Grande-Bretagne : malgré l’austérité, la croissance redémarre. Pourquoi ?

Voilà qui devrait faire enrager quelques Français… Cela fait des années que l’on dénonce Maastricht et la construction européenne, qui nous ont privé de notre indépendance monétaire.

Mais les Anglais, eux, ont tous les avantages, ils ont gardé la livre, et donc peuvent faire marcher la planche à billets, et en plus, ils sont dans l'Union Européenne, ce qui leur permet d’accueillir tous les évadés fiscaux européens dans leur divers paradis fiscaux (vidéo informations complémentaires).

Pourquoi ne pas faire une monnaie commune ? Et non pas une monnaie unique, tout en gardant nos devises nationales, Jacques Sapir et d’autres ont déjà évoqué la chose, et cela ne me paraît pas totalement stupide,

En attendant…

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Des gens font la queue devant le magasin Harrods pour les soldes du Boxing Day, le 26 décembre 2013 
(London News Pictures/RE/REX/SIPA)

Le gouvernement conservateur de David Cameron se félicite : la croissance a redémarré en Grande-Bretagne. Les néolibéraux exultent : enfin la preuve que « les sacrifices paient ». A les écouter, cette reprise serait le fruit d’une politique hardie de réduction des dépenses publiques et des prestations sociales : la voie que devrait choisir la France. Ah bon ? Pas si simple.

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indice_uk.jpg- La croissance a atteint 0,8% au troisième trimestre 2013, après 0,4% au premier et 0,7% au second ;

- La consommation des ménages a connu une hausse de 0,8%, au troisième trimestre 2013 ;

- Depuis le creux de la récession fin 2009, le Royaume-Uni a créé 900 000 emplois (la France 150 000) ;

- Le taux de chômage est descendu à 7,4%, son plus bas niveau en presque cinq ans ;

- Depuis 2007, les exportations ont augmenté de près de 7% (contre moins de 4% en France).

 

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Politique d’austérité budgétaire, avec des coupes dans les dépenses de presque tous les ministères, une réduction drastique des investissements publics, des baisses de prestations sociales ;

politique monétaire accommodante avec des taux d’intérêt directeurs quasi-nuls et des injections importantes de liquidités. La Banque d’Angleterre s’est lancée dans un programme massif de rachats d’actifs. Cette politique de relance monétaire a été accentuée depuis juillet 2013, avec la nomination à sa tête de Mark Carney, ancien gouverneur de la Banque du Canada. Cette politique de relance monétaire se poursuivra tant que le chômage ne passera pas sous les 7% (ce que la Banque d’Angleterre prévoit pour 2016) ;

soutien à l’immobilier : aides aux emprunteurs ;

politique de l’offre : baisse de l’impôt sur les sociétés. Développement de clusters d’entreprises. Baisse des charges pour l’emploi de jeunes. Mise en place d’une banque publique, pour aider les PME à se financer.

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Pour le Nobel keynésien américain Paul Krugman, les commentaires victorieux des Britanniques ne sont pas sans lien avec l’histoire de l’imbécile qui se tapait la tête contre le mur : « Pourquoi fais-tu cela ? » lui demande son ami. « Parce que, quand je m’arrête, ça fait du bien. »

La réalité, c’est que la crise britannique aurait pu être moins profonde, mais qu’elle a été aggravée par l’austérité. La chute du PIB a été plus prononcée encore que sous la grande dépression.

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Le PIB britannique lors des dernières récessions (NIESR)

Ce qui explique la reprise, c’est la politique monétaire très audacieuse et, à partir de 2012, l’arrêt de l’austérité radicale (graphique ci-dessous) : « Le fou a arrêté de se taper la tête contre le mur », ce qui a permis la reprise, commente Krugman.

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Changements du solde budgétaire primaire (qui mesure l’effort d’austérité)
(Paul Krugman)

Au passage, l’austérité n’a pas non plus atteint son but concernant les finances publiques : entre 2007 et 2013, le déficit public est passé de 2,8% à 6,3% (de 2,7% du PIB à 4,8% en France).

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Ce qui explique essentiellement le fait que le chômage soit resté plus bas qu’en France, c’est une chute de la productivité dont les raisons restent encore mystérieuses.

La production horaire britannique en 2012 est de 2% inférieure à celle qu’elle était avant la récession, et de 15% inférieure à celle qu’elle aurait été si sa croissance (2,3% par an entre 1975 et 2007) s’était poursuivie.

La surprise, c’est donc qu’elle a calé pendant cette crise. « Les employeurs n’ont pas licencié énormément lorsque la production a chuté, et ont recruté quand la production stagnait », s’étonne le Financial Times qui, comme beaucoup d’autres, se perd en conjectures sur les raisons de ce phénomène.

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La productivité lors des récessions en Grande-Bretagne (ONS)

Les Anglais sont de moins en moins productifs : l’écart se creuse avec les autres pays industrialisés. En 2012, la production horaire par travailleur britannique était de 16% inférieure à la moyenne des pays du G7.

Cette baisse de la productivité est-elle bonne ou mauvaise pour l’économie britannique ? Elle inquiète les économistes car elle fragilise la reprise. Ainsi, on constate que le redémarrage de la consommation a été tiré par une moindre épargne, et non pas par une augmentation des revenus. Seule une hausse de la productivité permettrait au pouvoir d’achat de repartir durablement. Pour l’instant, le revenu moyen des salariés baisse, le nombre de jobs mal payés augmente, et les travaillistes dénoncent sans relâche le creusement des inégalités.

Conséquence plus souriante : à court terme, cette moindre productivité facilite la décrue du chômage, ce qui est une bonne nouvelle.

Mais il faut rester prudent... Pour résoudre l’énigme de la moindre productivité, un économiste de la société Markit, Chris Williamson, avance en effet une explication refroidissante : selon lui, les statistiques officielles de l’emploi seraient tout simplement faussées (et, du même coup, le nombre d’heures travaillées estimées également). L’Office pour les statistiques nationales aurait surestimé les créations d’emploi de ces trois dernières années. C’est ce qui saute aux yeux quand on compare ses chiffres avec les études d’autres organismes (voir graphique ci-dessous). Il n’y aurait pas eu près d’un million de créations d’emplois, mais, n’en déplaise au gouvernement Cameron, beaucoup moins...

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Source : Rue89.com

N.B. Conclusion, si vous voulez faire baisser le chômage, faites des pauses sur Crashdebug.fr au boulot ! ; )), car je rappelle, pas tout à fait innocemment, que les Français(es) sont parmi les plus productifs au monde, aussi effectivement il y a peut-être corrélation...

Informations complémentaires :

 


Documentaire: City de Londres, la finance en... par MinuitMoinsUne


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