prochain Windows ?

« Vous avez installé un logiciel contrefait... Nos agents seront sur zone dans moins de 10 minutes. Pour votre sécurité les issues de votre domicile ont été verrouillées. Veuillez ne pas bouger de l'axe de la caméra avant l'arrivée sur site des drones qui filmeront votre interpellation... Google vous souhaite une bonne journée Monsieur X... »

Chrome_OS.jpg

Et si toutes les machines du monde tournaient un jour sous un système d'exploitation estampillé Google, en mettant fin aux longues années d'hégémonie du géant Microsoft ? Derrière ses allures de mauvaise blague de fin de soirée, l'hypothèse n'est peut-être pas si invraisemblable qu'on pourrait le croire...

Juillet 2009 : neuf mois après la sortie du navigateur Chrome, Google présente l'étonnant Chrome OS, un système d'exploitation développé « pour les gens qui vivent sur le Web » soit ceux dont l'activité informatique se résume à la lecture des e-mails et autres actualités, les achats en ligne ou encore les discussions entre amis. Pensé en tant qu'extension naturelle du navigateur de Mountain View, Chrome OS se veut alors être la manière dont Google envisage ce que doit être un système d'exploitation moderne.

A l'époque, l'initiative fait alors sourire les plus indulgents et rire les moins tolérants. Bill Gates et Steve Ballmer n'hésiteront d'ailleurs pas à railler l'initiative, le premier affirmant, non sans malice, se méfier davantage de Chrome OS avant qu'il ne soit annoncé quand l'autre trouve fort étrange de résumer un ordinateur au seul usage d'Internet. Vu le contexte de l'époque, et la proposition initiale de Google, il serait malvenu de jeter la pierre aux deux larrons tant, effectivement, Chrome OS ne paraissait pas alors être une solution très crédible. 

Je me méfiais davantage de Google Chrome OS avant qu'il ne soit annoncé" - Bill Gates

Il faut dire qu'à l'époque, les netbooks, popularisés par le taïwanais Asus se vendaient encore comme des petits pains et offraient - en dépit de performances toutes relatives - une expérience informatique complète, qu'ils soient équipés de versions de Windows ou de Linux. Avec de telles machines vendues à des prix défiant toute concurrence, Chrome OS ne semblait pas vraiment disposer d'un avenir serein, tant il pouvait sembler complètement idiot d'aller s'enfermer dans un écosystème 100% Google avec, en outre, l'obligation de disposer d'une connexion à Internet pour utiliser sa machine.

Mais à cette période, les services du géant étaient aussi moins aboutis, moins incontournables et l'idée du tout en ligne avait alors du mal à faire son chemin. Pour certains, Chrome OS était même condamné, au profit d'un certain... Android. Et passé l'intérêt de départ de quelques constructeurs, il faut bien avouer que le concept semblait se dégonfler comme un vieux ballon oublié au bord de la route.

1296299-google,bWF4LTUyMHgw.jpg
Les cartes de Google Now, bientôt dans Chrome

Oui mais voilà, chez Google, on n'abandonne pas si facilement une partie et c'est en février dernier que le géant annonce le Chromebook Pixel, une machine haut de gamme assez bluffante techniquement et même utilisable en mode hors ligne, grâce aux mouvements effectués par l'entreprise quelques mois plus tôt, afin de permettre l'utilisation de plusieurs applications de Google Drive même sans disposer d'une connexion active. De quoi donner envie à d'autres constructeurs (Lenovo, HP, Toshiba, Dell) de s'y mettre ou de s'y remettre, au moment précis où l'industrie souffre et pointe alors du doigt le Windows 8 de Microsoft, jugé décevant et dangereux pour le business des partenaires. Et comme si un être supérieur avait décidé de tracer un boulevard spécialement réservé à Google, c'est également à cette période que l'ère du netbook prit fin chez les fabricants qui en proposaient encore.  

Au placard les vieux

Reste que même si toutes les étoiles s'alignent, cela ne suffit pas forcément à faire décoller une fusée, et pour convaincre, Google a besoin de crédibiliser l'expérience en mettant Chrome OS entre toutes les mains. Une manœuvre impossible ? Pas vraiment, à l'heure où le cloud computing et les services de Google en particulier ont le vent en poupe. D'autant que le géant américain dispose d'une arme absolue, un véritable cheval de Troie aux parts de marché considérables : Google Chrome.

Récemment, The Next Web relevait justement la forte tendance de la firme à insérer les principes de son système au sein de son navigateur. On l'a par exemple très bien vu avec la version 32 pour Windows 8, permettant d'utiliser le navigateur en plein écran, tout en accédant aux différentes applications de Google, à l'aide d'une barre des tâches dédiées. La volonté de faire disparaître Windows derrière Chrome est alors manifeste et vise sans doute à diffuser l'idée que le système de Microsoft... ne sert plus à rien. Mountain View pousse même le vice jusqu'à effectuer un mouvement similaire du côté des adeptes d'Apple en intégrant son Chrome App Launcher directement... dans le dock d'OSX

La volonté du géant est donc claire et nette : si Chrome OS ne peut suffire à persuader de la pertinence d'un Chromebook, le navigateur de Google en est capable et se doit alors de rendre obsolète les solutions des deux plus grands adversaires de la firme. En 2009, l'idée pouvait paraître d'une idiotie sans nom mais 5 ans plus tard, tout est déjà beaucoup plus crédible, surtout au moment où certaines applications de grands noms comme Autodesk, permettent l'édition d'images en mode offline, que ce soit pour Chrome ou Chrome OS.

Pour le grand public, qui chatte, tweete, rédige des e-mails ou joue sur Facebook, la solution devient de fait de plus en plus crédible, s'il peut en plus travailler sur ses documents (Google Drive) en étant connecté ou non, il ne peut alors qu'être intéressé par la solution. D'autant que ces services ne sont pas bien gourmands, et que les Chromebooks (hormis le fameux Pixel) sont vendus à des prix défiants toute concurrence, souvent à moins de 300€.

1296303-chromeos,bWF4LTUyMHgw.jpg
Pixlr Touch Up apporte l'édition d'images en mode offline pour Chrome

L'avenir serait-il donc tout tracé pour Google, qui aurait d'ores et déjà gagné sur le front des systèmes d'exploitation comme des machines ? Difficile à dire, et il est certainement encore bien trop tôt pour se prononcer sur la question tant il reste à Chrome OS du chemin à parcourir pour réellement concurrencer Windows sous tous ses aspects (ludothèque, APIs, polyvalence, etc.). Mais il est évident que l'entreprise fait actuellement tout ce qui est en son pouvoir pour convaincre et séduire, comme elle l'a toujours fait. En utilisant son moteur de recherche pour faire entrer Chrome dans de nombreux foyers, Google a réussi un coup de maître, qu'elle parviendra peut-être à reproduire en utilisant Chrome pour convaincre de l'utilité de Chrome OS et donc... des Chromebooks. Ce n'est d'ailleurs sans doute pas un hasard si leurs ventes ont explosé aux Etats-Unis ces derniers mois.

Les prochains mois seront donc particulièrement passionnants à suivre, tant l'entreprise ne semble pas vouloir s'arrêter en si bon chemin. Microsoft, ou Apple, sont-ils encore en capacité de stopper le rouleau compresseur californien ? Ni l'un, ni l'autre n'ont évidemment encore perdu et restent particulièrement forts et puissants (surtout Windows dont l'hégémonie sur le monde PC reste bien réelle malgré les reproches parfois faits à ses systèmes), mais du côté de Google, la volonté de détruire les modèles établis est maintenant manifeste et la firme n'est peut-être plus si loin d'imposer - au moins auprès du grand public - sa vision de ce que doit être un système d'exploitation moderne.   

 

Source : Pcworld.fr

Informations complémentaires :