Fausses informations : Bruxelles touche aux limites de la méthode douce

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ANALYSE. A l'approche d'élections européennes où une poussée des populistes et des nationalistes est redoutée, la Commission s'efforce de juguler l'afflux prévisible de fausses informations qui risquent de peser sur les résultats. Mais la concertation avec les Gafa tourne court.

La France n'est pas la seule à se heurter au casse-tête de la lutte contre les fake news. Le sujet anime aussi Bruxelles, où après le premier avertissement qu'aura constitué le poids de la désinformation dans la campagne des Brexiters, son rôle lors de l'élection de Donald Trump et le scandale Facebook-Cambridge Analytica ont fini de sonner le réveil.

A l'approche d'élections européennes où une poussée des populistes et des nationalistes est redoutée, impossible pour la Commission européenne de rester passive face à une arme si redoutable et à laquelle ils n'hésitent pas à recourir.

Spectre de la censure

Mais si le diagnostic converge à Paris et à Bruxelles, le remède diverge. Pendant que la France s'aventure sur le terrain glissant d'une loi, avec le spectre de la censure et d'un « ministère de la Vérité », la Commission a préféré opter pour le « soft power » et l'autorégulation, avec un appel aux grands réseaux sociaux à bâtir un code de bonnes pratiques. Ils viennent de lui remettre celui-ci, épilogue d'une séquence de six mois riche en enseignements sur les vertus comme sur les limites d'une telle approche.

Bien définir l'ennemi

Premier constat : elle a d'abord permis un travail salutaire. Pour la première fois à l'échelle européenne, la commissaire au Numérique, Mariya Gabriel, a fait s'asseoir ce printemps à la même table les plates-formes en ligne, les annonceurs et des experts indépendants (journalistes, chercheurs, sociologues, etc.), pour des échanges unanimement jugés fructueux. Ils ont débouché sur un rapport conjoint qui pose bien les bases du débat. En définissant d'abord l'ennemi, comme « des informations dont on peut vérifier qu'elles sont fausses ou trompeuses, [...] créées, présentées et diffusées dans un but lucratif ou dans l'intention délibérée de tromper [...] et susceptibles de causer un préjudice public ». Un tel cadrage est indispensable tant l'usage désormais dévoyé du terme « fake news » risque de détourner de l'objectif réel et de biaiser le nécessaire débat public. Il n'est pas question d'affaiblir le journalisme, la liberté de parole, la liberté d'opinion et par extension la démocratie, mais de protéger cette dernière contre ce qui constitue des attaques à son encontre.

La transparence contre la prolifération

Mais comment ? L'autre vertu du rapport est de rappeler que les ripostes doivent être protéiformes. Réduire le débat à la pertinence ou non de faire retirer par la loi les fake news les plus grossières serait une grave erreur. La lutte contre leur prolifération et leurs effets passe avant tout par la transparence, avec une claire identification des contenus sponsorisés, à visées politiques, envoyés par un robot et/ou signalés douteux par des fact-checkers.

Education aux médias

Vient ensuite son corollaire, l'éducation aux médias du grand public, les jeunes en particulier. Il faut aussi « diluer » la désinformation, insiste le rapport, en assurant l'accès à une information diversifiée. Il ne s'agit ainsi pas tant de trier le vrai du faux pour un internaute infantilisé que de lui donner les moyens de le faire lui-même. « Last but not least », le rapport recommande de viser au portefeuille en détournant les revenus publicitaires des sites et des comptes faisant leur beurre sur les fake news.

Diagnostic partagé

Une prise de conscience généralisée, un diagnostic fouillé et partagé, des parades diversifiées et coordonnées : avec ce terrain bien préparé, l'optimisme était de rigueur à Bruxelles au début de l'été. Il est désormais douché tant, second constat, le code remis par YouTube, Facebook et Twitter témoigne des limites d'un tel « gentleman's agreement ». Certes, il reprend bien les pistes d'actions élaborées avec les autres membres du groupe de travail. Mais la virulence avec laquelle ces derniers ont tout de suite et unanimement dénoncé une « coquille vide » ne trompe pas : faute de hausser vraiment le ton, Bruxelles se fait gentiment balader par les Gafa.

Pas d'engagements réels des Gafa

Comme le rappelle les experts du groupe de travail, « le code ne contient aucune approche commune, ni engagements significatifs, ni indicateurs clairs de performance, ni outils de conformité, et par conséquent aucune possibilité de surveiller le processus ». La commissaire Mariya Gabriel a beau se féliciter que « c'est la première fois que l'industrie s'accorde sur un ensemble de normes d'autorégulation pour lutter contre la désinformation », elle ne tient que des promesses de Gascon.

Limites de l'autorégulation

C'est regrettable mais pas surprenant, tant la carte de l'autorégulation a déjà montré ses limites dans un dossier cousin, la lutte contre les propos haineux en ligne. En 2016, la Commission, jugeant la démarche plus rapide et plus constructive qu'une législation, a négocié avec les géants du Net un code de bonne conduite. Deux ans après, le bilan est très mitigé : des progrès ont été faits, mais trop peu et trop lentement face aux flots croissants qui inondent les réseaux. Au point que Bruxelles a fini par perdre patience et a finalement dégainé en septembre une directive visant à imposer un retrait dans l'heure des contenus à caractère terroriste. Même constat pour les contenus protégés par droit d'auteur. Longtemps, Bruxelles a espéré que les questions posées par leur circulation en ligne se régleraient d'elles-mêmes par des accords entre les Gafa et les titulaires des droits, avant que l'actuelle Commission ne se résolve à les pousser par directive à un meilleur partage de la valeur créée.

 

Source : Lesechos.fr via Contributeur anonyme

 

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