La Russie a totalement interrompu ses livraisons de gaz à Kiev, selon Iouri Prodan, le ministre de l'énergie ukrainien. L'Ukraine, par laquelle transite une part importante des exportations de gaz naturel russe vers l'Union européenne, promet de garantir la continuité de ses fournitures à ses clients. Mais si « les semaines à venir ne seront pas problématiques », « nous aurons un problème en cas d'hiver rigoureux » en Europe, a mis en garde Günther Oettinger, le commissaire européen à l'énergie.
De son côté, la compagnie russe Gazprom parle de risques « réels » et « non négligeables », alors que les précédents conflits gaziers de 2006 et 2009 avaient bien affecté les livraisons de gaz russe vers l'Europe.
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Cette coupure du gaz russe intervient après l'expiration, lundi à 10 heures (8 heures à Paris), de l'ultimatum fixé par le géant gazier russe pour le remboursement par l'Ukraine de sa dette de 4,5 milliards d'euros. En conséquence, la Russie a introduit un système de prépaiement. « Aucun paiement pour juin n'a été effectué. A partir de ce jour, la société ukrainienne ne recevra plus que les volumes qu'elle aura payés », a ainsi expliqué Gazprom dans un communiqué.
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DIALOGUE DE SOURDS
Intraitable, le directeur général de Gazprom, Alexeï Miller, a estimé lundi après-midi en conférence de presse qu'il n'y avait « plus matière à discussion » avec Kiev. Très agacé, le patron du gaz russe n'a cessé de marteler que l'Ukraine devait régler ses dettes, accusant Kiev de parler d'une « guerre du gaz » et de pratiquer un « chantage » sans faire « une seule proposition » en vue d'un compromis.
Le ministre de l'énergie russe, Alexandre Novak, s'est lui montré plus ouvert en estimant que de nouvelles discussions étaient possibles concernant les livraisons futures « si la dette de 4,5 milliards de dollars est remboursée ». Il a indiqué maintenir un contact téléphonique avec le commissaire européen à l'énergie, Guenther Oettinger. « Nous sommes ouverts au dialogue, à la poursuite des négociations (...) mais encore une fois à condition que la dette soit remboursée », a-t-il déclaré.
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Et c'est là le problème : l'Ukraine refuse de rembourser ses dettes tant que la Russie n'aura pas baissé le prix du gaz, augmenté à un niveau sans équivalent en Europe après l'arrivée au pouvoir de pro-occidentaux en février – les mille mètres cubes de gaz étaient alors passés de 268 dollars à 485 dollars.
CHAMBRE D'ARBITRAGE DE STOCKHOLM SAISIE
Or les deux parties ne sont pas parvenues à s'entendre sur le prix du gaz dans le cadre des discussions menées, sous l'égide de la Commission européenne jusque dans la nuit de dimanche. Kiev, qui accuse Moscou d'utiliser l'arme du gaz à des fins politiques, a refusé la « dernière offre » russe à 385 dollars et réclame un rabais plus important.
Le groupe gazier ukrainien Naftogaz a répliqué à la coupure de Gazprom en intentant une action en justice : il a annoncé, lundi, avoir saisi la chambre d'arbitrage de Stockholm pour contester le prix du gaz fixé par la Russie et réclamer 6 milliards de dollars versés, selon lui, de façon indue au géant russe Gazprom depuis 2010. Naftogaz précise dans son communiqué qu'il demanderait à la cour d'arbitrage d'établir « un prix juste » pour les livraisons futures de gaz russe. Gazprom a indiqué avoir saisi la même institution.
Cette coupure du gaz russe en Ukraine intervient dans un contexte d'insultes diplomatiques et de manifestations contre la Russie à Kiev après la mort de 49 soldats ukrainiens dans un avion abattu par des séparatistes prorusses dans l'est de l'Ukraine.
Source : Lemonde.fr
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