Scandales Cahuzac, Guérini, Bygmalion… A chaque fois le même refrain : les affaires profitent au Front national. Après l’affaire Cahuzac, par exemple, un sondage BVA pour iTélé affirmait que 70% des Français interrogés estimaient que les dissimulations fiscales, et surtout les mensonges éhontés, du ministre du Budget allaient «beaucoup» profiter au Front… Mais l’institut constatait aussi que la proportion des Français ayant une bonne opinion du FN n’était passée dans le même temps que de 25% à 27%. A quel titre le parti des Le Pen bénéficierait-il d’une prime à la probité dans le discours politico-médiatique ? Plusieurs exemples montrent que ses pratiques n’en font pas  une formation politique plus vertueuse que les autres. Loin de là.

Alors que les déclarations d’intérêts des parlementaires sont publiées ce jeudi - ce qui doit notamment permettre de faire toute la lumière sur l’identité de leurs collaborateurs à l’Assemblée et au Sénat, voilà précisément un sujet sur lequel Marine Le Pen n’a brillé ni par sa transparence, ni par son exemplarité. Eurodéputée de 2009 à 2014, la présidente du FN employait au Parlement européen, comme l’a révélé Mediapart, son compagnon Louis Aliot (depuis l’été 2011) – en lui versant plus de 5 000 euros brut par mois pour un temps partiel de 19,25 heures par semaine – mais aussi son fidèle Florian Philippot (jusqu’en 2012). Questionnée par le Parlement sur le cas Aliot, la présidente du FN avait mis en avant le fait qu’elle n’était pas mariée avec lui… Depuis, les deux vice-présidents du parti d’extrême droite, s’ils ont respectivement été battus aux municipales à Forbach et Perpignan, ont tous les deux été élus eurodéputés en mai dernier.

 VIP et micropartis

Pour se rendre au Parlement européen, comme l’a raconté ce mercredi le Canard enchaîné, la famille Le Pen bénéficierait d’un traitement VIP de la part d’Air France. Le palmipède rapporte une scène à l’aéroport de Strasbourg le 17 juillet : à la porte d’embarquement du vol pour Paris, les passagers qui font la queue voient passer devant eux Marine Le Pen, son compagnon Louis Aliot, Jean-Marie Le Pen et son épouse Jany, ainsi que leur garde du corps et deux policiers en civil. D’autres eurodéputés présents dans la file d’attente, eux-aussi titulaires d’une carte d’abonnement Air France, s’étonnent auprès des hôtesses de ce traitement de faveur. Celle-ci leur rétorque que Marine Le Pen dispose d’un accès VIP. Au même titre que les anciens Présidents, les anciens ministres des Transports, etc. Une carte qui, selon Marianne, est habituellement distribuée aux clients qui «contribuent au rayonnement de la compagnie»

Créé en 2010 au service exclusif du marinisme électoral, le microparti Jeanne fait quant à lui l’objet d’une information judiciaire confiée au juge d’instruction Renaud van Ruymbeke. Comme l’ont raconté Le Monde et Mediapart, cette structure est soupçonnée «d’escroquerie en bande organisée» et de «faux et usage de faux». L’enquête préliminaire déclenchée en 2013 a fait suite à un signalement de la Commission des comptes de campagne. Depuis, la brigade financière s’intéresse aux prêts, particulièrement rentables, accordés par Jeanne à des candidats frontistes aux cantonales de 2011 puis aux législatives de 2012. Et notamment à des kits de campagne conçus par Riwal, société dirigée par Frédéric Chatillon, un très proche de Marine Le Pen et ancien leader du GUD. Riwal, dont les locaux sont situés, comme ceux de Jeanne, dans un local du XVIe arrondissement de Paris [lire la très bonne enquête «Dans le QG secret de Marine Le Pen», publiée par Marianne].

Autre enquête préliminaire en cours, celle visant le président d’honneur du Front national, qui a lui aussi son microparti (Cotelec) et qui se serait enrichi de 1,1 million d’euros entre 2004 et 2009. En novembre 2013, le parquet de Paris a reçu un signalement de l’ex-Commission pour la transparence financière de la vie politique – remplacée depuis par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique – celle-ci s’appuyant sur les déclarations de patrimoine de Jean-Marie Le Pen.

 

Jonathan BOUCHET-PETERSEN

Source : Liberation.fr