Un sommet franco-germano-russe pour "ancrer" la Russie à l'Ouest

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La concurrence pour le marché russe est rude. La France souffle le chaud et le froid avec son engagement dans un bouclier antimissile américain et son alliance affichée avec la Russie.

PARIS (Reuters) - La France et l'Allemagne veulent ancrer davantage la Russie à l'Occident à la faveur d'un sommet tripartite, lundi et mardi, à Deauville, cité balnéaire normande réputée pour son festival du cinéma américain.

L'organisation d'un "espace économique, humain et de sécurité commun en Europe", cher à Nicolas Sarkozy, sera au coeur des discussions lors d'un dîner en petit comité lundi et d'une réunion élargie le lendemain, explique l'Elysée.

"La Russie nous semble actuellement redécouvrir les mérites d'une attitude coopérative avec les pays occidentaux", souligne un conseiller du président français. "Ce sera l'occasion (...) de consolider cette évolution positive."

Il sera donc question des négociations entre l'Union européenne et la Russie sur un nouvel accord de coopération et sur la suppression des visas, souhaitée par Moscou, et sur les dossiers énergétiques, stratégiques pour les Vingt-Sept.

Mais il sera également beaucoup question de la sécurité.

Le président russe Dmitri Medvedev veut faire progresser son idée de nouveau traité de sécurité en Europe, indique son conseiller Sergueï Prikhodko cité par l'agence Interfax.

Angela Merkel a pour sa part estimé dans un message video qu'il fallait examiner comment améliorer la coopération entre la Russie et l'Otan.

SONDER LES ARRIÈRES-PENSÉES

Ce sommet permettra à l'Allemagne de réaffirmer sa volonté de ne plus seulement être le premier partenaire économique de la Russie, mais aussi un interlocuteur privilégié pour les questions stratégiques, terrain où Berlin rivalise maintenant avec Paris.

Le 5 juin, la chancelière allemande a ainsi quelque peu surpris ses partenaires européens en proposant, avec Dmitri Medvedev, la création d'un "Comité politique et de sécurité UE-Russie", une proposition à laquelle la France paraît ralliée.

"Ce que nous voudrions, c'est (...) structurer le dialogue de sécurité UE-Russie à travers ce comité politique et de sécurité proposé par l'Allemagne", explique la présidence française.

Aucune annonce n'est cependant à attendre de ce sommet, qui tiendra plutôt du "brain storming" pour sonder "les pensées et les arrière-pensées des uns et des autres", prend soin de préciser l'Elysée, où l'on rappelle que toute décision sur les relations entre la Russie et l'UE doit être prise à 27.

Pour Thomas Gomard, spécialiste de la Russie à l'Institut français des relations internationales (Ifri), il faut voir dans ce sommet une simple "réunion d'étape", avant trois grands rendez-vous internationaux fin 2010.

Le sommet Otan des 19-20 novembre à Lisbonne doit adopter un nouveau "concept stratégique" et pourrait se prolonger par un sommet Otan-Russie. Il sera suivi par celui de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) les 1er et 2 décembre au Kazakhstan et un sommet UE-Russie le 7 décembre.

CONTEXTE FAVORABLE MAIS FRAGILE

Perturbée par la crise de l'été 2008 entre Moscou et la Géorgie, la réflexion sur les relations Otan-Russie et UE-Russie bénéficie aujourd'hui d'un contexte beaucoup plus favorable.

Américains et Russes ont entamé une remise à plat ("reset") de leurs relations, et les rapports entre Moscou et l'Ukraine se sont réchauffés depuis que Kiev ne parle plus d'adhérer à l'Otan, de même que les relations entre la Russie et la Pologne.

La Russie a voté à l'Onu le dernier train de sanctions contre l'Iran et laisse transiter par son territoire du matériel de l'Alliance atlantique à destination de l'Afghanistan.

La montée en puissance de la Chine renforce à Moscou le camp de ceux qui regardent résolument vers l'Ouest, même s'il existe aussi un courant plus tourné vers le monde Asie-Pacifique.

Enfin, la crise économique mondiale a achevé de convaincre les dirigeants russes de la nécessité de moderniser leur économie en s'appuyant sur la technologie occidentale.

"Tout cela est positif mais demeure fragile et marqué par des éléments d'interrogation", note cependant un conseiller de Nicolas Sarkozy. "Nous n'avons pas encore l'assurance qu'il s'agit d'un choix stratégique irréversible de Moscou."

Paris déplore ainsi que Moscou continue de voir une menace dans l'Otan et dans le projet américain de défense anti-missile en Europe, même révisé à la baisse par l'administration Obama.

Les relations de la Russie avec certains de ses voisins - Etats baltes, Moldavie et Roumanie, Biélorussie, Géorgie - restent difficiles, sans parler de conflits comme ceux du Haut Karabakh et de Transnistrie, toujours pas réglés.

Paris reproche aussi à Moscou de demander à l'UE des concessions, en matière de visa par exemple, sans montrer une bonne volonté équivalente sur le commerce ou l'énergie.

"Il faut traiter la Russie en partenaire mais demander aussi à la Russie de se comporter en partenaire", souligne l'Elysée.

par Emmanuel Jarry

Edité par Jean-Loup Fiévet

Source : Reuters

Informations complémentaires :

France Soir : Deauville sous haute surveillance
La Croix.com :
Nicolas Sarkozy et Angela Merkel jouent la carte russe
AFP :
Sommet sur la sécurité: Sarkozy accueille Merkel et Medvedev à Deauville

 


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