La Suisse laisse s'envoler son franc et provoque une tempête financière

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Le président du directoire de la Banque Nationale Suisse (SNB) lors d'une conférence de presse à Zurich, le
15 janvier 2015 ( AFP/Archives / Alessandro della Bella )

La Suisse a décidé jeudi de ne plus intervenir sur les marchés pour empêcher sa monnaie de s'apprécier, provoquant un krach boursier à Zurich et l'envolée du franc suisse.

Dans un communiqué laconique publié jeudi matin, la Banque nationale suisse (BNS), en charge de la politique monétaire du pays, a annoncé que le taux plancher du franc suisse, fixé il y a 3 ans à 1,20 CHF pour 1 euro, était abandonné et, qu'en outre, les taux négatifs appliqués aux gros dépôts en francs suisses pour décourager les spéculateurs étaient alourdis.

Aussitôt, le franc suisse, désormais en roue libre, est parti en flèche et s'est apprécié de près de 30% par rapport à l'euro ou au dollar.

A Londres, le franc suisse s'échangeait à 10h00 GMT à 0,85 CHF pour 1 euro, au lieu de 1,20 CHF pour 1 euro avant l'annonce de la BNS. Vers 12H30 GMT, il retombait à 1,03 CHR pour un euro.

La Bourse suisse a aussitôt accusé le coup et fait un énorme plongeon. Beaucoup d'entreprises suisses, cotées en Bourse, sont fortement exportatrices et la décision de la BNS les met en difficultés pour écouler leurs produits à l'étranger.

 

- Files d'attente -

 

A 14h00 locales (13h00 GMT), la Bourse suisse perdait 9,34% avec un indice SMI des 20 valeurs vedettes affichant 8.339,11 points. Les plus fortes baisses sont affichées par les valeurs du luxe, telles que Swatch (Breguet, Longines, Tissot) ou Richemont (Cartier, Van Cleef....), dont les produits s'arrachent à l'étranger.

Ces sociétés ont vu leurs actions reculer respectivement de 15,91% et 14,99%. En effet, du fait de la hausse du franc suisse, leurs produits sont devenus plus chers de 20 à 30% pour les étrangers, qui risquent de s'en détourner.

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Historique du cours de l'euro par rapport au franc suisse depuis 2007 ( AFP / M.Bollmeyer )

Le Suisse moyen en revanche s'est réjoui de cette mesure. Comme cette quadragénaire qui exhibe fièrement son reçu bancaire, montrant qu'elle a reçu plus de 300 euros en échange de 300 francs suisses quand elle s'est précipitée dans sa banque à Genève pour changer des francs pour des euros.

"J'ai gagné 60 francs suisses en une seconde", a-t-elle déclaré à l'AFP. Pour obtenir ces mêmes 300 euros, elle aurait dû débourser la veille 360 francs suisses.

D'autres sont allés faire la queue devant les bureaux de change, à Genève et dans les autres villes suisses, pour échanger leurs francs contre des euros. La démarche s'explique par le fait que de nombreux Suisses vont faire leurs courses chaque semaine dans les hypermarchés français et qu'ils économisent ainsi plus de 20% sur leurs dépenses outre-frontières hebdomadaires.

 

- Vent de panique en Pologne -

 

De leur côté, les dizaines de milliers de frontaliers français, italiens ou allemands qui traversent chaque jour la frontière pour travailler en Suisse, sont les grands gagnants indirects de l'opération. En un instant, leur revenu mensuel a progressé de 30%. "Pourvu que ce taux de change tienne jusqu'à la fin du mois, quand je serai payée", a déclaré à l'AFP une Française frontalière travaillant à Genève.

Cette décision a pris de court les marchés financiers, surprenant fortement les investisseurs dans la mesure où la BNS avait encore réaffirmé ces derniers jours qu'elle n'abandonnerait pas le taux plancher.

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Des personnes font la queue devant un bureau de change à Zurich, le 15 janvier 2015
( AFP / Fabrice Coffrini )

"La Banque Nationale Suisse a choqué les investisseurs", a réagi Connor Campbell, analyste chez Spreadex, dans une note, relevant que la réaction immédiate avait été "explosive".

"Le marché ne l'avait clairement pas vu venir", a commenté pour sa part Andreas Ruhlmann, analyste chez IG Bank, évoquant un changement "drastique" de politique monétaire.

La mesure a eu aussi des répercussions directes à l'étranger, notamment dans les pays de l'est, où de nombreux particuliers ont contracté un prêt immobilier en francs suisses pour financer l'achat de leur maison ou de leur appartement au début des années 2000, à un moment où cela était très avantageux.

Ainsi, un vent de panique a soufflé en Pologne où quelque 700.000 ménages détiennent des crédits immobiliers libellés en francs suisses, avec un zloty décrochant de près de 20% face au CHF.

"Que faire, je ne peux que subir", admet, philosophe, Roman Kwiatkowski, un psychothérapeute de Cracovie. "J'ai pris ce crédit parce qu'il était bien plus intéressant que les crédits en zlotys. Je savais qu'il y avait un risque. Je ne saurais jamais calculer si finalement j'y ai perdu ou gagné. Mon remboursement mensuel passera de 1000 zlotys (230 euros) à 1200 zlotys (280 euros). Par rapport à mes revenus, ce n'est pas une catastrophe".

L'engouement pour les emprunts en francs suisses, contractés la plupart du temps pour l'achat d'un logement, a été particulièrement fort en Pologne ainsi qu'en Hongrie et en Croatie au début des années 2000.

 

Source : Boursorama.com avec Afp

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