Plan de relance européen : le coup de bluff du magicien Juncker

S'ils veulent faire redémarrer l'économie, c'est aux citoyens qu'ils devraient donner cet argent... Après tout c'est le nôtre !

D'ailleurs, ça me fait marrer la propagande sur l'effet de levier, même sur BFMTV, ils ne veulent pas avouer la vérité... Alors on va vous aider à comprendre un peu mieux ; ). Plus de détails sur ce point crucial en Informations complémentaires (bas d'article).

Le président de la Commission européenne présentera mercredi 26 novembre un plan d'investissement de 315 milliards d'euros. Mais en réalité, il s'agit d'un tour de passe-passe dont l'économie européenne pourrait ne pas sortir gagnante.

Encore une fois, la stratégie de communication va tourner à plein régime. Après le « plan de croissance » franco-allemand qui pourrait se révéler une vraie menace pour l'économie européenne, après le « grand plan d'investissement » allemand de 10 milliards d'euros dans deux ans et sur trois ans, voici l'immense plan d'action de la Commission européenne pour revitaliser la croissance européenne. Car ce n'est pas 300 milliards d'euros que Jean-Claude Juncker, le nouveau président de la Commission, a décidé « d'offrir » à l'Union, mais 315 milliards d'euros ! Avec une telle générosité, comment l'Europe ne pourrait-elle pas sortir de la stagnation dont elle est menacée.

La multiplication des pains

Sauf que, évidemment, ce chiffre est une simple hypothèse de résultat. Les sommes effectivement mises à disposition de l'économie européenne seront bien plus modestes. Il s'agira concrètement de 16 milliards d'euros issus du budget européen et de 5 milliards d'euros de garanties assurés par la Banque européenne d'investissement. Soit 21 milliards d'euros. Mais comme la finance a un côté magique (Jean-Claude Juncker le sait mieux que personne), la Commission estime très sérieusement que les projets mis en œuvre auront un effet de levier de 15. Un euro versé par la Commission et la BEI devrait donc finir par créer 15 euros pour l'économie européenne grâce à l'apport des investissements privés qui vont s'agréger aux projets initiés par Bruxelles. En tout, donc, on devrait avoir 315 milliards d'euros d'investissements supplémentaires dans l'UE.

 
 

Jean-Claude Juncker tente donc de réaliser une multiplication des pains. Et pour enfoncer le clou, il fait ce que Bruxelles sait le mieux faire : une belle usine à gaz bureaucratique. Des experts seront réunis dans un organisme de gestion de ces fonds et seront chargés d'assurer cet effet de levier de 15 dont il faudra expliquer le fondement (ce qui ne sera sans doute pas fait, bien sûr). Et lorsque ce mercredi 26 novembre, la Commission viendra présenter ce plan ambitieux, on ne parlera que des 315 milliards d'euros, afin de créer un effet sur la « confiance. »

Encore une fois, Bruxelles a donc clairement raté le coche. Rappelons que l'économie de l'Union européenne qui doit dans son ensemble profiter de ce plan pèse 19.000 milliards d'euros. Si la Commission avait injecté 315 milliards d'euros directement dans cette économie sur trois ans, cela aurait représenté 0,55 % de ce PIB de l'UE par an en moyenne, ce qui est déjà en deçà de la moyenne des plans de relance. Mais du moins y aurait-il eu une vraie tentative, capable de créer ce fameux « choc de confiance » en ouvrant de vraies perspectives aux entreprises. Mais ces 21 milliards d'euros d'argent concrets, répartis sur trois années, pourront-ils avoir le même effet ? Rien n'est moins sûr.

Un plan qui ne répond guère aux problèmes du moment

L'UE, et la zone euro en particulier, souffre en effet d'un manque de perspectives criant. Les entreprises n'investissent pas, parce qu'elles n'ont guère de débouchés et qu'elles estiment qu'il n'y en aura guère dans les années à venir. Le ralentissement mondial joue là un rôle équivalent au manque de dynamisme de l'économie domestique. Les ménages hésitent à dépenser parce qu'ils anticipent dans beaucoup de pays une stagnation ou une baisse de leurs revenus soit à cause d'une réduction des transferts de l'Etat, soit par une perte d'emplois ou une baisse du pouvoir d'achat. Et le cercle se referme puisque les absences de perspectives de ces deux types d'agents économiques s'entretiennent mutuellement. Pas d'investissement, donc moins d'emplois et de recettes fiscales, donc moins de dépenses des ménages, donc moins de perspectives pour l'économie et moins d'investissements. D'où une croissance au mieux molle avec une inflation inexistante.

Que propose Jean-Claude Juncker pour briser ce cercle ? De faire appel à l'investissement privé en comptant sur un effet de levier digne du milieu des années 1990. Mais s'il y aura sans doute un effet d'entraînement de ces projets, rien ne garantit que l'effet de levier sera à la même hauteur. Le risque principal restera porté par le secteur privé, l'UE se contentant de lancer les projets et d'en financer une part minime (un quinzième en moyenne). Or, ce secteur privé n'est précisément pas prêt à prendre des risques. Et lorsque l'on songe aux inévitables méandres bureaucratiques dans lesquelles ce plan ne manquera pas de s'enfoncer (la création de ce groupe d'experts pour piloter les projets, qui devra discuter avec la Commission, les Etats, la BEI et les fonds privés, en donne un avant-goût), on ne peut qu'être sceptique sur l'effet d'entraînement pour l'économie européenne d'un tel plan. L'UE avait besoin d'un choc pour redonner de la confiance à ses agents économiques, elle n'aura qu'un numéro de magicien auquel Bruxelles demande que tout le monde veuille bien croire.

Renoncer à agir par la BEI

Jean-Claude Juncker a donc renoncé à faire de la BEI la plaque-tournante de ce plan. Cette institution était pourtant l'arme idéale pour agir dans l'UE. Sa capacité à lever des fonds sur le marché pour les réinvestir dans l'économie européenne offrait une opportunité unique. Le président de la Commission avait même évoqué la possibilité d'une augmentation de capital de la BEI qui aurait offert de bonnes perspectives et permis de monter un vrai plan de relance européen avec de l'argent réel. Mais il a renoncé à ce beau projet : pas d'augmentation de capital de la BEI et seulement 5 milliards d'euros sur trois ans de garanties pour les projets. On frise le ridicule. Mais l'ancien premier ministre luxembourgeois a clairement, sur ce point, cédé à Berlin : la priorité, c'est de ne pas s'endetter davantage. La BEI dirigée par Werner Hoyer, ancien secrétaire d'Etat libéral de Wolfgang Schäuble, a encore prouvé sa force d'inertie. C'est encore un message très négatif envoyé à l'Europe qui prouve ainsi son inefficacité.

Le durcissement du ton budgétaire détruit les effets du plan

Mais il y a pire. Parallèlement à ce plan, la Commission a décidé de durcir le ton sur la question budgétaire. Elle devrait demander des « efforts » supplémentaires à la France et à l'Italie. Rien à voir ? Au contraire. En pressant une consolidation budgétaire plus rapide, Bruxelles envoie un message aux agents économiques de ces pays : l'austérité est encore devant vous. Attendez-vous à des mesures de compétitivité et de coupes budgétaires. Ce message sera, à n'en pas douter, bien mieux entendu par les agents économiques, que le miracle de la multiplication des milliards du magicien Juncker. Et il ne manquera pas de plomber encore la demande de ces pays. Bref, l'influence négative de la Commission sur la conjoncture ne se dément pas. D'autant que Berlin ne cesse d'en rajouter. Qu'on songe aux propos de Wolfgang Schäuble dimanche ressortant des tiroirs la vieille idée du veto de la Commission sur les budgets nationaux. Tout ceci aura pour conséquence certaine l'effacement d'une grande partie des effets du plan Juncker. Face à une situation qui s'annonce plus tendue, les entreprises hésiteront à investir, même dans les projets européens, alors qu'il leur faudra défendre leurs marges.

Pensée magique

La politique de Bruxelles trahit en réalité une incompréhension profonde de la situation actuelle. L'Europe souffre de sa demande et se trouve dans une situation de trappe à liquidités. Mario Draghi l'avait reconnu fin août : il faut agir pour éviter la déflation. Toute volonté procyclique de consolidation budgétaire aggrave la situation, comme tout pseudo-plan de relance provoquant de faux espoirs. Or, si de grands pays de la zone euro tombent en déflation, Bruxelles pourra oublier son effet de levier de 15. Mais la Commission demeure enfermée dans une autre logique : celle de l'effet positif de la consolidation budgétaire sur la confiance. Un effet qui n'a pas été prouvé par les récents développements économiques européens et qui est totalement inefficient - et même nocive - dans la situation décrite plus haut. Mais plus que jamais, on croit à la magie sur la colline de Berlaymont...

 

Source(s) : Latribune.fr via Olivierdemeulenaere.wordpress.com

Informations complémentaires :

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