Le Parlement adopte la loi sur les « lanceurs d'alerte »

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Irène Frachon, pneumologue au CHU de Brest et auteure du livre "Mediator 150 mg. Combien de morts ?".
| AFP/FRED TANNEAU

Les lanceurs d'alerte, ces scientifiques ou simples citoyens qui attirent l'attention sur des risques sanitaires et environnementaux, seront désormais protégés. Le Parlement a adopté, mercredi 3 avril, la proposition de loi qui vise à préserver ces "lanceurs d'alerte" et à renforcer l'indépendance des expertises scientifiques. Un sujet brûlant, que ramènent régulièrement au-devant de l'actualité des dossiers comme la prescription de médicaments à risque, l'exposition aux pollutions chimiques ou aux ondes électromagnétiques.

Les sénateurs ont voté sans modification, en deuxième lecture, la proposition de loi présentée par le groupe écologiste du Sénat, rendant son vote définitif. C'est la première fois de son histoire que le Parlement adopte un texte écologiste. Le Parti socialiste, les communistes et une grande partie du groupe RDSE (à majorité PRG) ont soutenu le texte de leurs collègues écologistes, ainsi que quatre centristes, l'UMP s'y opposant. Les autres centristes se sont abstenus. Le rapporteur du texte, Ronan Dantec, a exprimé "son émotion" devant cette première.

Déposé en octobre 2012 par les sénateurs d'Europe Ecologie - Les Verts (EELV), le texte veut éviter que les lanceurs d'alerte soient victimes de discrimination professionnelle "pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi", à leur employeur ou aux autorités, "des faits relatifs à un danger pour la santé publique ou l'environnement" dont ils auraient eu connaissance par leurs fonctions.

Lire (édition abonnés) :  Le statut de lanceur d'alertes devrait être reconnu

De la dénonciation du Mediator par la pneumologue Irène Frachon au renvoi du toxicologue André Cicolella de l'Institut national de recherche et de sécurité après qu'il a sonné l'alerte sur les dangers des éthers de glycol, les exemples ne manquent pas de combats solitaires de chercheurs ou de citoyens contre l'institution.

"UNE CULTURE DE L'ALERTE EN ENTREPRISE"

Lors du passage devant l'Assemblée nationale, les députés ont ajouté au texte sénatorial une définition de l'alerte : "Toute personne physique ou morale a le droit de rendre publique ou de diffuser de bonne foi une information concernant un fait, une donnée ou une action, dès lors que la méconnaissance de ce fait, de cette donnée ou de cette action lui paraît dangereuse pour la santé ou pour l'environnement."

Dans les entreprises, un droit d'alerte est accordé au représentant du personnel au Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), et celui-ci doit être informé spécifiquement des alertes lancées et des suites données. Les députés ont ajouté qu'en cas de litige sur le bien-fondé ou la suite donnée à l'alerte par l'employeur, le représentant du personnel au CHSCT pourra saisir le préfet. "Une culture de l'alerte est bien créée dans l'entreprise, mais l'alerte n'est pas gérée en son sein", s'est félicité M. Dantec.

Le texte crée aussi une Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé et d'environnement, chargée d'établir des règles de déontologie qui s'appliqueront à toutes les agences d'expertise. La commission aura aussi pour mission de recevoir les alertes et des les transmettre aux agences concernées. Elle ne pourra toutefois être saisie que par des associations ou des corps constitués, et non par les lanceurs d'alerte eux-mêmes.

LE GOUVERNEMENT A IMPOSÉ UN COMPROMIS

Les sénateurs écologistes ambitionnaient initialement la création d'une Haute autorité de l'expertise scientifique et de l'alerte en matière de santé et d'environnement, dotée de la personnalité morale et de pouvoirs étendus. Les parlementaires socialistes et le gouvernement ont imposé un compromis : la création d'une commission aux compétences et aux moyens plus restreints.

Pour Delphine Batho, ministre de l'écologie, cette commission nouvelle "constitue un maillon manquant pour rétablir la confiance de nos citoyens dans nos instituts de contrôle". "Il n'y aura pas création d'une institution nouvelle", s'est-elle en outre félicitée. La Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé et d'environnement sera créée par une refonte de l'actuelle Commission de prévention et de sécurité.

Lire l'éditorial du MondeProtéger les Irène Frachon de demain

 

Source : Lemonde.fr

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