En France, 260.000 micro-travailleurs précaires nourrissent les IA en données (La Tribune)

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Amitiés,

f.

L'équipe du projet Digital Platform Labor (DiPLab), mené par Télécom ParisTech et le CNRS a livré son premier état du micro-travail en France. Environ 260.000 travailleurs effectuent des tâches qui vont de l'étiquetage d'image à la vérification de résultats produits par des algorithmes d'intelligence artificielle. Ces micro-travailleurs précaires sont aujourd'hui oubliés du droit.

260.000 micro-travailleurs occasionnels en France, voilà un des chiffres produits par l'équipe de chercheuses et chercheurs du DiPLab (Télécom ParisTech et CNRS), publié dans le rapport "Le Micro-travail en France". Cette forme de travail, de plus en plus utilisé avec la popularisation de l'intelligence artificielle, consiste a réaliser des tâches simplistes. Le tout pour une faible rémunération à la pièce et sans forme de contrat conventionnel.

Pour les commanditaires, le micro-travail permet de générer les bases de données qui nourrissent les algorithmes, ou bien d'en vérifier les résultats. L'apprentissage machine, destiné à automatiser et débarrasser les humains de tâches répétitives, se construit donc souvent à partir... d'un travail répétitif effectué par des humains. Le rapport dirigé par Antonio A. Cassily (Télécom ParisTech) et Paola Tubaro (CNRS) est le premier du genre en France, alors que l'Organisation Internationale du Travail avait publié son rapport sur le sujet l'été dernier. Il fait un état de cette population particulière et pointe de nouvelles problématiques à adresser. Mal rémunéré, effectué par des populations précaires, le micro-travail n'a pas de cadre juridique en France.

Des humains précaires au service des machines

Plus un algorithme d'apprentissage machine est nourri en données, plus ses résultats seront pertinents. Si certains grands groupes peuvent générer des bases de données avec celles qu'ils récoltent grâce à leurs produits ou services, elles sont plus difficilement accessibles aux structures de taille plus modestes. Ces dernières s'appuient donc sur les micro-travailleurs (ou crowdworkers en anglais) pour créer ces bases.

Les tâches commandées pour quelques centaines d'euros à des plateformes spécialisées ne requièrent aucune formation dans la majorité des cas, et sont très répétitives : trier des données, étiqueter des images, prononcer des mots. Dans d'autres cas, les humains interviennent pour confirmer ou infirmer le résultat produit par l'IA. L'équipe du DiPLab a identifié 23 plateformes, parmi lesquelles Amazon Mechanical Turk, lancée en 2005 par le géant de l'e-commerce, ou le leader français Foule Factory (2014) et sa filiale dédié à l'IA Wirk.io.

Lire aussi : L'extrême précarité des "crowdworkers," les ouvriers du clic, inquiète l'ONU

22% des utilisateurs réguliers de la plateforme Foule Factory interrogés par le DiPLab, ont un niveau de vie en dessous du seuil de pauvreté (défini comme la moitié du salaire médian). 36% d'entre eux étaient inactifs au moment de leur entretien. Mais ce n'est pas le micro-travail qui pourrait les sortir de cette situation : d'après un rapport de 2017 remis à la Direction générale des politiques internes du Parlement européen, les micro-travailleurs français ne sont payés que 54,1% du salaire minimum.

« À l'instar de T., entre 50 et 60 ans, plusieurs micro-travailleurs vivent en-dessous du seuil de pauvreté. (...) Inscrite sur trois plateformes américaines similaires à Foule Factory (Microworkers, Clickworker et Clixsense), elle commence ses journées à 14h et les termine à 2h du matin, pour un complément de revenu qui varie entre 130 et 170 euros par mois : "de quoi m'acheter mes cigarettes (75€ par mois)" » rapportent les chercheurs.

Travailleurs invisibles et sans statut

« Quasiment aucune plateforme ne nomme ses prestataires des « travailleurs » : cela impliquerait de choisir des statuts définis par la législation sur l'emploi salarié. Au lieu de quoi, les micro-travailleurs sont qualifiés de « vendeurs » (de données), de « prestataires », voire même de « freelancer » " observent les auteurs du rapport. Les "contrats" consistent le plus souvent en une simple acceptation des conditions du site sur une page web. Le travail se situe ainsi dans une "zone grise" de la légalité.

Isolés, les micro-travailleurs effectuent leur travail sur leur temps libre, le plus souvent depuis chez eux. Si leurs interactions avec les autres micro-travailleurs se limitent au mieux aux forums, elles sont encore plus réduites avec les commanditaires. Le rapport souligne que dans la majorité des cas, les travailleurs ne connaissent pas l'objectif final de leur travail. Résultat, leur travail est parfois refusé par le client, dans plus de la moitié des cas sans justification.

Cette opacité des rapports sert dans certains cas à cacher le travail humain sous un habillage IA. Les tâches effectuées par les micro-travailleurs peuvent parfois compenser des lacunes de technologies "intelligentes" déjà sur le marché. Le PDG d'une entreprise spécialisée dans les logiciels comptables témoigne dans le rapport, en prenant comme exemple les IA destinées à la prise de rendez-vous : « C'est human-based [effectué par des humains, ndlr]. (...) Ils [les entreprises, ndlr] doivent créer la data des rendez-vous pour ensuite faire du machine learning et avoir l'espoir, un jour, que le process soit automatisé. » Le fantasme de l'intelligence artificielle qui se passe des humains est encore bien loin.

Pour plus d'informations, n'hésitez pas à consulter le rapport complet, disponible gratuitement en pdf.

 

Source(s) : La Tribune.fr via Contributeur anonyme

 

Informations complémentaires :

 

 

 


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