Beaucoup d’observateurs soutiennent que Jean-Marie Le Pen est un poids pour l’émergence du FN dédiabolisé promu par sa fille. Mais après deux nouveaux dérapages nauséabonds sur l’ebola puis Patrick Bruel, on peut se demander s’il ne s’agit pas d’une stratégie délibérée.

A qui profite le crime ?
Les deux dernières séquences sont particulièrement peu ragoutantes. Il y a quelques semaines, Jean-Marie Le Pen avait évoqué l’explosion démographique en Afrique que le « docteur Ebola pourrait régler en trois mois ». Le patriarche du Front National a récidivé dans une vidéo originellement postée sur le site du parti où, évoquant Patrick Bruel, qui avait déclaré qu’il ne se produirait pas dans les villes qui ont élu un maire FN, il disait « on fera une fournée une prochaine fois ». Devant l’horreur de tels propos, la direction du parti a été contrainte d’agir, de retirer la vidéo et même le blog du patriarche. Gilbert Collard, de manière culottée mais habile, affirme que « Jean-Marie Le Pen complique la tâche de Marine », un moyen de détourner la provocation du père pour lui faire servir la stratégie de la fille. Il y a quelque chose d’effarant à voir la plupart des médias acheter sans la questionner le moins du monde cette séquence, qui, au final, pourrait bien servir la PME politique familiale, depuis plus de 3 ans déjà.
Du bon et du mauvais policier
En effet, il faut bien constater que les déclarations aux relents xénophobes du patriache de la famille ne semblent pas avoir porté le moindre tort aux perspectives électorales du parti familial lors des élections européennes, puisqu’il a largement dépassé tous les scores obtenus dans le passé. En outre, on peut se demander si ce ballet de provocation et d’offuscation n’est pas profitable à la PME politique Le Pen. En effet, le FN y est triplement gagnant. D’abord, il gagne une exposition médiatique non négligeable. Ensuite, auprès de certains électeurs, souvent les plus hostiles au PS, à l’UMP et aux médias en général, de telles outrances peuvent valoir un brevet d’opposition au système. Enfin, les plus modérés intrigués par le discours de dédiabolisation peuvent être rassurés quand Marine Le Pen ou d’autres au FN se désolidarisent de tels propos, ce qui, selon eux, valide la thèse de la dédiabolisation.
Au final, le parti de la famille Le Pen pourrait bien être gagnant sur tous les tableaux, ce qui rend l’opération suspecte, d’autant plus que le président d’honneur du parti n’a jamais eu de véritable sanction. Seuls quelques sous-fifres ont été éloignés jusqu’à présent. Dès lors, comment ne pas se demander, devant les provocations répétées de Jean-Marie Le Pen, s’il ne s’agit pas d’une stratégie délibérée de la part de la famille Le Pen pour faire grandir le FN, en solidifiant son emprise auprès des électeurs les plus radicaux, tout en gagnant une frange plus modérée ? Ce ballet n’est pas sans rappeler celui de l’aile gauche du PS, critique à l’égard des politiques du gouvernement mais qui reste toujours dans la famille. Et cela permet d’élargir sa cible électorale puisque la plupart des médias répercutent les informations au premier degré, servant, souvent sans s’en rendre compte, l’histoire que la famille Le Pen veut servir. On peut imaginer que quand Jean-Marie Le Pen disparaîtra, Marion Maréchal Le Pen reprendra son rôle pour permettre au FN de continuer à avancer de la sorte si cela continue à marcher.
Les derniers dérapages posent un double problème : d’abord, ils sont inacceptables de la part d’un des principaux dirigeants d’un parti. Mais on peut aussi se demander s’ils ne sont pas un piège dans lequel le FN fait tomber les médias. Quel tour de passe-passe d’utiliser les outrances du père pour servir la fille !
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