Complètement démoralisés : les commerçants replongés dans le cauchemar du confinement (Marianne.net)

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Update 01.11.2020 : Fronde des maires contre le confinement et la fermeture des commerces ! (SOTT)

"Si d’ici quinze jours nous maîtrisons mieux la situation nous pourrons alors réévaluer les choses et
espérer ouvrir certains commerces", a indiqué Emmanuel Macron mercredi.
Antoine Wdo / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
 

Pour quatre semaines, au moins, de confinement, 200.000 commerces considérés comme "non-essentiels" doivent fermer leurs portes. Un nouveau coup de massue après des mois de vaches maigres, alors que l'activité était restée exsangue dans certains secteurs.

Le couperet est tombé. Les commerces considérés comme "non-essentiels" doivent à nouveau baisser leur rideau depuis ce vendredi 30 octobre et le début du nouveau confinement, annoncé mercredi par Emmanuel Macron. Comme au printemps dernier, les grandes surfaces, les points de vente alimentaires, les pharmacies ou encore les magasins d'informatique peuvent continuer d'accueillir des clients. Pour le reste, "200.000 commerces (...) vont être obligés de fermer", a indiqué le ministre de l'Économie Bruno Le Maire jeudi en conférence de presse. Pendant combien de temps ? Malgré les quatre semaines de confinement minimum, le président a laissé entrevoir une réouverture anticipée des boutiques : "Si d’ici quinze jours nous maîtrisons mieux la situation, nous pourrons alors réévaluer les choses et espérer ouvrir certains commerces", a fait valoir Emmanuel Macron dans son allocution.

"Tout droit dans les rubriques nécrologiques"

Loin d'être convaincue par cette perspective, Séverine, fleuriste dans une petite ville de Mayenne, se prépare à une nouvelle traversée du désert. "Je suis complètement démoralisée. La réévaluation dans quinze jours c'est du pipeau, puisqu'il faudra attendre plusieurs semaines pour voir les effets du confinement", juge-t-elle. À l'approche de la Toussaint, l'exécutif a autorisé les fleuristes à rester ouverts jusqu'à dimanche. "Ensuite, ça va être le néant total. Si j'arrive à faire 10% de mon chiffre d'affaires en novembre, ce serait déjà énorme anticipe Séverine. Même si l'on propose des livraisons, le fait que les gens n'aillent plus les uns chez les autres nous enlève l'essentiel de notre métier".

L'inquiétude est tout aussi grande du côté des restaurants : "Cela nous emmène tout droit dans les rubriques nécrologiques des entreprises. Je parlais déjà tous les jours avec des patrons qui s'inquiétaient de faire faillite", s'alarme Hubert Jan, président de la branche restauration de l'Union des métiers et industries de l'hôtellerie (Umih).

Petits commerces contre supermarchés

Derrière la myriade de commerçants au régime sec, tout un réseau de fournisseurs sera aussi mis à rude épreuve. "Beaucoup d'entreprises sont touchées, directement ou indirectement, souligne François Asselin, président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME). Certains fabricants ne passent que par des commerçants indépendants pour écouler leurs produits, par exemple des distributeurs de boissons avec les hôtels cafés-restaurants".

Il y a l'angoisse mais aussi le sentiment d'injustice. Par exemple Coralie, toiletteuse pour animaux de compagnie près de Valenciennes : "Nous sommes contraints de tout arrêter, alors que nous n'accueillons qu'un ou deux clients maximum dans nos boutiques. Et nous aurions même pu ne faire entrer que les animaux", argue-t-elle. Autre point de tension : le maintien des rayons de produits "non-essentiels" dans les supermarchés. "Cette distorsion de concurrence est inacceptable", pointe une pétition demandant l'interdiction de la vente de ces articles, qui a déjà réuni près de 29.000 signatures. Une revendication à laquelle ne souscrit pas François Asselin : "Si l'on interdit aux grandes surfaces certaines ventes, le commerce en ligne sera gagnant, et Amazon en premier. Il serait plus constructif de voir comment la grande distribution et les commerçants peuvent travailler ensemble", plaide le patron de la CPME.

Aides renforcées

Face à cette nouvelle vague de pertes, les commerces fermés pourront bénéficier du chômage partiel pris en charge à 100% par l'État, comme lors du premier confinement. Mais à côté des salaires, les charges liées aux locaux restent à payer : loyer, gaz, électricité… "Cela représente environ 30% des coûts pour les restaurants", estime Hubert Jan. D'autres mesures pourront aider à régler ces factures : Bruno Le Maire a annoncé jeudi que les entreprises fermées seraient exonérées de cotisations sociales, et verraient leurs pertes compensées jusqu'à 10.000 euros par mois par le "fonds de solidarité". "Les 10.000 euros suffisent pour une TPE [très petite entreprise, N.D.L.R.] mais pas pour les autres, par exemple les restaurants qui dépassent la dizaine de salariés et ont des chiffres d'affaires plus conséquents", juge Hubert Jan.

L'exécutif a également prévu d'inciter les propriétaires à desserrer la bride des loyers. Ceux qui renonceront à un ou plusieurs virements verront ainsi 30% du manque à gagner déduit de leurs impôts, a indiqué le ministre de l'Économie. De quoi pousser les bailleurs à franchir le pas ? "Cela faisait deux mois que nous militions pour que le problème des loyers soit traité. Nous avons mis un pied dans la porte avec cette mesure, maintenant si l'on s'aperçoit que ce n'est pas efficace on pourra bouger les curseurs", espère François Asselin.

Les entreprises pourront aussi continuer à demander des prêts garantis par l'État, dont le remboursement pourra désormais être différé jusqu'à deux ans. Et l'État pourrait prêter lui-même de l'argent aux sociétés "si [elles] ne trouvent aucune solution de financement", comme annoncé par Bruno Le Maire jeudi.

La frustration des cinémas

Le confinement est d'autant plus dur à avaler que beaucoup d'entreprises restaient fragiles après les pertes du printemps, souvent comblées en s'endettant. "Dans un sondage que nous avions publié fin septembre, 46% des patrons se disaient inquiets pour la survie de leur entreprise. Nous étions très surpris de ce score", se rappelle François Asselin. Sans compter que la consommation a peiné à repartir dans certains secteurs. "Avec le manque de touristes étrangers et le couvre-feu, les restaurants des métropoles restaient très touchés", souligne Hubert Jan.

Tandis que les salles de cinéma voyaient leur fréquentation se redresser au fil des semaines : "Nous avons enregistré trois millions d'entrées la semaine dernière, un record depuis mai. Ce qui est exceptionnel étant donné le couvre-feu, même si cela reste 50% de moins qu'il y a un an. Donc il y a une frustration liée au fait d'avoir réussi à remobiliser les spectateurs, mais de devoir recommencer", déplore Marc-Olivier Sebbag, délégué général de la Fédération nationale des cinémas français.

"Je ne prends que 700 euros par mois depuis mars"

Philippe, restaurateur à Pau, a payé de sa poche ces mois de vaches maigres. "Je ne me versais déjà pas beaucoup d'argent en attendant d'avoir remboursé mes crédits, de l'ordre de 10.000 euros par an, explique ce patron de dix salariés, installé depuis quatre ans. Mais depuis mars, je n'ai pu prendre qu'au maximum 500 euros par mois, et même rien pendant le premier confinement".

Séverine aussi a dû se serrer la ceinture : "Depuis mars, je ne prends que 700 euros par mois. Nous ne sommes pas partis en vacances cet été avec mon mari, et nous sommes en train de piocher dans nos économies après avoir mis de côté pendant 14 ans". La fleuriste envisage de jeter l'éponge en cas de prolongation du confinement. "Si nous ne faisons pas Noël, je pense que nous ne nous en sortirons pas. Et puis vous connaissez beaucoup de personnes qui acceptent de travailler du lundi au dimanche pour 700 euros ?"

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Source : Marianne.net

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