L’enlèvement en masse des collégiennes nigérianes par Boko Haram n’est en réalité que la partie émergée de l’iceberg que représente l’esclavage en Afrique. L’esclavage et le trafic d’êtres humains sont bien plus liés qu’on ne le croit aux conflits dans lesquels les États membres de l’OTAN et les organisations terroristes jouent un rôle central. Au final, les conflits, l’esclavage et le trafic d’êtres humains, tout comme la prostitution, sont indissociables de la question de souveraineté.
Les premières insurrections de Boko Haram datent d’il y a cinq ans. Les experts insistent sur le fait que l’organisation est financée et armée par les services secrets des principaux États membres qui composent l’OTAN. Boko Haram assure alors un rôle de couverture à des fins de déstabilisation pour mieux justifier la présence militaire de l’OTAN.
Un récent incident vient confirmer cette allégation. L’enregistrement clandestin d’une conversation téléphonique entre d’une part Mustapha Varank, très proche du Gouvernement Turc de l’AKP et des services de renseignement du MIT, et d’autre part un Officiel de Turkish Airlines au cours de laquelle il est fait mention de contrebande d’armes à destination du Nigeria.
Emma Christopher, experte des questions d’esclavage et de trafic d’êtres humains, estime que plusieurs dizaines de milliers de personnes sont ainsi achetées et revendues au Nigeria chaque année. La majorité d’entre elles sont des enfants. Christopher s’appuie sur le International Labour Organization qui estimait qu’en 2003 pas moins de 6 millions d’enfants nigérians avaient fait l’objet d’un trafic à un moment de leur vie.
Les conflits préparés par les membres centraux de l’OTAN favorisent le commerce d’esclaves et le trafic d’êtres humains.
Cela pose certaines questions : pourquoi les gouvernements occidentaux sont-ils tout d’un coup indignés par l’enlèvement de jeunes filles nigérianes ? Pourquoi ces gros titres soudains dans les médias privés ?
En octobre 2012 déjà, l’analyste Irlandais Finian Cunningham pointait le rôle joué par Boko Haram en tant qu’instrument du néo-colonialisme Occidental. Il écrivait alors :
« En surface, un groupe militant connu sous le nom de Boko Haram apparaît comme le protagoniste principal. Mais d’aucuns pensent que de puissants intérêts occidentaux utilisent la violence pour consolider le contrôle par des forces étrangères des vastes ressources pétrolières du Nigeria. »
Cunningham indiquait également que des analystes nigérians estimaient que l’organisation était utilisée par de puissantes forces externes comme instrument de déstabilisation du Nigeria. Une idée qui a fait son chemin depuis. Il citait également l’analyste politique Olufemi Ijevuode qui affirmait :
« le but de ce dernier massacre est de déstabiliser le Nigeria en créant des divisions communautaires au sein de la population. Les assassins étaient peut-être des exécutants de Boko Haram, mais Boko Haram n’est qu’une organisation qui agit en sous-main pour le compte de puissances étrangères. »
A noter que la croissance rapide de l’économie nigériane et la croissance des exportations de brut coïncident avec la recrudescence des attaques terroristes et la présence accrue des troupes de l’US AFRICOM
Les facteurs culturels jouent un rôle mineur.
Une part relativement faible de l’esclavage africain et du trafic d’êtres humains est liée à des facteurs culturels.
La Mauritanie est un des pays où l’esclavage est un relent de la colonisation du Maghreb par les Arabes et de l’ancienne traite des Noirs alors en place. L’esclavage est interdit en Mauritanie depuis 1980.
Les autres problèmes de la Mauritanie, aussi tragiques soient-ils, sont mineurs par comparaison avec l’esclavage et le trafic d’êtres humains liés aux conflits. De plus, de nombreux esclaves en Mauritanie vivent au sein même des cellules familiales, ce qui est en totale contradiction avec la destinée de la majorité de ceux dont l’esclavage ou le trafic sont liés aux conflits.
Le commerce d’esclaves en Afrique et au Moyen-Orient représente 1,6 milliard de dollars par an.
Dans un article sur l’esclavage, Emma Christopher a relayé l’estimation réalisée par l’ONG Free The Slaves qui chiffre à 1,6 Milliard de dollars le profit généré chaque année par l’esclavage en Afrique et au Moyen-Orient. Et Christopher d’ajouter que ce montant est plus élevé que les PIB additionnés de 8 pays africains en 2013.

Christopher insiste sur le fait que 40% du chocolat produit dans le monde provient du cacao récolté en Côte d’Ivoire et que des enfants de tout l’Ouest Africain font l’objet de trafic pour travailler dans les champs de cacao : il est très possible que ces enfants aient cultivé le cacao que vous dégustez.
Ce que Christopher ne relate pas dans son article, c’est la participation de la France dans la mise en œuvre du Coup d’Etat de 2010 contre le Président Ivoirien Laurent Gbagbo qui était sur le point de mettre un terme aux manigances françaises dans son pays ainsi qu’à celles des autres pays membres de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA).
Ni le conflit en Côte d’Ivoire, ni la poursuite de l’esclavage dans et autour du pays ne peuvent être compris sans prendre en compte le système de quasi spoliation instauré par la France dans ses anciennes colonies et dans les pays membres de l’UMEOA
Le système a été décrit avec force détails dans l’article “French Africa Policy Damages African and European Economies”. Le problème peut être résumé ainsi :
La France a installé des commissaires au sein des trois banques centrales de la région UMEOA. Les commissaires disposent d’un droit de veto et peuvent, de fait, bloquer toute décision financière, monétaire ou économique.
La France imprime la monnaie de la région, le Franc CFA, à Chemaliers en France.
Les Etats membres de l’UMEAO ont l’obligation de déposer 65% de leurs réserves en devises étrangères à la Banque de France contre 0% d’intérêt. La France touche environ 3% d’intérêts sur les dépôts et ‘prête’ ce profit de manière individuelle aux pays de l’UMEAO au taux de 5-6% ou plus en guise ‘d’aide au développement’.
Les pays membres de l’UMEAO ont l’obligation de déposer toute leur réserve d’or en France. Aucun audit n’a été réalisé depuis des décennies. Tout chef d’Etat qui voudrait sortir son pays de ce racket devient la cible d’assassinat, d’emprisonnement ou de coup d’état. Laurent Gbagbo est détenu depuis 2010 dans une prison de la Cour Criminelle Internationale.
Christopher détaille également avec justesse les sept types d’esclavage qui ont cours aujourd’hui à l’Est du Congo. Les hommes et les jeunes garçons sont enrôlés dans les mines de la région dont les produits se retrouvent dans les téléphones et autres appareils électroniques que chacun de nous possède.
Une récente enquête menée par Free the Slaves en 2013 a révélé que 90% des personnes employées dans les mines étaient des esclaves, la plupart pour paiement de dettes ou après avoir été kidnappés par des groupes armés. A côté d’eux, se trouvaient des femmes et des jeunes filles victimes de trafic pour travailler comme prostituées au service des mineurs.
Le parlement soudanais a rapporté en 2008 qu’au moins 35 000 personnes avaient été réduites en esclavage, la majorité étant des chrétiens du Sud détenus par des familles musulmanes du Nord.
Le problème n’a pas fait l’objet d’une attention particulière au niveau international, bien qu’il ait été signalé lorsque les services de renseignement américains et qataris ont commencé à cibler le pays en vue de la préparation d’une guerre civile et de la scission entre le Sud Soudan et le Nord Soudan. Ce qui s’est produit quand la flambée du cours du brut a rendu attractive l’exploration des ressources soudanaises.

L’ esclavage sexuel et le conflit planifié par l’OTAN
En octobre 2013, Lofti Ben Joddou, le Ministre tunisien de l’Intérieur, a dénoncé le trafic de jeunes filles tunisiennes via la Turquie. Des jeunes filles tunisiennes sont attirées dans des traquenards ou tout simplement kidnappées et font l’objet de trafics vers la Syrie en passant par la Turquie.
Ben Joddou a annoncé devant le Parlement Tunisien que des jeunes filles tunisiennes étaient forcées à satisfaire les besoins sexuels des terroristes présents en Syrie sous l’euphémisme de jihad sexuel.
Ben Jeddou a également insisté sur le fait que la Turquie était devenue une tête de pont du jihad sexuel. Il a déclaré que les jeunes Tunisiennes victimes de ces trafics étaient contraintes d’avoir des relations sexuelles avec 20-30 (et parfois 100) de ces ‘combattants pour la Guerre sainte’. Ben Jeddou a précisé que beaucoup d’entre elles revenaient enceintes.
En plus du traumatisme psychologique que ces jeunes Tunisiennes subissent, le grand nombre d’enfants qui naîtront de ces services sexuels forcés constitueront une véritable bombe à retardement sur le plan social en Tunisie. Un autre problème, largement sous-estimé, est le nombre de ces filles qui seront infectées par les MST, dont le VIH. Il y en a même qui ne retournent pas dans leur pays car la vie est devenue très complexe depuis que le pays est devenu une cible pour la Guerre Sainte.
Il est important de noter que ces combattants de la Guerre Sainte, pour une grande partie d’entre eux, sont des mercenaires originaires des Etats-Unis, de la Grande Bretagne, de la Turquie, de l’Arabie Saoudite ou encore du Qatar et qu’ils combattent pour le compte des principaux pays membres de l’OTAN, des membres du GCC et d’Israël. Pour ceux qui l’ignoreraient encore, une déclaration de l’ancien Ministre des Affaires Etrangères, Roland Dumas, est un bon point de départ pour comprendre la situation en Syrie
Lors de son passage sur la chaîne française LCP, Dumas a fait remarquer que de hauts responsables britanniques préparaient la subversion de la Syrie avec l’aide de ‘rebelles’ deux ans avant les premières protestations en 2011 et qu’on lui a demandé s’il souhaitait y participer.
Lors de son passage sur LCP, en juin, Dumas a déclaré :
« Je vais vous dire une chose. J’étais en Angleterre deux ans avant les violences en Syrie pour une autre affaire. J’ai rencontré de hauts dirigeants britanniques qui m’ont confessé qu’ils préparaient quelque chose en Syrie. C’était en Grande Bretagne, pas en Amérique. La Grande Bretagne préparait l’invasion de la Syrie par des rebelles. Ils m’ont même demandé, alors que je n’étais plus Ministre des Affaires Etrangères, si je voulais y prendre part.
Naturellement, j’ai refusé. J’ai dit que j’étais Français et que cela ne m’intéressait pas. Cela n’a pas de sens, il est temps de régler ça…il y a des forces qui ont le désir de détruire les Etats arabes, comme cela s’est passé en Irak ou en Libye précédemment, et plus particulièrement en raison de la relation très particulière de la Syrie avec la Russie…que si un accord n’est pas conclu, alors Israël attaquera et détruira les gouvernements qui se dressent contre Israël. »
D’autres enlèvements et trafics d’êtres humains à destination de la Syrie ont également été rapportés au Mali, envahi par la France et les membres de l’OTAN en 2013, ainsi qu’en Egypte et qu’en Libye, également envahie en 2011 par l’OTAN et les rebelles d’Al Qaïda sous l’égide de l’OTAN. Depuis le début de l’année 2014, l’enlèvement de jeunes filles a commencé à se propager à l’Europe….

Le travail dans des conditions d’esclavage.
Le Qatar est l’un des plus gros importateurs arabes de migrants qui travaillent dans des conditions quasi esclavagistes.
Environ 88% des employés au Qatar sont des travailleurs migrants. Beaucoup d’entre eux sont retenus dans des conditions ignobles. Violence et abus (même sexuels) sont courants. De nombreuses femmes sont retenues comme esclaves sexuelles. Une telle situation se retrouve en Arabie Saoudite, aux EAU et à Bahreïn.
Un problème totalement différent – organiser le trafic pour le compte de l’industrie du sexe en Occident.
On retrouve ces travailleurs du sexe aussi bien aux feux rouges des principales capitales européennes que dans les grandes villes de province. Des jeunes filles africaines sont également envoyées en Asie.
Des travailleuses du sexe retenues à Copenhague, Danemark Beaucoup de ces filles tombent dans de véritables guet-apens où on leur promet des emplois comme agent d’entretien, fille au pair ou autre. Une fois arrivées, la première étape consiste à leur confisquer leur passeport puis à le détruire.
Lors d’une interview réalisée auprès de plusieurs prostituées africaines dans une ville de province au Danemark, une des filles a raconté avoir dû être hospitalisée après de graves hémorragies consécutives à des rapports forcés avec de nombreux ‘clients’.
Interrogée sur les raisons de sa venue à l’hôpital, elle a déclaré qu’une carte d’assurance lui avait été prêtée par le proxénète. Et lorsqu’on lui a demandé pourquoi elle n’avait pas saisi l’occasion pour s’échapper, elle a répondu qu’elle était trop effrayée. « Le proxénète connaît ma famille et ils tueraient quelqu’un si je m’évadais », a-t-elle ajouté.
Le tarif moyen pour une de ces filles africaines au Danemark est d’environ 170 à 200 dollars de l’heure. Une fille prostituée peut espérer gagner entre 20 et 30 dollars sur les 200. Elles devront retrancher de ce gain environ 50-100 dollars pour payer la location et d’autres ‘services’.
On retrouve ces filles par milliers à travers l’Europe. La majorité d’entre elles sont originaires des anciennes colonies regroupées sous le nom de l’UMEAO ou de pays qui représentent un intérêt particulier pour les pays membres de l’OTAN.
Une question de souveraineté. Au bout du compte, c’est de souveraineté dont il s’agit, aussi bien la souveraineté nationale qu’individuelle.
Les filles enlevées par Boko Haram se sont vues privées de leur liberté ainsi que de la libre disposition de leur corps. Boko Haram est utilisé par les pays membres de l’OTAN pour priver le Nigeria de sa souveraineté en déstabilisant le pays, en plaçant des troupes de l’AFRICOM et en ‘sécurisant’ les ressources du pays au profit des USA et de ses alliés occidentaux.
Les esclaves et les migrants travaillant dans les champs de cacao ont été privés de leur droit de disposer d’eux-mêmes. Ils ont été réduits à l’état d’instruments au profit du système néo-colonialiste de spoliation. La Côte d’Ivoire et 14 autres pays membres de l’UMEAO ont perdu leur souveraineté. La France peut ainsi dicter et de fait dicte les politiques fiscale, monétaire et économique ainsi que les changements de régime qui menacent de mettre un terme à ce racket.
Les filles retrouvées dans la province danoise ne peuvent plus disposer d’elles-mêmes. Il en est de même pour les milliers de filles qui vivent la même situation à travers l’Europe.
Duplicité morale des lois sur la prostitution en Occident – la traîtrise ultime.
Personne ne devrait vivre dans des conditions d’esclavage ou de semi esclavage. Personne, ni femme ni homme ne devrait être kidnappé, objet de commerce ou forcé à la prostitution.
Descente policière dans une maison close. Police du West Midlands. Certaines femmes et certains hommes prennent toutefois la décision en connaissance de cause de quitter les ateliers au Maghreb, les champs de cacao en Côte d’Ivoire, les mines d’or au Congo, les mines d’uranium au Mali, le salaire minimum, le contrat à 0 heure au Mc Donald’s de Londres, etc.
Certaines personnes, en leur âme et conscience, disent ‘non’ au travail sous sa forme de quasi esclavage industriel dans un jeu où les dés sont pipés. Plusieurs de ces personnes reconnaissent elles-mêmes que le système dont elles sont prisonnières les laisse sans pouvoir quant à la libre disposition de leur corps et à leur liberté d’entreprise.
Certains prennent la décision en connaissance de cause de monnayer leurs services sexuels. Ils en déterminent eux-mêmes les conditions et acceptent de fournir un service sexuel à des clients qui paient pour. Certains d’entre eux quittent l’Afrique ou l’Asie pour l’Europe pour travailler, subvenir aux besoins de leur famille et économiser de l’argent pour construire une vie une fois de retour chez eux.
Une volonté politique pourrait mettre un terme au trafic de femmes en Occident. Au lieu de cela, nous assistons à l’instauration de mesures de plus en plus restrictives à l’endroit de la prostitution visant les personnes qui l’exercent librement ainsi que leurs clients.
Ces lois restrictives empêchent ces personnes d’être autonomes grâce à la seule ressource que ce système a laissée à leur disposition. Elles les mènent tout droit entre les mains des criminels qui vont abuser d’elles – c’est là l’ultime trahison faite à leur souveraineté – c’est là l’ultime étape qui leur dénie l’utilisation libre de leur corps et de leur souveraineté comme bon leur semble.
Alors pourquoi a-t-il eu lieu ce soudain intérêt à propos de ces filles enlevées par Boko Haram qui est financé, soutenu et instrumentalisé par les pouvoirs néo colonialistes ?
Traduit de l’anglais par Muhammat Asa pour Investig’Action
Source : Ch/L – Nsnbc via Michelcollon.info
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