Le médecin Daniel Zagury sur l'état des hôpitaux français : « On est en pleine folie ! »

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La psychiatrie était déjà, il y a 10 ans, le parent pauvre du système de santé français. Comme les personnes qui ont des affections mentales ne sont pas beaucoup prises en considération, et généralement revendiquent peu leurs droits... Les choses ne se sont pas arrangées avec le temps, et avec la dictature des actionnaires qui demandent toujours plus de rendement. Les maladies professionnelles liées aux objectifs chiffrés et autres joyeusetés du management anglo-saxon, créent des épuisements professionnels, et autres pathologies liées au stress. Encore une fois, si notre système de santé et l’ensemble de notre pays par en vrille, c’est à cause de l’esclavage de la dette et de facto de notre appartenance à l’Union européenne. Mais on en reparlera dans le prochain interview d’actualité de François Asselineau qui revient sur la catastrophe de Gênes, ceci dans la journée, et vous verrez qu'il y a des points communs à toutes ces hérésies.

Amicalement,

L’Amourfou,

Une partie du personnel de l’hôpital psychiatrique d'Amiens est en grève. (E. Baudet/ Divergence pour le JDD)

INTERVIEW - Daniel Zagury, psychiatre et chef de service hospitalier, dresse un constat alarmant de l'état de l'hôpital public en France.

Né en 1950, Daniel Zagury, psychiatre et chef de service hospitalier, est l'auteur de La Barbarie des hommes ordinaires (éd. de l'Observatoire). Aujourd'hui "de gauche rosâtre", toujours "un peu rebelle", expert auprès des tribunaux (il s'est penché sur les cas de Guy Georges et de Michel Fourniret notamment), ce médecin a fait toute sa carrière à l'hôpital public en Seine-Saint-Denis. Il évoque la crise qui frappe l’hôpital psychiatrique d'Amiens, en grève depuis plus de deux mois déjà, et plus largement, le "déclin" de l'hôpital public en France.

Les difficultés dénoncées par les grévistes d'Amiens sont-elles générales?

Il ne s'agit pas d'un cas isolé. Depuis dix ans, les professionnels alertent, à coups d'articles, de livres, d'appels, sur le déclin de la psychiatrie publique. Mais ce qui est nouveau – et qui est apparu clairement au moment de la grève de la faim à l'hôpital du Rouvray –, c'est que des limites physiques et morales sont atteintes chez les soignants. Beaucoup ont choisi ce métier par passion. Aujourd'hui, ils se disent : "Est-ce que je cautionne ou est-ce que je m'en vais?" C'est une crise profonde, aggravée par le sentiment d'une indifférence de l'opinion publique. L'hôpital est malade, les médecins et les infirmiers sont en souffrance. Un grand nombre de directeurs se rendent compte que rien ne va plus!

D'autres directeurs soutiennent que les voyants sont au vert.

C'est du déni. Pendant le conflit au Rouvray, l'agence régionale de santé a d'abord rétorqué aux grévistes : "Les indicateurs sont bons." Il y a d'un côté un hôpital fictionnel, dans lequel tout va bien, et de l'autre un hôpital réel, en plein naufrage. Ils sont totalement coupés l'un de l'autre. On est en pleine folie!

« Les soignants ont l'impression de mal soigner, d'être asservis à une absurde logique exclusivement gestionnaire »

Concrètement, comment se manifeste le "déclin"?

Les jeunes praticiens hospitaliers les plus brillants quittent le public, ce qui aurait été inimaginable au début de ma carrière. Résultat, 1.000 postes ne sont pas pourvus. Ceux qui restent ont parfois l'impression de maltraiter les patients. Dans un récent rapport, la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté a montré que certains établissements fonctionnent de façon désastreuse. Des malades se retrouvent bloqués aux urgences, attachés, parfois pendant plusieurs jours, le temps qu'une place se libère ; d'autres sont placés à l'isolement pendant des semaines. C'est scandaleux! Chaque garde, la nuit ou le week-end, devient un enfer et fournit une nouvelle preuve que le système est en faillite. Comme le secteur de la psychiatrie, c'est-à-dire l'unité territoriale qui prend en charge les patients au plus près de chez eux, à l'extérieur de l'hôpital, est lui-même saturé, tout le monde, du psychiatre de garde aux urgences jusqu'aux familles inquiètes, cherche à forcer les portes de nos établissements. Il n'y a plus de lits, des conflits naissent dans les équipes, des patients sont catapultés de service en service.

Quelles sont les causes de la faillite que vous décrivez?

Elles sont multiples. Depuis plus d'une décennie, l'obsession de la maîtrise des coûts a servi d'unique gouvernail. Le triomphe de l'idéologie managériale, qui s'est diffusée des directions aux cadres infirmiers, autrefois soudés aux médecins, aujourd'hui aspirés par l'administratif, a également ébranlé le système. Les soignants ont l'impression de mal soigner, d'être asservis à une absurde logique exclusivement gestionnaire.

Qu'attendez-vous du grand plan santé-hôpital prévu pour la rentrée?

La question ne devrait plus être seulement "combien ça coûte?" mais "comment soigner dans le cadre des contraintes budgétaires?". Il faut associer les deux dimensions dans une gouvernance partagée, sans laisser, en bout de course, les soignants endosser seuls les insuffisances face aux malades.

 

Source : Le JDD.fr

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