Enquête sur la "double casquette" du discret conseiller d'Eric Woerth...

Un dossier extrêmement complet sur Eric de Sérigny, conseiller d'Eric Woerth et ses multiples activités.

L’affaire Woerth-Bettencourt a fait sortir son nom de l’ombre : Eric de Sérigny.

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"Conseiller pour les relations économiques", Eric Le Moyne de Sérigny (son patronyme complet) a accompagné, de façon discrète, Eric Woerth du ministère du Budget à son ministère du Travail. Mais son nom n’apparaît pas dans l’organigramme officiel du cabinet d’Eric Woerth.

Le 30 juin 2010, Le Canard enchaîné le présentait comme un membre « infatigable » du "Premier cercle", le club des donateurs de l’UMP. Un « ami » de Patrice de Maistre, le gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt, directeur général de "Clymène" (où a été embauchée en septembre 2007, Florence Woerth, l’épouse du ministre, avant de quitter "Clymène" en juin 2010) et "Thétys", les structures financières chargées de gérer les avoirs de l’héritière de L’Oréal. Le 4 août 2010, L’Express expliquait qu’Eric de Sérigny avait participé à « la création d’un club sélect, le W 19 (W pour Woerth et 19 pour le nombre de ses membres », afin d’ « appuyer la carrière politique » du maire de Chantilly Eric Woerth.

« Je ne suis pas fondateur du Premier cercle et pas même membre de l’UMP », nous explique aujourd’hui, par écrit, Eric de Sérigny, tout en reconnaissant « pendant la campagne présidentielle » avoir « participé à quelques réunions où [il] rencontrai[t] Eric Woerth. » Le W19 (surnommé ainsi, selon lui, « à cause de la date du premier déjeuner ») serait « un simple rassemblement d’amis à haute responsabilités dans leurs secteurs ». Quant à sa fonction, « totalement bénévole », de « conseiller pour les relations avec le monde économique » auprès d’Eric Woerth, elle se bornerait à « réunir quatre fois par an des chefs d’entreprise, moyennes ou grandes, de tous secteurs économiques pour débattre de divers sujets relatifs à notre économie. (…) J’ai donc été simplement l’animateur d’un groupe de réflexion d’environ 45 personnes, que j’ai invité par groupe de 20, et toujours en alternance », pour mieux débattre objectivement sur des thèmes tels que chômage, déficit budgétaire, croissance économique, euro etc. »

Ses liens avec Patrice de Maistre posent également question.

Eric de Serigny : « j’ai soutenu la candidature de Patrice de Maistre pour la légion d’honneur »

Selon Le Canard enchaîné du 4 août 2010, le nom d’Eric de Sérigny serait apparu lors des enquêtes préliminaires ouvertes dans l’affaire Woerth/Bettencourt. Face à la Brigade financière qui l’interrogeait sur sa Légion d’Honneur remise par Eric Woerth, alors ministre du Budget, le 23 janvier 2008, Patrice de Maistre aurait donné « le nom d’Eric de Sérigny. » Ce dernier « lui aurait promis de s’occuper de sa breloque, après qu’un avocat bien en cours eut échoué dans ses démarches. »

Interrogé sur ce point par France Inter, Eric de Sérigny assure qu’il n’a « pas demandé la Légion d’Honneur pour Patrice de Maistre, dossier initié par quelqu’un d’autre, mais il est exact que j’ai soutenu sa candidature, comme d’autres, car je la trouvais justifiée. » Le conseiller d’Eric Woerth explique connaître Patrice de Maistre « depuis 40 ans (…) par des amis communs. » Eric de Sérigny était alors directeur à la Banque Rothschild (de 1968 à 1981). Patrice de Maistre était, lui, assistant à la société « Price Waterhouse » (de 1972 à 1975), un cabinet d’audit et d’expertise comptable, avant d’intégrer en 1975 la Société française d’audit et d’expertise, dont il devient le PDG en 1981 (jusqu’à 1989.)

Selon L’Express (04/08/2010), la demande initiale de Légion d’Honneur à Patrice de Maistre remonterait « à la présidence de Jacques Chirac » émanant « d’un avocat, Jacques Rossi, ancien collaborateur de Vincent Bolloré. » L’avocat Jacques Rossi, ex-directeur général du groupe Bolloré, a fait une grande partie de sa carrière dans la banque, à la Compagnie financière Edmond de Rothschild, au Crédit Lyonnais et à la banque Rivaud.

Voici le parcours professionnel détaillé de Jacques Rossi : attaché de direction (1972-1973), directeur d’agence (1973-1975) à la Banque de l’Union parisienne (BUP), fondé de pouvoir (1975-1976), sous-directeur (1976-1977), directeur-adjoint (1977-1978), directeur (1978-1981), directeur central (1981-1983) à la Compagnie financière Edmond de Rothschild, directeur des agences de Neuilly (1983-1987), sous-directeur (1987-1989), directeur-adjoint (1989-1992), directeur (1992-1993) du Crédit Lyonnais, associé de Clinvest (1993-1994), directeur-général adjoint (1994-1995), administrateur-directeur général (1995-1999) du groupe Bolloré, président du directoire de la banque Rivaud (1996-1997).

Au côté du financier Bernard Lozé… administrateur de Patrice de Maistre

En plus de ses relations avec Patrice de Maistre, Eric de Sérigny est également « gestionnaire de portefeuilles de clients fortunés » comme le relevait Le Canard enchaîné, dès le 30 juin 2010, dévoilant par la même occasion son statut de conseiller « au service du financier Bernard Lozé ». Dans un portrait de Patrice de Maistre, paru dans Le Point, le 1er juillet 2010, Bernard Lozé était présenté comme l’un des « intimes » de Patrice de Maistre.

Car Eric de Sérigny est un familier du monde bancaire. Après la banque Rothschild, il a été directeur au département gestion du Crédit commercial de France (de 1981 à 1984), vice-président administrateur de la Chase Manhattan Bank, à Paris (de 1984 à 1988), administrateur-directeur général (de 1988 à 1998), puis PDG (de 1998 à 2003) de la Lloyds Bank.

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Photo : Patrice de Maistre. © Benoît Tessier/Reuters

France Inter a enquêté sur ce statut de conseiller financier d’Eric de Sérigny

En résumé, il apparaît que :

- Eric de Sérigny est président du directoire d’une société de gestion de portefeuilles, « Alternative Leaders France » dont le président, Bernard Lozé, est lui-même administrateur d’un fonds d’investissement, « Brinon Investissement » présidé… par Patrice de Maistre.

- Eric de Sérigny est membre du conseil de surveillance d’ « Imérys » (dont le directeur général-adjoint, Jérome Pécresse, est le mari de la ministre de l’Enseignement supérieur, Valérie Pécresse), une filiale d’Albert Frère, où il côtoie notamment Robert Peugeot, soutien financier de l’UMP, décoré de la Légion d’Honneur par Eric Woerth, soupçonné (selon le Journal du Dimanche), d’avoir favorisé fiscalement Robert Peugeot. Ce que nie Eric Woerth.

- Eric de Sérigny est « senior partner » depuis juin 2009 auprès de la société en investissement financier « Athéma », intervenue en septembre 2009, dans le dossier Molex. « Athéma » a travaillé, selon ses propres mots, « en complémentarité » avec le cabinet d’avocats de la direction de l’usine de connectique automobile Molex, à Villemur-sur-Tarn (en Haute-Garonne), alors que les salariés de l’usine s’opposaient à leur licenciement. Or, le 24 mars 2010, soit deux jours après la nomination d’Eric Woerth au ministère du travail, le ministère accepte le licenciement « pour motif économique » des représentants du personnel de l’usine Molex… contre l’avis de l’Inspection du Travail ! L’avocat du comité d’entreprise et des salariés de Molex, Jean-Marc Dejean, se dit aujourd’hui « stupéfait » qu’Eric de Sérigny puisse conseiller « à la fois Molex et le ministre », Eric Woerth, et dénonce « un mélange des genres ».

Tout en étant le conseiller d’Eric Woerth "pour les relations avec le monde économique", Eric de Sérigny travaille donc aux côtés d’un proche associé de Patrice de Maistre, ainsi que de multiples acteurs économiques en lien potentiel avec le ministre du Travail (ex-trésorier de l’UMP), Eric Woerth.

Enquête : Benoît Collombat / Mise en ligne : Valeria Emanuel

Un possible conflit d’intérêt de plus dans l’affaire Woerth/Bettencourt ?

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Alternative Leaders France : pour « investisseurs qualifiés »

C’est en 2004 qu’Eric de Sérigny devient président du directoire d’ « Alternative Leaders France » (ALF) , une société anonyme à directoire et conseil de surveillance, au capital de 700 000 euros, créé par le financier Bernard Lozé, lui-même président du conseil de surveillance d’ALF.

« Alternative leaders France » est une société de gestion de portefeuille agréé par l’Autorité des marchés financiers (AMF) en mars 2004. Son capital est divisé en 14 000 actions de 50 euros chacune.

Son siège social est situé au 43 avenue Marceau, dans le 16ème arrondissement de Paris. Selon le greffe du Tribunal de commerce de Paris, les derniers comptes annuels n’ont pas été déposés.

La société est dirigée par un directoire (Eric de Sérigny) qui exerce ses fonctions sous le contrôle du conseil de surveillance (Bernard Lozé).

>> Voici les administrateurs d’ « Alternative Leaders France », selon le dernier acte déposé au greffe du Tribunal de commerce de Paris, le 5 août 2010 :

Président du directoire : Eric de Sérigny

Président du conseil de surveillance : Bernard Lozé

Directeur général et membre du directoire : Sharon Thompstone, représentante du « groupe Sharon Thompstone », une société civile dont le siège social est à Noisy-le-Roi.

Vice-président et membre du conseil de surveillance : Patrice Pailloux, PDG de la société de gestion de portefeuille « Somangest », ancien fondé de pouvoir et gestionnaire de fortunes à la Banque Vernes.

Membre du conseil de surveillance : Guillaume Dard, PDG de Montpensier finance depuis 2004, exploitant au département des grandes entreprises de la banque Vernes et commerciale de Paris (1982-1985), fondé de pouvoir puis directeur de la direction des marchés de la Banque du financement et de trésorerie (1985-1988), directeur général (1988), PDG (1990-2003) de la Banque du Louvre, président de la société anonyme « LGI », au Luxembourg (1992), président du groupe professionnel « Essec Finance » (depuis 1995), ancien administrateur de l’Association française des banques (AFB), administrateur et vice-président de l’Office de coordination bancaire et financière (OCBF), membre de la commission « dialogue économique » du Medef (depuis 2007).

Membre du conseil de surveillance : Frédéric Maître, directeur général de la société de gestion de portefeuille « Somangest » depuis 2000, ancien responsable de clientèle privée à la banque NSM (Neuflize, Schlumberger, Mallet) (1979-1984), directeur-général adjoint de la banque Hottinguer (1984-1997), membre du directoire de Crédit Suisse Hottinguer en charge de la clientèle privée (1997-2000).

Membre du conseil de surveillance : Christian Langlois-Meurinne, dirigeant-actionnaire du fonds d’investissement « IDI », président d’ « Ancelle et associés » (depuis 1987), PDG de « Mizeret Rinqueberck et Rouvière SA » (de 1979 à 1980), directeur des industries chimiques et textiles et diverses (DICTD) au Ministère de l’Industrie (de 1980 à 1982), directeur général de la « Compagnie d’investissements Astorg » (de 1983 à 1990).

Patrice de Maistre est, lui aussi, administrateur du fonds d’investissement « IDI », présidé par Christian Langlois-Meurinne, lui-même administrateur d’ « Alternative Leaders France. »

Sur son site internet, réservés aux « investisseurs qualifiés » et « avertis », « Alternative Leader France » présente sa « philosophie » en matière de gestion de portefeuilles comme « une gestion alternative innovante et rigoureuse respectueuse de la maîtrise des risques et des intérêts des investisseurs ».

Interrogé sur cette « double casquette » de conseiller du ministre Eric Woerth « pour les relations avec le monde économique », en même temps présent au conseil d’administration de sociétés financières, qui plus est au côté d’un proche de Patrice de Maistre cité dans l’affaire Bettencourt, Eric de Sérigny estime qu’ « il n’y a aucun problème de déontologie, bien sûr, avec [ses] activités professionnelles (…) ayant travaillé 40 ans dans le secteur bancaire, je connais pas mal de chefs d’entreprises, dont la plupart sont des amis depuis 20 ou 30 ans. »

Des « VIP de la finance » au conseil de surveillance

Voici les personnes signataires des derniers statuts mis à jour d’ « Alternative Leader France » le 20 décembre 2005 (document versé au greffe du Tribunal de commerce de Paris, le 13 janvier 2006) :

Il s’agit d’Eric Le Moyne de Sérigny, de Bernard Lozé, de la Société civile Bernard Lozé (représentée par Bernard Lozé), de Sharon Thompstone (Groupe Sharon Thompstone) , de Patrice Pailloux (Somangest-Vesigest SA) , de Guillaume Dard (Montpensier finance) , de Christian Langlois Meurinne (EURIDI, filiale d’IDI).

Dans ces statuts de 2005, on trouve également le nom d’Olivier Roussel, présent au conseil d’administration de sociétés liées à l’homme d’affaires Vincent Bolloré.

Sa biographie du Who’s Who présente Olivier Roussel comme administrateur de Bolloré (depuis 1982) , administrateur d’ « Arc Union » (de 1982 à 1994), membre du conseil de surveillance de « Roussel Uclaf » (de 1975 à 1982), vice-président (de 1987 à 1989), président (de 1989 à 1990) du conseil de surveillance d’ »Eminence SA », administrateur (depuis 1991), membre du comité de direction (1993), directeur général (de 1994 à 2005) puis président d’ « Istac SA » –dont Eric de Sérigny a été l’administrateur, au moins entre 2003 et 2006–, administrateur de « Financière Moncey » (depuis 1996), de « Saga » (depuis 1997), de la « Société industrielle et financière de l’Artois » (depuis 1997) et de « Bolloré investissement » (depuis 1998) , membre du conseil de surveillance de « Carrère Group » (de 2000 à 2006) et d’ « Alternative Leaders France » (de 2003 à 2006).

Dernier nom figurant sur ces statuts de 2005 : Pierre Rochon, président d’Alternative Leaders SA Luxembourg, depuis 2004 (selon sa propre notice biographique du Who’s Who)

Gendre de Gérard Longuet, Pierre Rochon est l’ancien président de la banque Drexel Burnham Lambert : PDG de « Drexel Burnham Lambert Services SA » (depuis 1975), senior vice-président de « Drexel Burnham Lambert Inc », président (1989) de « Drexel Burnham Lambert SA », administrateur délégué de la société « Voolback » (1992), président de « Starline communications SA » (de 1999 à 2000), directeur de « Richelieu finance » (2001) –dont Eric de Sérigny a été l’administrateur–, membre du directoire de « Technium SA » (de 2000 à 2002), administrateur de « Nouvelle Primateria SA » (depuis 1976) et de « Technium SA » (de 2000 à 2002).

Son nom avait été cité par la presse, en 1994-1995, en marge de l’enquête du juge Renaud Van Ruymbeke sur le financement du Parti républicain. Pierre Rochon était, à l’époque, soupçonné d’avoir acheté un appartement à Boulogne-Billancourt, grâce à 3 millions de francs du banquier Alain Cellier, proche du PR et de Gérard Longuet (ce dernier a été relaxé dans les différents dossiers judiciaires le concernant, le non-lieu le plus récent a été rendu en février 2010).

Pierre Rochon a fait partie des premiers membres du conseil de surveillance d’ « Alternative Leaders France » , avec Bernard Lozé, Christian Langlois-Meurinne, Guillaume Dard, Olivier Roussel et Patrice Pailloux.

Réagissant en juillet dernier à l’affaire Woerth/Bettencourt, Gérard Longuet, président du groupe UMP au Sénat, estimait avoir « été victime de la République de la délation », tandis qu’Eric Woerth était, à ses yeux, « victime de la République des rumeurs. »

>> Voir les signataires des statuts de la société « Alternative leaders-France »

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« Brinon Investissement » : un exercice financier 2009 en déficit

Proche de Patrice de Maistre, Bernard Lozé est donc également administrateur du fonds spécialisé dans le private equity (investissements dans des sociétés non cotées), dirigé par le gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt : « Brinon investissement ». Il s’agit d’une société anonyme au capital de 13 millions 400 mille euros, dont le siège social est situé 40 avenue Hoche, dans le huitième arrondissement de Paris.

Selon le dernier extrait du registre du commerce et des sociétés déposé, le 2 août 2010, au greffe du Tribunal de commerce de Paris, le conseil d’administration de « Brinon Investissement » est actuellement composé de :

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- Patrice de Maistre, Président directeur général

- Bernard Lozé

- Philippe Desaulles : administrateur de la SA « Antea », jusqu’en octobre 2009 –dont Patrice de Maistre a été le président du conseil d’administration–, administrateur de la SAS « la Financière Antea » –dont Patrice de Maistre est le président du conseil d’administration–, gérant de la SARL « PX Partner » , administrateur de la SA « Vectra » , une société d’ingénierie du BTP opérant en Afrique –dont Patrice de Maistre est le président du conseil d’administration– et de la SAS « Vectra developpement », –dont Patrice de Maistre est président du conseil d’administration–, membre du conseil stratégique de la banque d’affaires Arjil.

- Robert Boutonnet, « un nom bien connu de la Françafrique », comme le détaillait l’hebdomadaire Le Point, le 1er juillet 2010

« Représentant permanent » de « Valorem Investissement SA » –dont Patrice de Maistre est l’administrateur–, Robert Boutonnet est administrateur de « la Société financière des Ternes », « BTA-Service », « la Compagnie du Komo » –présente notamment au Gabon–, de « Sogaric holding » , de « Valorem investissement SA » –dont Patrice de Maistre est le président du conseil d’administration–, de la SA « Vectra » –dont Patrice de Maistre est le président du conseil d’administration–, de la SAS « Vectra développement » -dont Patrice de Maistre est le président du conseil d’administration–, de la SA « Antea » –dont Patrice de Maistre a été le président du conseil d’administration–, jusqu’en octobre 2009, et de la SAS « La Financière Antea » –dont Patrice de Maistre est le président du conseil d’administration–

Pour l’année 2009, les comptes de la société (certifiés, le 7 mai 2010, par les cabinets de commissaires aux comptes Patrice Vizzavona/Alain Lainé) affichait un résultat net en déficit de 897 645 euros, « après la prise en compte d’une perte exceptionnelle de 163 000 euros ».

En examinant les résultats de la société, on constate également entre 2005 et 2009 un doublement du montant de la masse salariale (de 352 434 euros à 681 535 euros), avec un effectif moyen des salariés employés qui baisse pourtant d’une unité (de 4 à 3 personnes).

>> Consulter le tableau des résultats de « Brinon investissement » de 2005 à 2009.

 

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Conflits d’intérêts chez « Imérys » ?

Outre sa présence comme président du directoire d’ « Alternative Leaders France », Eric de Sérigny est également membre du conseil d’administration de la société «

Imérys», le « leader mondial des minéraux industriels », une filiale du baron belge Albert Frère, au capital de plus de 150 millions d’euros, dont le siège social est 154 rue de l’Université, dans le septième arrondissement de Paris.

Selon Le Canard enchaîné du 30 juin 2010, Eric de Sérigny est l’ancien beau-fils de l’homme d’affaire canadien (ami de Nicolas Sarkozy), Paul Desmarais (décoré de la Grand-Croix de la Légion d’Honneur par Nicolas Sarkozy, en février 2008 ), associé notamment à Albert Frère (lui aussi très proche du président de la République, décoré de la Légion d’Honneur en même temps que Paul Desmarais, présent au dîner du Fouquet’s, le 7 mai 2007… tout comme Paul Desmarais), dans la fusion GDF-Suez ou dans la holding suisse « Pargesa », dont l’administrateur-général est Aimery-Langlois Meurinne… également membre du conseil d’administration d’ « Imérys » !

A partir de septembre 2010, c’est l’ancien président du Fonds stratégique d’investissement (FSI), Gilles Michel, qui va prendre la direction générale d’ « Imérys » . Ce qui n’est pas sans poser un problème de conflit d’intérêt, puisque le même Gilles Michel a participé aux négociations pour l’entrée d’Albert Frère au capital de la compagnie marseillaise CMA-CGM, troisième armateur mondial.
Selon le dernier acte versé au greffe du Tribunal de commerce de Paris, le 6 août 2010, Eric de Sérigny côtoie au conseil d’administration d’ « Imérys » :

-Aimery Langlois-Meurinne, ancien « managing director » chez Merrill Lynch Capital Markets à New-York (de 1984 à 1987), directeur général (de 1990 à 1990), puis administrateur et vice-président-directeur général (de 1990 à 1998) de « Parfinance » , administrateur-directeur-général de « Pargesa Holding SA », à Genève, depuis 1990 (fondée par Albert Frère et Paul Desmarais), membre du conseil de surveillance du fonds d’investissement « IDI », où l’on retrouve son frère, Christian Langlois-Meurinne, présent au conseil d’administration d’ « Alternatives Leader France »

- Gérard Buffière, ancien du groupe Schlumberger, entré chez « Imérys » en mars 1998.

- Aldo Cardoso : directeur européen de l’audit et du conseil financier (1996), président d’ « Andersen France » (de 1998 à 2002), président du conseil de surveillance (de 2000 à 2002), puis président du directoire (de 2002 à 2003) d’ « Andersen Worldwide ». C’est à ce titre, précise sa notice biographique du conseil d’administration d’ « Imérys », qu’« Aldo Cardoso a assuré la gestion de l’arrêt des activités d’Andersen dans le monde ».

- Jacques Drijard : Directeur général de « Pargesa Holding SA « (depuis janvier 2010.)

- Jocelyn Lefebvre : directeur de « Power Corporation » (holding financier, au Canada, propriété de Paul Desmarais)

- Maximilien de Limburg Stirum : directeur des participations et membre de la direction de la Compagnie nationale à Portefeuille SA (holding financier, en Belgique), propriété d’Albert Frère.

- Gilbert Milan : président (depuis 2007) de Fnac Eveil et Jeux, il fonde en 2003, « Deventis Conseil » et « Milinvest Ventures » dont il assure des missions de conseil auprès de fonds de « private equity » et co-investissements.

- Jean Monville : président (depuis 1997) du groupe « Spie Batignolles », devenu « AMEC Spie », puis « Spie SA », membre du conseil de surveillance de la « Financière Atalian », il est (en 2009) président du Comité « Déontologie internationale et principes directeurs » du MEDEF.

- Robert Peugeot : président du groupe PSA Peugeot Citroën, membre du conseil de surveillance de Peugeot SA et membre du Comité financier et du Comité stratégique du groupe PSA Peugeot Citroën. Robert Peugeot est également membre du conseil de surveillance d’ « IDI Emerging Markets SA » (Luxembourg)

- Thierry de Rudder : administrateur délégué du Groupe Bruxelles Lambert (holding financier), où l’on retrouve Albert Frère et Paul Desmarais.

- Amaury de Sèze : ancien PDG de « Volvo France » et « Volvo Europe », il rejoint le groupe Paribas en 1993, en charge des participations et des affaires industrielles, président de « PAI Partners » (de 2002 à 2007), il est nommé vice-président de « Power corporation » au Canada, en charge des investissements européens.

- Jacques Veyrat, PDG de Neuf Telecom/Neuf Cegetel, directeur (depuis 2008) du groupe Louis Dreyfus

Eric de Sérigny fait également partie du « Comité stratégique » d’Imérys, composé de huit personnes, chargées d’ « examiner et de fournir au conseil d’administration son avis et ses recommandations » sur la « stratégie industrielle commerciale et financière du Groupe. »

>> Voir les membres du « Comité stratégique » d’Imérys

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Robert Peugeot : Légion d’Honneur et soupçon d’arrangement fiscal

Le 27 juin dernier, le Journal du Dimanche accusait Eric Woerth d’avoir évité une enquête fiscale à Robert Peugeot, après un vol de lingots d’or –dont la valeur a été revue à la baisse– chez l’héritier du constructeur automobile. Quelques jours après le cambriolage, Robert Peugeot aurait dîné avec Eric Woerth, alors ministre du Budget.

« Des amalgames, des insinuations absolument scandaleuses » a répliqué Eric Woerth, au Grand Jury RTL-Le Figaro-LCI. « Je connais M. Peugeot », s’est défendu Eric Woerth, soulignant qu’en tant que ministre, il connaît des chefs d’entreprise. « M. Peugeot a été cambriolé. Je ne suis pas responsable du cambriolage. J’ai dîné [avec Robert Peugeot] dans un restaurant au vu et au su de tout le monde. Il ne m’a pas parlé de cambriolage. » L’existence d’un litige fiscal touchant Robert Peugeot est démenti par le cabinet d’Eric Woerth.

Le JDD précisait également que Robert Peugeot avait reçu la Légion d’Honneur des mains d’Eric Woerth, début juin 2009.

Par ailleurs, dans un autre article, le JDD a fait état d’un dîner « au printemps 2008 » dans un hôtel particulier de Bercy, entre Eric Woerth et « une douzaine de généreux donateurs » de l’UMP, dont Robert Peugeot.

Pas de conflit d’intérêt, selon le « gouvernement d’entreprise » d’Imerys

Visiblement, pour « Imérys », le fait qu’un conseiller chargé des relations économiques auprès du ministre du Budget et/ou du Travail, soit également membre de son conseil d’administration n’est pas considéré comme problématique.

Selon le gouvernement d’entreprise de 2009 d’ « Imérys », « il n’existe, à la connaissance de la Société, aucun conflit d’intérêt potentiel existant entre les devoirs des Administrateurs à l’égard de la Société et leurs intérêts privés et/ou autre devoirs. »

>> Voir l'extrait du "gouvernement d'entreprise" d’Imérys

 

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Licenciements chez Molex : le ministère du Travail a-t-il été impartial ?

Autre sujet d’interrogation concernant Eric de Sérigny : sa participation comme « senior advisor », depuis juin 2009, auprès de la société en investissement financier «Athéma », une « société par actions simplifiée (SAS) unipersonnelle », au capital de 1 million 500 mille euros, dont le siège se trouve 3 rue Paul Cézanne dans le huitième arrondissement de Paris :

Parmi les dossiers traités par Athéma : une collaboration avec le cabinet d’avocats Mayer-Brown, qui conseille les dirigeants de Molex, dont l’usine de connectique automobile de Villemur-sur-Tarn (Haute-Garonne), qui employait 283 salariés, a fermé fin septembre 2009, après 11 mois de lutte du personnel.

Le 15 septembre 2009, le fonds d’investissement américain HIG a signé une reprise partielle de l’activité de l’usine, s’engageant à réintégrer entre 20 et 60 salariés. Molex a accepté de verser 5,4 millions d’euros pour réindustrialiser le site, tandis que l’Etat français garantissait 6,6 millions d’euros de prêts destinés au financement d’investissements et à la poursuite de l’activité. « Cette issue favorable a été rendue possible par l’effort de chacun et la grande complémentarité entre Athéma et le cabinet d’avocats Mayer Brown, conseil juridique de Molex » , explique le site internet d’Athéma

Mais pour les salariés de Molex, ces licenciements ne sont pas justifiés économiquement. Selon eux, la direction n’a pas agi en toute transparence vis-à-vis du comité d’entreprise.

C’est ce que conclut également l’Inspection du Travail, le 18 décembre 2009, annulant le licenciement pour motif économique des 28 salariés dits « protégés » du comité d’entreprise Molex, considérant que « le motif économique invoqué n’est pas démontré », et que la direction de Molex « n’a pas fourni des informations loyales et complètes » , tenant des réunions « dans le courant de l’été 2008 (…) avec les membres de l’encadrement, sauf ceux du comité d’entreprise ».

>> Voir un extrait de la décision de l’inspectrice du Travail qui refuse l’autorisation de licenciement « pour motif économique » des représentants des salariés de Molex, le 18 décembre 2009. Dans le cas présent, il s’agit de Denis Parise, secrétaire (CGT) du Comité d’entreprise de Molex.

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Le ministre désavoue l’Inspection du travail

Suite à cette décision de l’Inspection du travail, la direction de Molex a formé un « recours hiérarchique », le 7 janvier 2010, transmis le lendemain au Ministère du Travail. A l’époque, c’est Xavier Darcos qui est ministre du Travail. Il a jusqu’au 7 mai 2010 pour se prononcer dans ce dossier.

En fait, aucune décision écrite ne sera prise… jusqu’au remaniement ministériel du 22 mars 2010 (au lendemain de la défaite de la majorité aux élections régionales) : Eric Woerth quitte alors le Budget pour le Ministère du Travail.

Deux jours après la nomination d’Eric Woerth au Travail, le ministre accepte le licenciement pour motif économique (contre la décision de l’Inspection du Travail) des 28 représentants du personnel de l’usine Molex.

>> Voir un extrait du courrier daté du 24 mars 2010, signé « pour le ministre » par le directeur général du travail (DGT), Jean-Denis Combrexelle, autorisant le licenciement économique des salariés du comité d’entreprise de Molex.

 

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Les « salariés protégés » de Molex ont fait appel de cette décision devant le Tribunal administratif.

A l’époque, plusieurs élus de l’opposition s’était offusqué de cette décision. Les élus socialistes de la région Midi-Pyrénées avaient écrit au Premier ministre, François Fillon, pour se dire « choqués » de l'autorisation donnée par le gouvernement au licenciement « pour motif économique » des représentants du personnel de l'usine Molex. « Le gouvernement, fait rare, désavoue les conclusions de son administration en estimant que le motif économique est avéré et que les salariés protégés peuvent donc en toute simplicité être licenciés », écrivent alors les élus, relevant que le ministre de l'Industrie, Christian Estrosi, avait pourtant qualifié l'équipe dirigeante de Molex de « patrons voyous ». Ils dénoncent « une décision inattendue et précipitée, à 12 jours d’une audience prévue devant le Tribunal correctionnel de Toulouse, alors que le ministère du Travail avait encore un délai d'un mois et demi pour statuer. » ».

Le 6 avril 2010, une audience était effectivement prévue devant le Tribunal correctionnel de Toulouse. Jugement mis en délibéré trois mois plus tard. Le 6 juillet 2010, deux dirigeants de Molex ont finalement été condamnés à 6 mois de prison avec sursis et à 10 0000 euros de dommages et intérêts pour « entrave au fonctionnement régulier du comité d’entreprise. »

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Me Denjean: « conseiller de Molex et du Ministre, les dés sont pipés ! »

L’avocat du comité d’entreprise et des salariés de Molex, Jean-Marc Denjean se dit « choqué » et « stupéfait » d’apprendre que le conseiller d’Eric Woerth travaille également pour la société « Athéma », partie prenante dans le dossier Molex. Pour lui, il s’agit là d’un « mélange de genres qui ne peut que susciter beaucoup de questions sur le bien fondée de la décision qui a été prise » par le Ministère du Travail.

Jean-Marc Denjean, l’avocat du comité d’entreprise et des salariés de Molex (4’52’’)

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Denis Parise : « un deal entre Molex et le gouvernement »

Denis Parise, l’ancien secrétaire (CGT) du comité d’entreprise chez Molex, élu aux dernières élections régionales sur la liste du socialiste Martin Malvy, « comprend mieux aujourd’hui la décision du ministère » du Travail, persuadé, à l’époque, qu’elle était le fruit d’ « un deal entre la direction [de Molex] et le gouvernement »

Denis Parise, l’ancien secrétaire CGT du CE chez Molex (1’46’’)

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Eric de Serigny : «Je connais Patrice de Maistre depuis 40 ans… aucun problème déontologique… »

Après avoir tenté de joindre, vainement, Eric de Sérigny par l’intermédiaire du cabinet d’Eric Woerth, le vendredi 6 août, puis lui avoir laissé un message téléphonique à son domicile, le mercredi 11 août, nous avons envoyé une liste de questions sur son mail personnel, le vendredi 13 août 2010, concernant ses relations avec Eric Woerth, ses liens personnels avec Patrice de Maistre et sa présence au conseil d’administration de plusieurs sociétés. Eric de Sérigny nous a répondu le jour même par le biais de son BlackBerry.

>> Voici sa réponse in extenso (les caractères gras dans le corps du texte ont été ajoutés par nous)

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Le lundi 16 août 2010, nous avons envoyé quatre nouvelles questions par mail à Eric de Sérigny :

« 1- Dans quel cadre avez-vous rencontré Patrice de Maistre, il y a "40 ans" ?

2- A partir de quand avez vous travaillé comme "bénévole" au cabinet d'Eric Woerth ? Si vous n'êtes pas "fondateur" du Premier cercle, avez-vous des contacts avec lui, eu égard à votre fonction ?

3- Est-ce que vous confirmez les propos attribués à Patrice de Maistre dans le Canard enchaîné du 4 août 2010 selon lesquels vous seriez intervenu en faveur de la Légion d'Honneur de Patrice de Maistre ?

4- Vous considérez qu'il n'y a "aucun problème de déontologie", malgré votre présence au conseil d'administration de plusieurs sociétés. Si l'on prend, par exemple, le cas du dossier Molex, en Haute-Garonne, sur lequel est intervenu la société de conseil en financement d'entreprise, Athéma, dont vous êtes "senior partner" depuis juin 2009, le fait que le Ministre du Travail Eric Woerth se soit prononcé publiquement sur ce dossier acceptant le licenciement pour raison économique des représentants du personnel, contre l'avis de l'Inspection du Travail, ne vous met-il pas, de facto, dans une position de conflit d'intérêt ? Qu'en pensez-vous ? »


>> Voici la deuxième réponse par mail d’Eric de Sérigny, envoyée le même jour (16 août 2010) :

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bandeau : Benoît Tessier/Reuters


Source :
France Inter

Informations complémentaires : 

Le Nouvel Obs : Un conseiller d'Eric Woerth touché par un conflit d'intérêt ?
Liberation :
Un conseiller de Woerth touché par un conflit d'intérêt ?
Le Post :
"Woerthgate": encore un conflit d'intérêt... pour son conseiller




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