La forte inflation a déjà commencé à déstabiliser les ménages les plus fragiles, comme le montre la hausse des incidents de paiement et de remboursements de crédits. Mais le stress financier face à la hausse des prix gagne toutes les catégories de la population.

+6,1% : le chiffre de la hausse des prix en juillet, dévoilé par l'Insee en pleines vacances d'été, a encore accentué l'inquiétude qui s'est emparée des Français depuis le début de l'année 2022. Tout le monde en est désormais conscient : l'épisode actuel de forte inflation est parti pour durer, et risque même de s'intensifier, dès cet hiver, avec la forte hausse attendue des prix de l'énergie.

Un coût de la vie qui augmente fortement, sans doute au-delà des 6% sur l'année 2022 ; des salaires qui progressent aussi, mais dans de moindres proportions (autour de 3%, en moyenne, cette année) : toutes les conditions sont de fait réunies pour assister à une dégradation quasi générale du pouvoir d'achat des ménages. Et donc, pour celles et ceux qui peinaient déjà à s'en sortir, à une accentuation des difficultés financières.

Pour certains, les difficultés sont déjà là. On en trouve déjà la trace dans les statistiques de l'Observatoire de l'inclusion bancaire de la Banque de France, désormais publiées chaque mois. Sur les 7 premiers mois de l'année 2022, les inscriptions au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) ont progressé de 18% ; celles au Fichier Central des Chèques (FCC) de 12%. En clair, de plus en plus de ménages ne parviennent plus à rembourser leurs crédits, ou n'ont d'autre choix que de faire des chèques et des paiements par carte sans provision suffisante sur leurs comptes.

Retour à la normale ou saut dans l'inconnu ?

D'un strict point de vue comptable, ces chiffres s'apparentent pourtant à un retour à la normale. Ils restent même légèrement inférieurs aux volumes enregistrés par la Banque de France en 2019 et au début de 2020, avant que la crise sanitaire ne « gèle », pour un temps, la situation financière de nombreux ménages. Ce constat est partagé par La Banque Postale. A MoneyVox, l'enseigne, qui compte parmi ses clients 40% environ des ménages financièrement fragiles, explique qu'elle « constate bien actuellement une hausse du nombre d'incidents [de paiements] (+8% entre les premiers semestres 2021 et 2022) ». Mais ces volumes « restent sensiblement en retrait par rapport au début d'année 2020 (-6%) ».

L'inquiétude est tout de même de mise chez Crésus, un réseau d'associations d'accompagnement et de prévention du surendettement. « Ce sont les premières flammèches », estime Jean-Louis Kiehl, son président. « Nous sommes encore dans une période de transition, mais une crise assez dure se profile. C'est un saut dans l'inconnu. »

Des crédits pour compenser la hausse des prix

D'autres signes indiquent que le stress financier grandit actuellement. C'est le cas, par exemple, de la forte hausse de la production de prêts personnels (+34%, par rapport à 2021, sur les 5 premiers mois de l'année selon l'Association française des sociétés financières) et des crédits renouvelables (+35%). Des chiffres spectaculaires, que le rattrapage de la consommation, à la suite de la sortie de la phase aiguë de la crise sanitaire, ne suffisent pas, selon lui, à expliquer : « Les prêts personnels servent aussi à compenser la hausse des prix, ce qui est malsain et va conduire à la hausse des défaillances. »

S'y ajoute un phénomène nouveau : l'apparition, dans les dossiers traités par Crésus, de nouvelles formes de crédit : des paiements différés ou fractionnés (que l'on désigne souvent sous l'acronyme BNPL, pour Buy Now, Pay Later), voire des services d'avance sur salaire. « Nous voyons apparaître des ménages qui ont 5 BNPL en cours, n'arrivent plus à rembourser et s'exposent à des frais d'impayés importants », explique Jean-Louis Kiehl, qui attend avec impatience la mise en place de « règles du jeu ». Elles devraient arriver, dans le cadre d'une future directive européenne, mais pas avant 2023. En attendant, le gendarme du secteur financier a alerté, cet été, sur les pratiques des acteurs de ce marché en plein boom : +40% pour les paiements fractionnés, entre les premiers trimestres 2020 et 2021.