Justement, c'est le dilemme de ma vie. Personnellement, j'habite en location depuis toujours, et notamment au même endroit depuis 10 ans. Et il se trouve que, récemment, ils nous ont proposé d'accéder à la propriété, mais ... sans prendre en compte les loyers versés depuis que nous louons ... prétextant une baisse de 20 % déjà décomptée sur le prix de vente.
Eh bien, cela ne les a pas gêné pour nous annoncer une moyenne de 220.000 € pour 85 m2...
Qui a 220.000 € de nos jours ? Quelle banque va prendre le risque de vous « créer » le véhicule de prêt idoine sur 25 ans ? Inutile de vous dire le succès qu'ils ont eu auprès des locataires...
Heureusement, apparemment ils ne peuvent pas nous chasser pour l'instant...
Mais moi, je sais maintenant ce qu'ils veulent, et j'ai le sentiment d'avoir une épée de Damoclès au-dessus de la tête...
La France, avec ses 57 % de propriétaires, émarge bien en dessous de la moyenne européenne (65 %) et occupe le 22e rang. « En 1953, un tiers des ménages étaient propriétaires de leur résidence principale » note le rapport 2011 de la Fondation Abbé-Pierre.
Mais depuis la fin des années 80, « la part des ménages modestes » régresse chez les accédants : 37 % de propriétaires parmi les 20 % des familles les plus pauvres, contre 76 % de propriétaires parmi les 20 % des plus riches.
Rembourser moins qu’un loyer HLM
Pour inverser la tendance, des organismes comme la Fondation de France soutiennent financièrement des programmes [PDF] d’accession sociale à la propriété et parient sur l’innovation.
Sur le papier, l’idée est simple : trouver des solutions à long terme, qui proposent un montant de crédit permettant un remboursement mensuel inférieur à un loyer en logement social.
Patrice Cieutat, responsable du programme Habitat à la Fondation de France, estime que pour redonner une stabilité aux foyers, ceux-ci doivent pouvoir constituer leur patrimoine :
« Ce n’est pas normal qu’après avoir payé un loyer pendant vingt ans, le ménage n’ait pas amorti le logement qu’il occupe ou obtenu de contrepartie. Tant qu’à payer, autant avoir un capital ! »
Le concours des associations est primordial, parce qu’elles connaissent les aides, la législation, et peuvent représenter les futurs propriétaires auprès des institutions financières.
Le Village vertical, un logement coopératif
Imaginez : vous habitez un immeuble et vous partagez avec votre voisin plus que votre palier. C’est le principe des logements coopératifs. Des personnes montent un projet immobilier sous forme de société coopérative, avec des parties communes. Jardin, buanderie, chambres d’hôtes… Tout est possible.
L’association Habicoop (pour Habitat coopératif) a lancé son projet pilote, le Village vertical en 2005, à Villeurbanne, en périphérie lyonnaise. L’immeuble, prévu pour 2013, accueillera quatorze ménages. Parmi eux, dix sont sous les plafonds du logement social (PLS) et quatre sont réservés à des jeunes avec de faibles revenus, guidés par l’Association d’aide au logement des jeunes (AILOJ).
Les habitants seront locataires de leur appartement, mais administrateurs de la coopérative et donc collectivement propriétaires de l’ensemble.
Les ménages s’acquitteront d’une redevance mensuelle (environ 11 euros le mètre carré pour les logements sociaux) et rembourseront ainsi l’emprunt de la coopérative et les charges du bâtiment. Parallèlement, 20 % des sommes versées sont récupérées sous forme de rente, quarante ans plus tard.
La spéculation immobilière est exclue. Si le « coopérateur » quitte son logement, il récupère uniquement l’équivalent de ses parts sociales, réévaluées en fonction du coût de la vie.
Et le développement de ce concept est envisageable à grande échelle, selon Sarah Trudelle, membre du conseil d’administration d’Habicoop :
« Ce n’est pas le projet de bobos hippies, qui ont décidé de vivre ensemble. Nous voulons toucher toutes les tranches de la population. Il s’agit d’une solution très intéressante, en particulier en centres urbains et périurbains. »
Des projets d’« auto-écoconstruction »
A Langouët, près de Rennes, l’association des Compagnons bâtisseurs de Bretagne a, elle aussi, accompagné des ménages aux revenus modestes, au cours d’un projet d’« auto-écoconstruction ». En 2010, les douze logements écologiques étaient terminés, pour moins de 1 800 euros le mètre carré.
David Rucay, chef de projet aux Compagnons bâtisseurs, met l’accent sur la sécurisation des participants :
« On réunit le maximum de garanties pour acquérir un produit fini de qualité : l’accès au financement, les assurances décennales travaux ou encore les assurances dommages-ouvrages… »
Depuis 2005, l’association Actions, études et recherches sur l’architecture (AERA) promeut l’accession à la propriété, via la coopérative d’habitation à vocation sociale et participative. Sous le statut d’une société civile immobilière d’accession progressive à la propriété (SCIAPP), un organisme d’hébergement à loyer modéré (HLM) détient l’immeuble.
Les ménages sont les associés minoritaires. Au fur et à mesure qu’ils paient leur loyer, ils acquièrent des parts sociales et deviennent propriétaires de la SCI. Ce qui leur permet de se procurer un logement à un prix légèrement supérieur à l’équivalent d’un loyer en HLM.
Les SCIAPP sont l’un des rares moyens de faire évoluer les villes et Stéphane Gruet, architecte engagé et directeur d’AERA, y croit :
« Il faut miser sur les populations. Si les personnes sont coresponsables, elles ont intérêt à ce que ça se passe bien, à valoriser et à parier sur leur quartier, pour améliorer leur cadre de vie. »
Aujourd’hui, AERA travaille sur cinq autres projets de SCIAPP.
Un statut entre « propriétaire » et « locataire »
Les solutions sont prometteuses, mais encore marginales. Comme dans tout projet innovant, les montages juridiques restent compliqués et difficiles à adapter. Les législations manquent de souplesse et les politiques, d’idées fraîches. Ce qui freine les opérations, souligne Patrice Cieutat, de la Fondation de France :
« Nous ne connaissons que deux modèles : propriétaire de tout ou propriétaire de rien. A l’étranger, il existe des statuts intermédiaires, entre le locatif et le privatif. Ici, les personnalités politiques n’imaginent encore rien d’autre. »
Les associations en sont donc venues au lobbying. Habicoop souhaite que la loi reconnaisse le statut de coopérative de logement, pour faciliter le montage de structures type Village vertical, « parce que là, c’était presque une usine à gaz », confesse Sarah Trudelle, d’Habicoop.
La Fondation de France, les Compagnons bâtisseurs et d’autres réseaux associatifs élaborent actuellement un texte sur l’auto-construction.
Quant à Stéphane Gruet d’AERA, rendez-vous est pris, le 29 juillet, avec le cabinet de Cécile Duflot, ministre du Logement. Il souhaite que la loi de 2006 sur les SCIAPP bénéficie « de petits amendements », qui libéreraient ce marché de ses blocages actuels.
D’ores et déjà, le 8 juin, la ministre, interrogée sur France Inter, ne cachait pas son intérêt pour « l’habitat coopératif », ainsi que pour « la diversité de tous les modes d’habitats et d’opérateurs ».
Magali Sennane
Source : Rue89.com