Il a bon dos le virus : ces patrons qui profitent de la crise pour licencier et réduire les coûts (Marianne.net)

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À tout cynique malheur est bon. Des patrons sans scrupule éclairés par des économistes et quelques think tanks libéraux n’hésitent pas à invoquer la crise sanitaire pour licencier ou baisser leurs coûts.

Rappel : Les multinationales envisagent de poursuivre les États pour leurs pertes liées au Covid-19 (Marianne.net)

PSE Covid

Pour licencier en masse

Le 12 juin, le gouvernement annonçait un plan de soutien au secteur aéronautique de 15 milliards d’euros d’aides, d’investissements, de prêts. Las, ce soutien de la nation n’empêche pas des licenciements de pleuvoir sur la sous-traitance ! Les dirigeants d’Assistance aéronautique et aérospatiale (AAA) ont ainsi assommé leurs salariés des Hauts-de-France et de Toulouse, en leur annonçant 719 suppressions d’emplois sur 1587. « Ce plan de licenciements au rabais va frapper à 85% des ouvriers, des techniciens de qualité », s’indigne Julien Da’Rolt, ajusteur sur le site de Méaulte (Somme) et délégué CFDT.

Ses collègues sont d’autant plus en colère qu’AAA refuse de sauver leurs emplois en organisant leur activité partielle de longue durée (APLD). Or ce partage du travail, auquel appelle la ministre du Travail, Élisabeth Borne, leur permettrait de diversifier leurs compétences en se formant sur leurs heures chômées. Puis de contribuer au rebond d’AAA, qui veut conquérir des clients en dehors de l’aéronautique. « La crise du Covid-19 a bon dos, accuse Julien Da’Rolt, AAA licencie en vue de réduire sa masse salariale par poste, de façon à tirer les salaires de nos professions vers le bas. »

Pour baisser les impôts des plus riches

Un beau cadeau par quinquennat. Aux (grands) patrons, Hollande consentit le fameux crédit d’impôt (le CICE). Voilà Macron sur le point de leur attribuer une généreuse réduction de fiscalité dans le cadre du plan de relance : les impôts dits « de production » baisseront de 20 milliards sur les deux prochaines années. Mais cette fois, dixit le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, à la différence du CICE des sociaux-libéraux, les entrepreneurs gratifiés d’un tel geste vont vraiment jouer et créer des emplois en France.

Pourquoi  ? Comme ces impôts frappent non les bénéfices mais le chiffre d’affaires des sociétés, ils grignotaient les carnets de commandes et donc décourageaient les patrons. Cette fiscalité « antiproductive » pèse deux fois plus lourd en France (3% de la valeur ajoutée) que dans le reste de l’Union européenne (1,5%). Pas faux sur le papier mais concrètement 26% du cadeau fiscal consenti profitera aux plus grandes sociétés. Les plus petites recevront quelques subsides, toujours bons à prendre mais insuffisants pour donner envie d’embaucher.

Et dans leur lobbying effréné, les grands bénéficiaires de cette mesure oublient souvent de souligner une autre spécificité française symétrique à la pression fiscale : les aides de l’État aux entreprises. Comme le souligne, sur la base des chiffres d’Eurostat, Christian Chavagneux, journaliste à Alternatives économiques, la France subventionne deux fois plus la production des entreprises par rapport à ses voisins européens. Morale de l’histoire : le CAC 40 et ses épigones toucheront autant de subventions et paieront moins d’impôts.

Pour abuser du chômage partiel

En juillet, 2,4 millions de salariés étaient placés en chômage partiel, une semaine et demie par mois en moyenne selon la direction de l’Animation de la recherche, des Études et des Statistiques (Dares) et donc payés à 85% par l’État et l’Unedic. Un dispositif bienvenu et justifié pour des secteurs sans chiffre d’affaires ou presque, comme le commerce ou le tourisme. Mais de nombreux cadres et des techniciens de l’automobile, du conseil, des services financiers et informatiques, se plaignaient de devoir abattre sur des semaines réduites à trois jours travaillés… presque autant de boulot que ce qu’ils assumaient avant l’arrivée du Coronavirus sur cinq jours  ! « Au sein de PSA à Sochaux, des techniciens ont dénoncé l’intensification de leurs missions », témoigne Anthony Rue, 47 ans, délégué CGT.

Comment prouver d’éventuelles dérives  ? Lorsqu’elles émergent dans des sociétés de services en ingénierie informatique (SSII) ou dans des cabinets de consultants, des contrôleurs du travail pourraient par exemple repérer une étrange stabilité des volumes de facturation par consultant, en dépit de la réduction de leur temps de travail. Mais cela nécessiterait des contrôles pointus. Après 45. 000 vérifications, l’État n’a engagé que 400 procédures pénales.

Pour augmenter les cadences

Ils ont osé  ! Alors que les pertes humaines s’accumulaient encore sur le front de la crise sanitaire, think tanks et lobbys économiques libéraux n’ont pas hésité à expliquer aux Français qu’il faudrait travailler davantage. Le 10 avril, le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, indiquait au Figaro qu’« il faudra se poser la question des RTT et des congés payés ». La hausse du temps de travail permettant « de compenser partiellement la perte de productivité liée aux mesures de protection contre le virus », assurait le 6 mai l’Institut Montaigne. Le think tank proposait de supprimer le jeudi de l’Ascension comme jour férié, la première semaine des vacances scolaires de la Toussaint, et de diminuer le nombre de RTT dans la fonction publique, à titre provisoire.

En juin, la Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (Ifrap) s’est montrée encore plus décomplexée : zéro majoration des heures supplémentaires en 35 et 39 heures, et … recul de l’âge de départ à la retraite à 65 ans. Rien de mieux qu’une bonne crise sanitaire pour faire passer ses vieilles revendications  ! Et peu importe si, dans un contexte dépressif, elles dégradent un peu plus la situation économique du pays.

Pour normaliser la précarité

« On est en train de planifier des bidonvilles. » Antoine Grumbach, architecte urbaniste, s’étrangle après avoir lu l’appel à manifestation d’intérêt (AMI) lancé en pleine torpeur estivale par la préfecture d’Île-de-France pour « la réalisation d’opérations de logements sociaux ou d’hébergement en modulaires ». Pour l’heure, la préfecture a identifié trois premiers terrains appartenant à l’État sur lesquels pourraient être installés 100 à 150 de ces habitations préfabriquées et déplaçables, façon camping-car sans roues, vouées à héberger des personnes « majeures isolées », voire quelques familles. Ce vieux rêve de constructeurs, l’urgence sanitaire l’a rendu réel grâce aux « recommandations pour la prise en charge des personnes sans-abri très marginalisées dans le cadre de l’épidémie de Covid-19 », prises par la Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement, ce 20 avril en pleine épidémie. « Nous n’avons jamais été sollicités », s’énerve Thibault Humbert, le maire (LR) d’Éragny (Val-d’Oise).

Même tonalité dans les deux autres mairies concernées, Chennevières-sur-Marne (Val-de-Marne) et Antony (Hauts-de-Seine). « Ce modulaire qui est soi-disant temporaire va durer dans le temps. On refait la zone », assure Thibault Humbert, en référence aux terrains vagues franciliens occupés par des familles très pauvres jusque dans les années 1950. Une crainte qui se double d’une autre, plus taboue : « On parle de majeurs isolés, ce peut tout aussi bien être des migrants qui sont dans les rues de Paris et qu’on installe ici », s’inquiète un des édiles.

Source : Marianne.net

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