Harcèlement chez France Télécom : l'affaire qui fait peur

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Assassins, et tout ça pour engraisser des actionnaires, et d’après ce que je sais les choses ont gravement empirées dans les entreprises, et même les petites sont touchées par cette politique illogique, de l’argent à tout prix… Qui vas toutes et tous nous coûter la vie au final… Aussi nous sommes toutes et tous concernés directement et indirectement par ces dérives du capitalisme, dont ont connaissaient depuis des dizaines d'années les dangers les alertes on étés nombreuses ce n'est pas arrivé du jour au lendemeain, mais nos dirigeants corrompus ont tous choisit SCIEMMENT des les ignorer...

Résultat des courses pour France Télécom et le dernier ingénieur de terrain qui est passé chez moi pour l'ADSL, (très pro au demeurant), qui part bientôt à la retraite, les jeunes qui sont derrières lui ne sont pas assez formés (pas le temps) et n'ont ni les compétences ni l'expérience, et ne sont même pas assez nombreux pour couvrir les besoins des clients sur le terrain... (même problème que dans le nucléaire... Quand le virtuel prends le dessus sur le réel généralement au final on à des surprises....)

Et le pire là-dedans même si après des années on commence à en tirer quelques conclusions, c'est que nous n'en sommes qu'au début des réformes voulues par Bruxelles..., « pas de réglementations contraignantes, pas de règles, l'ultralibéralisme pour tous, car les flux de capitaux et les hommes se placent de façon optimale quand ils ne sont pas régulés.... »

On voit bien le résultat là tout de suite.... Alors j'ai envie de rajouter : de façon optimale pour les actionnaires et les évadés fiscaux, ça oui.. Aucun doute.... Mais pour nous qui vivons dans la vie réelle et ne sommes pas nés avec une cuillère en argent dans la bouche... C'est une autre histoire ...

De toute manière maintenant pour le privé avec les lois Macron plus de problématiques, si votre employeur veut vous virer il a juste à vous envoyer un mail/SMS et provisionner un chèque....

f.

De 2006 à 2009, l'opérateur historique a été confronté à une vague de suicides, tentatives de suicide et dépressions
de ses employés. Entre 2008 et 2009, 35 personnes ont mis fin à leurs jours - Denis Allard/REA

ENQUÊTE La société France Télécom, son ex-PDG, son numéro deux et le DRH de l'époque devront s'expliquer devant le tribunal correctionnel sur la vague de suicides entre 2006 et 2009. Retour sur une affaire qui pourrait avoir des répercussions sur les entreprises.

C'est un cas d'école. Par le nombre de victimes d'abord, mais aussi par ses répercussions au sein du haut management français, si les juges d'instruction étaient suivis dans leur raisonnement. Le 12 juin, Brigitte Jolivet et Emmanuelle Robin, les deux juges d'instruction du pôle santé publique de Paris, ont signé la volumineuse ordonnance de 667 pages  qui renvoie pour « harcèlement moral » France Télécom en tant que personne morale, son ex-PDG, Didier Lombard , son numéro deux, Louis-Pierre Wenès, et le DRH de l'époque, Olivier Barberot. Quatre autres cadres sont renvoyés pour complicité de ce délit.

Au total, sept personnes physiques et une personne morale devront s'expliquer devant le tribunal correctionnel et revenir sur cette période tragique de 2006 à 2009 où l'opérateur historique a été confronté à une vague de suicides, tentatives de suicide et dépressions de ses employés. Entre 2008 et 2009, 35 personnes avaient mis fin à leurs jours.

Pour les juges qui ont instruit le dossier à la suite de la première plainte en septembre 2009, il n'y a pas de doute : l'origine de cette souffrance extrême au travail est à rechercher dans le  plan de restructuration draconien engagé par Didier Lombard en 2005 . Pour la première fois, une société du CAC 40 et son haut management sont présumés responsables de harcèlement moral sur l'ensemble du personnel de l'entreprise du fait d'une politique managériale. Les mis en examen risquent un an d'emprisonnement et 15.000 euros d'amende.

Dégrader les conditions de travail

Le renvoi devant le tribunal correctionnel repose sur la politique d'entreprise mise en oeuvre en 2005 par la direction de France Télécom qui n'aurait eu, selon les juges d'instruction, qu'un seul but : la réduction massive des effectifs de 22.000 salariés en trois ans. Ce plan aurait alors eu pour effet de dégrader dangereusement les conditions de travail des salariés de la société, créant un climat anxiogène que la direction refusera de voir en face malgré les multiples alertes.

Pour construire leur démonstration, Brigitte Jolivet et Emmanuelle Robin avaient besoin de lever plusieurs obstacles : comment un plan de réorganisation d'une entreprise qui a besoin de se moderniser et de se diversifier peut conduire à une « politique » de harcèlement ? En clair, chercher et prouver le but véritable du plan. Comment déduire la faute pénale à l'échelle de l'entreprise alors que les auteurs présumés n'ont aucun lien direct avec les victimes et que celles-ci (à part la trentaine d'entre elles qui se sont portées partie civile) ne sont pas clairement identifiées puisque c'est l'ensemble des personnels qui est censé avoir souffert de la politique managériale menée ?

Le paradoxe France Télécom

Les juges d'instruction savent qu'en 2005, France Télécom, privatisée un an plus tôt, est confronté à un « paradoxe » : le nombre de fonctionnaires est encore important alors que l'entreprise a besoin de recruter pour s'adapter aux nouvelles technologies et répondre aux besoins des clients. « Il était impossible de procéder à des licenciements pour motif économique des fonctionnaires. C'est là l'une des clefs de compréhension des méthodes de management déclinées au sein de l'entreprise », écrivent-elles.

Brigitte Jolivet et Emmanuelle Robin vont donc supposer que la réorganisation voulue par Didier Lombard à son arrivée à la tête de France Télécom ne visait qu'à « détourner » l'impossibilité de plan social massif. Lorsqu'il prend les commandes en 2005, Didier Lombard lance le plan NExT (Nouvelle Expérience des télécommunications), suivi en 2006 de son volet ressources humaines, le plan Act (Anticipation et Compétences pour la transformation).

NExT et ACT en accusation

Ces plans sont au coeur de l'instruction. Pour la direction, ceux-ci étaient vitaux compte tenu du « contexte économique et [des] évolutions technologiques majeures auxquels le groupe France Télécom était confronté en 2005 ». Mais pour les juges, ils n'avaient qu'un objectif : « la suppression des emplois ».

Brigitte Jolivet et Emmanuelle Robin sont convaincues que « si le plan NExT visait à adapter l'entreprise aux réalités économiques et financières, les restructurations qui l'ont accompagné intégraient une programmation précise de déflation des effectifs mise en oeuvre au moyen du plan Act ». D'autant plus que, selon elles, ce plan « conçu sous les auspices des marchés financiers inquiets de la détérioration des résultats » s'est effectué « en s'affranchissant pour partie des obligations légales qui incombent à l'employeur [plan de sauvegarde de l'emploi - PSE - et gestion prévisionnelle des emplois et des compétences - GPEC -, NDLR] ».

« Par la fenêtre ou par la porte »

Les dirigeants mis en examen ont fermement contesté cette vision du dossier alléguant que les références aux départs programmés « renvoyaient à de simples prévisions budgétaires établies sur la base d'une observation objective de l'évolution des effectifs ». Bref, le plan n'était pas destiné à provoquer des départs car la courbe des âges et les mobilités devaient conduire « naturellement » à la diminution des personnels.

Mais, pour les juges, cette « posture » est contredite par les propos des dirigeants, ce que Brigitte Jolivet et Emmanuelle Robin appellent « l'évolution sémantique » du management. Les juges d'instruction relèvent qu'au cours de la conférence de presse que Didier Lombard tient en février 2006, sept mois après le lancement du plan, le PDG annonce simultanément 22.000 départs « naturels », 10.000 personnes en mobilité et le recrutement de 6.000 salariés, d'une part ; et une augmentation des dividendes accordés aux actionnaires, d'autre part.

Mais elles vont surtout s'attarder sur cette réunion à la maison de la Chimie à Paris, en octobre 2006, au cours de laquelle « le président du groupe martèle l'idée que les personnels ne doivent plus être protégés et invite les managers à ne pas les ménager »« Il faut qu'on sorte de la position de mère poule », aurait notamment affirmé Didier Lombard.

L'ex-PDG aurait encore eu cette phrase que les juges qualifient de « funeste » : « Il faut bien se dire qu'on ne peut plus protéger tout le monde. En 2007, je ferai les départs d'une façon ou d'une autre, par la fenêtre ou par la porte. » Une expression que l'ex-PDG contestera avoir tenue. « Manifestement, les personnes mises en examen ont regretté a posteriori cette liberté de ton qui révèle crûment leurs intentions », ironisent Brigitte Jolivet et Emmanuelle Robin.

La question des objectifs

« A l'occasion de la présentation des plans NExT et Act, les cadres sont fermement invités à changer de culture managériale, à adhérer à des méthodes de management musclées et à mobiliser leurs équipes sans état d'âme pour mettre en oeuvre les plans de transformation », écrivent encore les juges sur la foi des témoignages recueillis. Ce que nieront aussi les dirigeants. Le plan Act ne contenait « aucun objectif concernant les effectifs. Il posait un cadre pour accompagner les salariés en matière de formation, en matière d'évolution professionnelle dans les transformations qui allaient être rendues nécessaires dans le déroulement du plan stratégique NExT », martèle Olivier Barberot au cours de l'instruction.

Sans vraiment convaincre les juges qui relèvent que « ces nuances sémantiques n'ont pas été toujours perçues » par la chaîne de management et que « le chiffre de 22.000 départs s'est imposé sur le terrain comme un objectif à atteindre et dont chaque manager était comptable ». A l'appui de leur thèse, elles indiquent que « le nombre de départs est un objectif personnel » assigné aux directions locales.

« Crash program »

L'ordonnance détaille le « crash program », mis en place par le directeur des ressources humaines et présenté au comité de direction le 3 octobre 2006, qui marque « une césure avec les méthodes basées sur la concertation, 'le volontariat un peu mou' [déclaration du DRH, NDLR] qui n'apporte pas les résultats escomptés », écrivent-elles.

Une « communication malheureuse » pour Louis-Pierre Wenès, qui dira aux juges que « la doctrine était d'emmener tout le monde vers la transformation ». Mais les juges notent que, dans le même temps, le réseau RH de proximité est réduit à sa portion congrue : « Alors que le plan Act s'affichait comme un programme d'accompagnement des salariés dans les transformations, les témoins évoquent la régression tant sur le plan qualitatif que sur le plan quantitatif de la fonction RH. »

« Fonction sociale du travail »

Une responsable d'équipe régionale déclarera au cours de l'enquête avoir « vécu une période difficile parce que les plans prévoyaient d'importantes réductions d'effectif et [que] la pression était mise sur tout le monde. On demandait aux gens d'avoir certains chiffres et, si cela ne se faisait pas, on leur demandait ce qu'ils voulaient faire d'autre, en leur suggérant d'aller voir ailleurs ».

Pour les juges, « les effets de cette politique, qui faisait de la déstabilisation des agents 'un levier' pour parvenir aux objectifs de transformation de l'entreprise, ont entraîné ou accentué chez nombre de salariés une souffrance dont les manifestations ont pris des formes diverses, la plus dramatique étant le passage à l'acte suicidaire ». 

Et si les ex-dirigeants soutiennent le « caractère multifactoriel » de ces drames, les magistrates rétorquent que « l'argument de la vie privée insatisfaisante, pour se dédouaner de toute responsabilité dans les manifestations de souffrance des personnes dont la situation a été examinée, témoigne d'une approche réductrice de la fonction sociale du travail ».

Délit de harcèlement moral

Il restait pour les juges à relier ces faits au délit de harcèlement moral.  L'article 222-33-2 du Code pénal qui réprime ce délit est particulièrement flou et permet les interprétations les plus larges. Les juges tiennent donc pour acquis que « les agissements répétés peuvent résulter de méthodes de gestion ou de management, voire d'une véritable organisation managériale, lesquels n'avaient pas nécessairement pour objet initial de dégrader les conditions de travail, mais qui ont eu pour objet ou pour effet, dans leurs mises en oeuvre, de dégrader les conditions de travail individuelles et collectives des salariés »

Elles précisent enfin que « ni la lettre du texte, ni la logique de la matérialité des faits n'impose que les auteurs connaissent les victimes des faits dès lors que le lien entre leurs agissements et la dégradation des conditions de travail est établi ».

Le procès ne devrait pas avoir lieu avant 2019. Ce que décidera le tribunal dans cette affaire risque d'avoir de sérieuses conséquences pour les entreprises. Cette phrase, notamment, de l'ordonnance pourrait résonner comme un avertissement à l'heure où Air France et la SNCF engagent de lourdes réorganisations : « Les dirigeants [de France Télécom, NDLR] ont fait le choix de transformer vite, vite, une entreprise de 108.000 salariés dans le déni de son histoire et de sa culture de service public au détriment des conditions de travail des salariés et de leurs droits sociaux ».

 

Valérie de Senneville

 

Source(s) : Les Echos.fr via Contributeur anonyme

Informations complémentaires :

 


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