Les Etats-Unis mobilisés contre la marée noire

Le branle-bas de combat a commencé pour protéger les côtes du sud des Etats-Unis contre la marée noire provoquée par la plate-forme Deepwater Horizon.

L'état d'urgence a été décrété en Lousiane et l'événement a été déclaré "catastrophe nationale", jeudi 29 avril, par la ministre de la sécurité intérieure, Janet Napolitano. Le président Barack Obama a promis de mobiliser "tous les moyens disponibles", dont l'armée qui se dit prête à intervenir.

La nappe de pétrole a commencé à toucher le littoral de Louisiane jeudi soir près de l'embouchure du fleuve Mississippi, dix jours après l'explosion qui a détruit et coulé la plate-forme exploitée par British Petroleum (BP) dans le golfe du Mexique, à 66 kilomètres de la Louisiane.

Les autorités ont déployé 30 kilomètres de barrières flottantes devant les zones les plus sensibles, comme les réserves de faune sauvage de Pass-a-Loutre et du Delta National Wildlife Refuge, et en tenaient 150 kilomètres supplémentaires en réserve. Un barrage bien dérisoire alors que les marais de l'Etat, fragile sanctuaire de biodiversité, s'étendent sur plus de 24 000 kilomètres de côte.

"C'est un écosystème très vulnérable, qui risque d'être durement affecté pour des années", estime Carl Gustaf Lundin, responsable du programme pour le milieu marin à l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). "La gravité des dommages dépendra de la durée de la marée noire", précise-t-il.

Les robots sous-marins ayant échoué à fermer les vannes de sécurité du puits situé à 1500 mètres de profondeur, les 800000 litres de pétrole qui se déversent chaque jour dans l'océan pourraient s'écouler pendant trois mois avant que les fuites ne soient colmatées.

LIMINATION NATURELLE"

"Etant donné la distance parcourue, on peut espérer qu'une partie du pétrole s'évapore avant d'atteindre le littoral", analyse M. Lundin. Autre facteur d'espoir, "cet écosystème tropical regorge de bactéries qui ont appris à utiliser le pétrole et peuvent contribuer à son élimination naturelle à condition que la pollution ne soit pas trop massive, sans quoi elle va détruire tout le milieu".

C'est une catastrophe qui s'annonce pour les 12 millions de km2 de zones humides du littoral de Louisiane, où des centaines d'espèces animales sont menacées. "Nos marais sont des espaces de nourrissage et s'ils sont touchés, les espèces qui dépendent de ce nourrissage le seront aussi", explique Karen Foote, du département de la nature et de la pêche de Louisiane.

Les crevettes grises et des poissons comme le menhaden, la truite et le red-drum sont ainsi menacés, mais les marais sont aussi le refuge d'innombrables tortues et alligators et de 5 millions d'oiseaux migrateurs. "Les oiseaux sont très vulnérables, on va en perdre beaucoup", pronostique M. Lundin.

La marée noire pourrait également générer des milliards de dollars de pertes pour les secteurs du tourisme, des sports de plein air et de la pêche commerciale en Louisiane, en Alabama et dans le Mississippi, voire en Floride et au Texas.

La récolte d'huîtres et la pêche de crabes et de crevettes pourraient être sévèrement affectées. En Louisiane, la vente de fruits de mer rapporte 1,8 milliard de dollars (1,35 milliard d'euros) chaque année et la pêche récréative génère 1 milliard de dollars de chiffre d'affaires.

Dès jeudi, des pêcheurs de crevettes de Louisiane ont déposé une plainte en nom collectif (class action) contre BP pour "négligence" et "pollution", réclamant 5 millions de dollars de dommages.

DIFFICULTÉS À DÉMAZOUTER

"On n'a pas affaire à un pétrole trop toxique, il semble relativement peu chargé en métaux lourds, ce qui pourrait limiter l'impact sur la pêche", relativise Carl Gustaf Lundin, qui souligne aussi que "les écosystèmes du golfe du Mexique ont jusqu'ici surtout souffert de la surpêche et de méthodes de pêche destructrices de l'environnement, comme le dragage."

La difficulté de pénétrer ce dédale de marécages accessibles uniquement par bateau risque d'aggraver l'ampleur des dégâts. "Il ne suffira pas d'une poignée de bénévoles pour démazouter la plage", souligne LuAnn White, directrice du centre de santé publique appliquée à l'environnement de l'université de Tulane, à La Nouvelle-Orléans.

Pour elle, des incendies contrôlés pourraient être la meilleure solution pour que la vie reparte dans les marais, étant donné la difficulté à les démazouter. "Il faut surtout limiter l'utilisation de solvants chimiques, qui peuvent se révéler plus toxiques et faire plus de dommages que le pétrole lui-même. C'est ce qui s'est passé lors de la marée noire de l'Exxon Valdez, en Alaska, en 1989", insiste le responsable de l'UICN.

"BP est responsable et doit financer le coût des opérations de dépollution", a indiqué Mme Napolitano, jeudi, à la Maison Blanche. La firme dépense déjà 6 millions de dollars par jour en opérations de secours. La facture n'a pas fini de s'alourdir.


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