Le Pr Raoult et la Chloroquine : les failles (Mediapart)

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Alors que l’on apprend ce matin le 1er mort aux USA par auto-administration de Phosphate de Chloroquine (pour aquarium), j’ai vu cette information hier, et encore ce matin chez les Moutons. Aussi nous vous devons une information totale et complète, et même si nous avons de gros espoirs sur cette molécule. Il faut que vous lisiez cet article en entier, car il pose de vraies questions. Quoi qu’il en soit, le Pr Raoult ayant décidé de prescrire de la Chloroquine à tout malade du Covid-19 le demandant à Marseille, ces volontaires nous offrent le plus grand test « in vivo » dont nous pouvions rêver. Et je suis d’accord avec lui, car j’ai vu les radios des poumons de malades à 3 jours d’intervalle, et l’infection va très vite. Aussi, nous n’avons pas 6 semaines pour attendre des tests, si des gens sont malades du Covid 19, si leurs poumons sont en danger, et que l’on a un possible traitement, il faut tenter de les soigner, et pas au stade final où l'on ne peut plus rien faire.

Bien sûr, cela n’engage que moi, aussi contrairement au gouvernement qui laisse cette option à  un 'collège d'experts' en milieu hospitalier pour les cas graves (où, par définition, il est trop tard pour agir), laissons le choix aux malades en toutes connaissances de cause via leur médecin traitant. Les gens sont adultes, il faut arrêter de les prendre par la main, ils peuvent calculer eux-mêmes le ratio bénéfice/risque du traitement.

Surtout que leur décision sera bénéfique pour toute la communauté française et mondiale. Car le virus (qui est à base d'ARN) va muter, il risque même de revenir tout les ans, voire même cet hiver, aussi si nous avons une molécule efficace (indépendant d’un hypothétique vaccin dans 1 ou 2 ans).

Et ce sur TOUTES les formes de Covid 19, nous devons le savoir tout de suite. Alors certes, le traitement risque de provoquer des morts, mais le Covid 19 tue aussi.

Alors, si des gens meurent autant, que cela ne soit pas pour rien.

Et n'oubliez pas que dans cette histoire des sommes colossales sont en jeux... Avec un possible vaccin qui serait vendu tous les ans à toute la planète... Ce qui explique qu'un 'possible' traitement vieux de 70 ans (dont tout les effets négatifs sont connus et documentés) à 2€, ne fasse pas l'affaire de tous....

Amitiés,

f.

Update 24.03.2020 : Traitement contre le coronavirus : la chloroquine marque des points (Le Parisien)

Update 24.03.2020 : EXCLUSIF Coronavirus : Didier Raoult claque la porte du Conseil scientifique de Macron (Les Echos)

Chloroquine 24 03 2020

Chercheur de renommée mondiale et membre du conseil scientifique Covid-19, le professeur Dider Raoult fait depuis quelques jours parler de lui dans les médias pour son étude clinique censée prouver l'efficacité d'un anti-paludique, l'hydroxychloroquine, dans le traitement du nouveau coronavirus. À grand renfort de vidéos Youtube et d'arguments d'autorité, celui qui niait en 2013 l'existence d'un réchauffement climatique d'origine humaine accuse aujourd'hui la communauté scientifique d'aveuglement et utilise sa notoriété pour mettre en avant sa "découverte". 

Quel est le problème avec cette étude ?

Intéressons-nous aux données de l'étude dont vous pouvez retrouver le rapport complet ici.

Les données brutes de l'étude du Pr Raoult (Gautret et al., 2020) © Gautret et al., 2020

L'étude compare deux groupes de patients : 14 traités par l'hydroxychloroquine (appelons-les groupe Chloroquine, lignes 17 à 30) et 16 recevant uniquement les soins habituels (groupe contrôle, lignes 1 à 16). La concentration de virus dans la gorge de chaque patient est mesurée tous les jours pendant 7 jours au cours du traitement (colonnes D0 à D6 dans le tableau) par un test diagnostique classique (RT-PCR quantitative). En raison de la méthode de dosage utilisée, plus le chiffre présenté dans le tableau ci-dessus est élevé, plus la charge virale est faible. Nous ne parlerons pas ici du troisième groupe, traité par une combinaison d'hydroxychloroquine et d'un antibiotique, sa taille étant de toute façon trop faible pour en tirer des conclusions.

Maintenant attardons-nous sur les données. Le nombre de patients testés est déjà faible pour espérer montrer un effet statistiquement significatif du traitement mais passons, le vrai problème ici est plus profond.

On remarque d'abord que la charge virale de tous les patients du groupe Chloroquine est mesurée au jour 0 contre seulement 6 du groupe contrôle, les autres sont justes marqués comme "positifs" et deux ne sont même pas testés. On remarque également que quatre patients du groupe Chloroquine ont des tests négatifs au jour un (pas de virus détecté), parmi ceux-ci deux resterons négatifs tout au long de l'étude et les deux autres présenterons brièvement des charges virales positives mais extrêmement faibles (une valeur supérieure à 35 étant considérée comme négative) avant de redevenir négatifs les jours suivants. À ce stade il est raisonnable de se demander si ces patients étaient réellement infectés au cours de l'étude.

Au cours des jours suivants, la grande majorités des patients du groupe contrôle sont simplement marqués comme "positifs" ou "non-testés" et leur charge virale n'est plus mesurée. Pourquoi cela est-il important ? Parce que les patients ne sont pas au même stade de l'infection au début de l'étude, certains sont en train de guérir naturellement et d'autre attendent encore le pic infectieux. Sans ces mesures de charge virale, il est impossible de savoir si la "guérison" est due au traitement ou simplement au système immunitaire des patients.

Dernier élément et pas des moindres, six patients du groupe Chloroquine ont dû être exclus de l'étude avant la fin et ne sont donc pas pris en compte dans les résultats, malgré que leur cas suggère clairement un échec du traitement : trois ont été transférés en soin intensif, un a quitté l'hôpital car il était testé négatif, un a arrêté le traitement à cause de nausée et le dernier est décédé.

On a donc une étude qui tire des conclusions sur un nombre très faible de patients, la plupart n'étant même pas testés correctement, et un professeur qui propage ensuite des graphiques sensationnalistes sur sa "découverte" ne prenant en fait en compte que 4 patients du groupe contrôle et laissant arbitrairement les autres de côté...

D'autres problèmes peuvent être relevés comme l'absence de randomisation et le fait qu'aucune information n'est disponible sur l'état de santé des patients à la fin de l'étude, mais à ce stade cela ne change pas grand chose.

Pourquoi c'est grave ?

Outre les théories du complot nourries par les déclarations du Pr Raoult, sa campagne de communication creuse encore le gouffre qui sépare la communauté scientifique des citoyens. Comment expliquer qu'il faut écouter les experts en période de crise pour ensuite constater qu'un professeur de renom propage des informations mensongères ?

D'autre part l'influence de ce membre du comité d'experts de Macron sur le Covid19 va rediriger des ressources de recherche importantes vers cette molécule, qui n'a pourtant jamais montré un effet satisfaisant contre les infections virales. L'achat massif d'hydroxychloroquine, s'il devait se généraliser pour la prévention ou le traitement du Covid19, pourrait même priver des malades souffrant de polyarthrite rhumatoïde et le lupus de leur traitement.

Enfin, l'hydroxychloroquine, déjà largement disponible au marché noir en Afrique et Asie du Sud-Est, car elle est un traitement efficace de la malaria, présente un risque toxique, surtout en cas d'auto-médication. Ainsi, plusieurs cas d'intoxication sont déjà recensés au Nigeria et l'on peut redouter l'aggravation de la crise sanitaire actuelle dans ces pays si le phénomène persiste (voir ici et ici). 

Méfions-nous du héros solitaire

En conclusion, il est possible que l'hydroxychloroquine soit une piste thérapeutique viable pour le traitement du Covid19, celles-ci ayant par ailleurs montré un effet in vitro. Les preuves dont nous disposons actuellement sont cependant trop faibles pour rediriger nos ressources dans cette direction. Dans ce contexte, les propos du Pr Raoult sont au mieux malhonnêtes et au pire totalement irresponsables. Il en est de même pour son rejet des mesures de confinement, sous prétexte que celles-ci n'auraient pas fait leurs preuves en Italie et en Espagne, tout en ignorant sciemment que ces mêmes mesures ont permis à la Chine, premier pays touché, de contrôler la propagation du virus.  
Communiquer correctement sur la recherche scientifique est un exercice difficile, car les progrès de celle-ci sont souvent lents et parfois contre-intuitifs. Même si les histoires de grand visionnaire seul contre le reste monde sont séduisantes, rappelons-nous que c'est le consensus qui fait la force de la recherche.

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Source(s) : Mediapart.com via Moutons Enragés.fr

 

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