Les trois visages de Pasqua

Charles Pasqua n'a manifesté aucun réaction juste après la lecture de l'arrêt rendu par la Cour de justice de la République le 30 avril(Crédits photo : Reuters)
Charles Pasqua n'a manifesté aucun réaction juste après la lecture de l'arrêt rendu par la Cour de justice de la République
le 30 avril (Crédits photo : Reuters)

A la lecture de l'arrêt de la cour de Justice de la république, trois images résument à elles seules la tournure finale des deux semaines du procès.

Charles Pasqua en condamné,Charles Pasqua en patriarche et Charles Pasqua en homme d'Etat. En moins de dix minutes, au moment de la décision de la Cour de justice de la République vendredi, trois images résument à elles seules la tournure finale des deux semaines du procès devant la cour de justice de la République. L'ancien ministre de l'Intérieur joue tour à tour chacun des trois personnages.

Dans la grande salle de la première chambre du tribunal de grande instance de Paris, d'abord, il est 12 heures 30 quand magistrats et parlementaires reprennent leurs places. « Monsieur Pasqua, veuillez vous lever pour la lecture de l'arrêt » : Le président de la cour, Henri-Claude Legall, entame la lecture de l'arrêt de la cour de justice de la République. « La cour vous déclare non-coupable du délit de corruption passive dans le dossier du casino d'Annemasse, non-coupable du délit de complicité d'abus de biens sociaux dans le dossier Gec-Alsthom. La cour vous déclare coupable de complicité d'abus de biens sociaux et complicité de recel dans l'affaire de la Sofremi. En répression, la cour vous condamne à un an de prison, dit que cette peine sera en totalité assortie du sursis, ordonne sa confusion avec la peine de dix-huit mois de prison avec sursis prononcée pour faux et financement illégal de campagne électorale dans le dossier du casino d'Annemasse.» Il dispose de 5 jours pour former un pourvoi en cassation. L'arrêt, motivé, ne sera connu dans le détail que lundi. Mais le résultat des courses est établi : Le risque de la prison s'éloigne tout comme celui de la déchéance de son mandat de sénateur mais il est formellement, par décision de la cour de justice de la République, devenu un condamné.

 «Les gendarmes, plus loin derrière »

L'audience à peine levée, Charles Pasqua se retourne vers les bancs de la défense où ses avocats Léon Lef-Forster, Jacqueline Laffont, Pierre Haïk ont écouté impassibles la lecture. Des mains se serrent. L'ancien ministre de l'Intérieur, 83 ans, visage fermé, ne manifeste aucune réaction. Sa priorité est surtout de se saisir du texte qui a été préparé et qu'il s'apprête à lire à sa sortie. Au stylo, sur le montant du banc des avocats, il rajoute rapidement quelques lignes à la main et raye ce qui n'a plus lieu d'être. Ce n'est que lorsque les gendarmes lui annoncent que micros et caméras sont en place et l'attendent dans la salle des pas perdus que des gestes du patriarche entouré des siens traduisent un sentiment de bonne humeur. « Je sors entre mes avocats. Les gendarmes, plus loin derrière », s'amuse l'ancien ministre à l'adresse de l'officier de gendarmerie qui surpervise la garde des lieux. Ce sera son seul sourire apparent avant de reprendre le ton solennel de sa déclaration publique. Ses proches, notamment son petit fils, suivent le petit cortège jusqu'au seuil de la salle.

Le visage des bons jours

En préambule de sa déclaration, Charles Pasqua cite deux vers de Victor Hugo, « deux vers qui me caractérisent : ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent, ce sont ceux dont un grand dessein ferme emplit l'âme et le front ». Mais ce sont ses accents d'homme d'Etat que Charles Pasqua veut mettre en avant : « Ce jugement n'est en fait qu'un épisode d'une bataille engagée depuis plus de 10 ans pour la France et au service de la France (….) Toute ma vie a été exercée au service de la France. La parole retrouvée, je me ferai entendre sur tous les sujets qui sont au coeur des préoccupations des Français. La parole retrouvée je me ferai entendre pour que l'espérance renaisse ». Les cibles sont « le magistrat instructeur », l'«instruction construite à charge, de manière partiale » et « les outrances, les atteintes aux droits de la personne dans le cadre des gardes à vue ».

« C'est peut-être une condamnation de plus, mais c'est aussi deux relaxes de plus », résume-t-il à un journaliste dans une formule qui synthétise parfaitement les effets que pourraient avoir la décision de la cour de justice de la République. Et moins d'une heure après le verdict, Charles Pasqua est attablé à l'intérieur d'un restaurant de la place Dauphine, juste derrière le palais de Justice. Ses trois avocats ou encore son ancien attaché parlementaire et son ancienne secrétaire particulière sont présents. Quand ils se quittent à l'issue du déjeuner, le sénateur Pasqua a déjà repris sa place dans sa Velsatis aux vitres fumées. La voiture roule au ralenti puis la vitre arrière se baisse lentement en passant devant Léon Lef Forster, qui, comme avocat a tant de fois accompagné ces dernières années l'ancien ministre au palais de justice. La voix, faussement sévère, interpelle pour une dernière boutade « Lef ». Dans l'encadrement de la vitre, Charles Pasqua a le visage des bons jours.

LIRE AUSSI :

» Analyse audio : Une condamnation au goût de victoire


Source :
Le Figaro

Informations complémentaires :

Libération.fr :
Charles Pasqua se réjouit de «deux relaxes de plus»
L'Express.fr :
Pourquoi la condamnation de Charles Pasqua est édulcorée
Le NouvelObs.com :
La CJR épargne Charles Pasqua en le condamnant à un an avec sursis


Inscription à la Crashletter quotidienne

Inscrivez vous à la Crashletter pour recevoir à 17h00 tout les nouveaux articles du site.

Archives / Recherche

Sites ami(e)s