Les obsèques de Belaïd rassemblent une foule énorme à Tunis

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Par Tarek Amara et Alistair Lyon

TUNIS (Reuters) - Des dizaines de milliers de Tunisiens scandant des slogans hostiles aux islamistes se sont rassemblés vendredi à Tunis pour les obsèques de l'opposant laïque Chokri Belaïd, dont l'assassinat a accentué la crise profonde que traverse le berceau du "printemps arabe".

La foule, estimée à au moins 50.000 personnes, s'est massée devant la maison de la culture de Djebel Jelloud, dans la banlieue sud de la capitale, où reposait le corps du dirigeant de l'opposition de gauche laïque, tué de quatre balles mercredi devant chez lui.

Jamais une foule aussi nombreuse ne s'était rassemblée pour des obsèques en Tunisie depuis celles, en 2000, de Habib Bourguiba, le "père" de l'indépendance et premier président du pays. "Le peuple veut une nouvelle révolution", ont scandé les participants, qui ont aussi entonné l'hymne national.

Le cercueil de l'ancien avocat, recouvert du drapeau tunisien, a été placé sur une camionnette de l'armée, qui a pris la direction du cimetière du Djellaz, à l'extérieur duquel des affrontements ont ensuite éclaté avec les forces de l'ordre pendant l'inhumation.

Un peu auparavant, la police avait tiré des grenades lacrymogènes et des coups de feu en l'air pour disperser des jeunes en train de saccager des voitures aux abords du cimetière.

La police a aussi fait usage de gaz lacrymogènes contre des manifestants rassemblés devant le ministère de l'Intérieur. Ce dernier a fait état de 150 interpellations pendant les heurts à Tunis.

"Belaïd, repose en paix, nous continuons la lutte", scandait la foule, en brandissant des portraits de l'opposant assassiné par un homme armé qui a pris la fuite à moto. On entendait aussi des slogans hostiles à Rached Ghannouchi, le chef d'Ennahda, le parti islamiste au pouvoir : "Ghannouchi, assassin, criminel", "La Tunisie est libre, terrorisme dehors".

A Gafsa, bastion de partisans de Chokri Belaïd dans le bassin minier du sud de la Tunisie, des manifestants ont lancé des pierres et des cocktails Molotov contre la police qui a riposté à l'aide de grenades lacrymogènes, selon des témoins. La foule y a scandé "Le peuple veut la chute du régime", le slogan utilisé à l'origine contre Zine ben Ali.

Dix mille personnes environ ont également manifesté à Sidi Bouzid, d'où est parti la "révolution du jasmin" de décembre 2010 et janvier 2011, rapportent des témoins.

Les banques, les usines et certains commerces sont restés fermés en réponse à l'appel à la grève des syndicats, dont la puissante Union générale tunisienne du travail (UGTT).

La mort de Chokri Belaïd, qui était âgé de 49 ans, a enflammé mercredi la rue tunisienne avec des milliers de personnes manifestant dans la capitale ainsi que dans plusieurs autres villes.

Ennahda a démenti toute implication dans ce meurtre mais des manifestants ont incendié dans plusieurs villes des locaux du parti, que beaucoup considèrent comme responsable.

"ILS NE POURRONT PAS ASSASSINER SON COMBAT"

Vendredi, le Premier ministre, Hamadi Jebali, secrétaire général d'Ennahda, a réitéré son projet de formation d'un gouvernement de technocrates jusqu'à la tenue d'élections anticipées.

Ennahda avait, la veille, désavoué le projet de son n° 2 qui, vendredi, a expliqué qu'il n'avait pas besoin du feu vert du Parlement pour cela. "Ce gouvernement est prêt", a-t-il assuré à la presse sans donner de noms.

Les deux petites formations laïques membres du gouvernement - le Congrès pour la République et Ettakatol - ont également contesté le projet du chef du gouvernement en affirmant ne pas avoir été consultés au préalable.

L'assassinat de Chokri Belaïd n'a pas été revendiqué. L'opposition a toutefois suspendu sa participation à l'Assemblée constituante, dont les travaux s'éternisent.

De nombreux Tunisiens redoutent de voir les islamistes, vainqueurs des élections de l'automne 2011, remettre en cause les libertés obtenues depuis la révolte qui a conduit à la chute du président Zine ben Ali et lancé le "printemps arabe".

Le parti de Chokri Belaïd n'a qu'un poids politique limité mais cet avocat était devenu depuis la révolution une figure de la contestation et ses critiques contre les islamistes au pouvoir trouvaient un écho important.

"Des criminels ont assassiné Chokri. Mais ils ne pourront pas assassiner son combat", a déclaré Besma Belaïd, sa veuve.

"Ma tristesse s'est arrêtée quand j'ai vu ces milliers de personnes dans les rues. A ce moment-là, j'ai su que le pays était en bonne voie et que des hommes et des femmes défendaient la démocratie, la liberté et la vie", a-t-elle ajouté.

Pierre Sérisier, Jean-Stéphane Brosse, Bertrand Boucey et Jean-Loup Fiévet pour le service français

par Tarek Amara et Alistair Lyon

TUNIS (Reuters) - Des dizaines de milliers de Tunisiens scandant des slogans hostiles aux islamistes se sont rassemblés vendredi à Tunis pour les obsèques de l'opposant laïque Chokri Belaïd, dont l'assassinat a accentué la crise profonde que traverse le berceau du "printemps arabe".

La foule, estimée à au moins 50.000 personnes, s'est massée devant la maison de la culture de Djebel Jelloud, dans la banlieue sud de la capitale, où reposait le corps du dirigeant de l'opposition de gauche laïque, tué de quatre balles mercredi devant chez lui.

Jamais une foule aussi nombreuse ne s'était rassemblée pour des obsèques en Tunisie depuis celles, en 2000, de Habib Bourguiba, le "père" de l'indépendance et premier président du pays. "Le peuple veut une nouvelle révolution", ont scandé les participants, qui ont aussi entonné l'hymne national.

Le cercueil de l'ancien avocat, recouvert du drapeau tunisien, a été placé sur une camionnette de l'armée, qui a pris la direction du cimetière du Djellaz, à l'extérieur duquel des affrontements ont ensuite éclaté avec les forces de l'ordre pendant l'inhumation.

Un peu auparavant, la police avait tiré des grenades lacrymogènes et des coups de feu en l'air pour disperser des jeunes en train de saccager des voitures aux abords du cimetière.

La police a aussi fait usage de gaz lacrymogènes contre des manifestants rassemblés devant le ministère de l'Intérieur. Ce dernier a fait état de 150 interpellations pendant les heurts à Tunis.

"Belaïd, repose en paix, nous continuons la lutte", scandait la foule, en brandissant des portraits de l'opposant assassiné par un homme armé qui a pris la fuite à moto. On entendait aussi des slogans hostiles à Rached Ghannouchi, le chef d'Ennahda, le parti islamiste au pouvoir : "Ghannouchi, assassin, criminel", "La Tunisie est libre, terrorisme dehors".

A Gafsa, bastion de partisans de Chokri Belaïd dans le bassin minier du sud de la Tunisie, des manifestants ont lancé des pierres et des cocktails Molotov contre la police qui a riposté à l'aide de grenades lacrymogènes, selon des témoins. La foule y a scandé "Le peuple veut la chute du régime", le slogan utilisé à l'origine contre Zine ben Ali.

Dix mille personnes environ ont également manifesté à Sidi Bouzid, d'où est parti la "révolution du jasmin" de décembre 2010 et janvier 2011, rapportent des témoins.

Les banques, les usines et certains commerces sont restés fermés en réponse à l'appel à la grève des syndicats, dont la puissante Union générale tunisienne du travail (UGTT).

La mort de Chokri Belaïd, qui était âgé de 49 ans, a enflammé mercredi la rue tunisienne avec des milliers de personnes manifestant dans la capitale ainsi que dans plusieurs autres villes.

Ennahda a démenti toute implication dans ce meurtre mais des manifestants ont incendié dans plusieurs villes des locaux du parti, que beaucoup considèrent comme responsable.

"ILS NE POURRONT PAS ASSASSINER SON COMBAT"

Vendredi, le Premier ministre, Hamadi Jebali, secrétaire général d'Ennahda, a réitéré son projet de formation d'un gouvernement de technocrates jusqu'à la tenue d'élections anticipées.

Ennahda avait, la veille, désavoué le projet de son n° 2 qui, vendredi, a expliqué qu'il n'avait pas besoin du feu vert du Parlement pour cela. "Ce gouvernement est prêt", a-t-il assuré à la presse sans donner de noms.

Les deux petites formations laïques membres du gouvernement - le Congrès pour la République et Ettakatol - ont également contesté le projet du chef du gouvernement en affirmant ne pas avoir été consultés au préalable.

L'assassinat de Chokri Belaïd n'a pas été revendiqué. L'opposition a toutefois suspendu sa participation à l'Assemblée constituante, dont les travaux s'éternisent.

De nombreux Tunisiens redoutent de voir les islamistes, vainqueurs des élections de l'automne 2011, remettre en cause les libertés obtenues depuis la révolte qui a conduit à la chute du président Zine ben Ali et lancé le "printemps arabe".

Le parti de Chokri Belaïd n'a qu'un poids politique limité mais cet avocat était devenu depuis la révolution une figure de la contestation et ses critiques contre les islamistes au pouvoir trouvaient un écho important.

"Des criminels ont assassiné Chokri. Mais ils ne pourront pas assassiner son combat", a déclaré Besma Belaïd, sa veuve.

"Ma tristesse s'est arrêtée quand j'ai vu ces milliers de personnes dans les rues. A ce moment-là, j'ai su que le pays était en bonne voie et que des hommes et des femmes défendaient la démocratie, la liberté et la vie", a-t-elle ajouté.

Pierre Sérisier, Jean-Stéphane Brosse, Bertrand Boucey et Jean-Loup Fiévet pour le service français

 

Source(s) : Reuters, Audio France-Info

Informations complémentaires :

 


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