Les risques de la récupération du combustible de l’unité 4 à Fukushima

Ils se décident enfin à prendre en compte le problème posé par la piscine n° 4 et ce millier d’assemblages radioactifs. Le souci, c’est que vu l’amateurisme dont semble faire preuve Tepco dans la manœuvre, il faut espérer qu’ils ne rencontrent pas de problème... Bon, pour le reste, globalement ça reste une bonne nouvelle.

En tout cas merci à Fukushima over blog de nous tenir informé sur la situation là-bas.

Update 26.02.2016 : Fukushima : 5 ans après, Tepco avoue avoir menti sur la gravité de l'état des réacteurs...

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Assemblages de barres de combustible nucléaire dans la piscine n° 4 de Fukushima Daiichi

Les risques de la récupération du combustible

de l’unité 4 à Fukushima

 

TEPCO planifie la récupération du combustible usé de l’unité 4 cet automne. Cet effort est seulement survenu après la protestation publique, toujours en cours, à propos des dangers que pose la piscine endommagée. L’effort a été accéléré et la construction destinée à enlever le combustible a été installée ce printemps et cet été. Ce sera la première des quelques opérations à très haut risque sur le site de la centrale, et ce sont des travaux très peu compris par le public.

Mode opératoire

La procédure de récupération du combustible de l’unité 4 sera faite sous la nouvelle structure de récupération du combustible, installée au-dessus des restes du bâtiment du réacteur. TEPCO prétend que le bâtiment est quelque peu hermétique et contient son propre système CVAC (Chauffage, Ventilation et Air Conditionné), avec filtration des gaz et poussières. Ceci limitera tout déversement dans l’environnement tant qu’il fonctionne correctement. Même si cette construction procure une certaine protection à la fois en ce qui concerne la piscine de combustible et l’environnement extérieur, il ne sera pas assez robuste pour contenir n’importe quel incident sérieux.

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Schéma de la superstructure de récupération du combustible

La construction comporte deux nouvelles grues installées dans la superstructure métallique. La première, située au dessus, est une grue similaire à celle qui est utilisée pour déplacer du matériel lourd dans l’étage de changement du combustible d’un bâtiment de réacteur classique [NDT : une sorte de pont roulant]. Le bâtiment comporte aussi une nouvelle grue pour manipuler le combustible. C’est le système qui sera utilisé pour déplacer les assemblages de combustible. TEPCO prétend que cet outil est informatisé comme l’est une grue normale de manipulation du combustible et qu’elle peut être contrôlée à distance.

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Levage de la grue supérieure pour l’unité 4

TEPCO envisage de déplacer certains équipements hors de la piscine et d’enlever autant de débris que possible avant de commencer à récupérer le combustible. Ce combustible sera alors inspecté visuellement avant de tenter de le récupérer.

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Une fois que les assemblages de combustible seront récupérés, ils seront transférés dans une sorte de container de transfert [image ci-dessous]. Ce container sera soulevé hors de la piscine par la grue supérieure, mis en sécurité et envoyé dans la piscine commune pour un stockage et une inspection ultérieure.

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Stabilité du bâtiment

La stabilité du bâtiment du réacteur de l’unité 4 est un souci majeur. Une grande partie des étages supérieurs ont été jugés en mauvais état dès 2011. Le bâtiment lui-même fait face au risque d’une défaillance catastrophique. TEPCO a insisté qu’un tel événement n’aurait pas d’impact sur la structure de la piscine de combustible usé. Une défaillance majeure pourrait aisément endommager encore plus la piscine de combustible usé ou les structures nécessaires pour maintenir la piscine et le réacteur bien remplis d’eau. TEPCO a déclaré que le bâtiment pouvait résister à un séisme important pourvu qu’il soit secoué dans la direction verticale. Suite à d’autres questions, ils ont admis que ceci n’inclut pas les ondes sismiques qui secouent horizontalement, y compris pour la piscine de combustible usé.

 

Stabilité de la piscine de combustible usé

La piscine de combustible usé a été endommagée durant le séisme initial et l’explosion. En 2011 a été réalisé un ajout de béton et de supports le long du bord de la piscine, là où elle rencontre l’enceinte de confinement. La piscine comprend actuellement un système de refroidissement et de recirculation [de l’eau]. Celui-ci a été en proie à des problèmes et des coupures électriques qui ont provoqué un échauffement de la piscine. Celle-ci est actuellement maintenue en dessous du point d’ébullition. TEPCO a installé une couverture flottante sur la piscine de combustible usé, quand ils ont entrepris de démolir les restes du 5ème étage. Cette couverture sera enlevée avant de pouvoir commencer le travail de récupération du combustible. L’inspection complète de la piscine n’a pas pu être faite depuis que la couverture a été installée. TEPCO a produit quelques rapports additionnels au sujet des débris dans la piscine dans les derniers mois. Un examen détaillé du revêtement de la piscine de combustible usé n'a pas été fait à ce jour.

L’état du revêtement est critique pour l’étanchéité de la piscine. A ce jour, nous ne connaissons pas l’état de la porte [destinée au passage du combustible] qui sépare la piscine de combustible usé de la zone contenant le réacteur [voir figure 2]. TEPCO a mentionné des fuites d’eau à travers cette porte durant les premières semaines du désastre. Nous supposons que les joints gonflables de la porte ne fonctionnent plus du à une panne de courant ou l’endommagement du système qui les maintient gonflés. L’état chimique actuel de l’eau dans la piscine de combustible usé n’a pas été documenté par TEPCO. En 2010, ils ont retiré autant de sel que possible de l’eau pour diminuer la corrosion. Le haut taux de sel (le taux de chlorure [de sodium] était dans les 0,1 %) dans la piscine durant une longue période a vraisemblablement corrodé les assemblages et les composants qui sont dans la piscine.

 

Stabilité du combustible

TEPCO a tout d’abord enlevé deux assemblages de combustible neuf de la piscine de combustible de l’unité 4 pour inspection. [NDT Il y avait 1331 assemblages usés et 204 assemblages neufs dans cette piscine]. Ils ont déclaré qu’ils étaient légèrement corrodés mais par ailleurs globalement en bon état. Ils ont trouvé de petits morceaux de débris de béton logés dans les assemblages de combustible. Plus récemment TEPCO a tenté certains tests destructifs sur des assemblages de combustible neufs. Ils ont laissé tomber un poids de 100 kg sur un assemblage de combustible pour tenter de simuler la chute de débris. Ceci a détruit la poignée de levage et plié les barres de combustible comme on peut le voir sur l’image ci-dessous. Il a été établi que des parties d’assemblage de combustible se corrodent lorsqu’elles sont laissées dans des conditions similaires à cette piscine de combustible usé, dans des conditions similaires où se pose le même problème de haute température et de haute salinité. Pour traiter le problème des poignées de levage, TEPCO a construit un système de d’accrochage fabriqué sur mesure qui, espèrent-ils, leur permettra de retirer les assemblages de combustible qui ont des poignées de levage endommagées.

 

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Système d’accrochage et de levage des assemblages de combustible endommagés de TEPCO, qui n’a pas précisé si ce système de levage a été testé :

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Lors de l’inspection en cours de la piscine de combustible usé de l’unité 4, on a remarqué que certains ensembles de rangement de combustible étaient désalignés. Les rangements [racks] qui contiennent les plaques de bore, destinées à empêcher la criticalité [NDT en absorbant les neutrons, le bore empêche le démarrage de la réaction de fission nucléaire], pourraient avoir été endommagées ou été partiellement ou complètement désalignées par le choc durant la catastrophe. On trouve aussi dans les notes d’inspection de TEPCO que des petits morceaux de débris de béton ont pu tomber dans les rangements [racks] et les assemblages de combustible. Ceci peut compliquer la récupération du combustible si des morceaux de béton se coincent entre les assemblages et les racks [NDT sorte de caissons] servant à  ranger ces assemblages.

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Les problèmes additionnels dus à la chaleur, le sel, l’hydrogène et les dégâts de l’explosion peuvent tous avoir joué un rôle dans les dégâts ultérieurs de ce combustible. On ne sait pas si certains combustibles stockés étaient déjà endommagés avant le désastre. L’état des barres de combustible qui avaient déjà des fissures dans leur revêtement ou un autre dégât similaire, pourrait avoir empiré pendant les 2,5 années de mauvais traitement.
[NDT Si l’on retire les barres de combustible avant que tout l’uranium soit « brûlé », c’est aussi parce qu’après un certain temps les gaines qui confinent les pastilles d’oxyde d’uranium ou de MOX risquent de se fragiliser à cause de la chaleur et des radiations. Les piscines sont des stockages temporaires, les gaines de combustibles ne sont pas prévues pour y rester à long terme].

 

Risques de dégâts matériels

Tous ces dégâts potentiels augmenteront le risque que quelque chose tourne mal durant la récupération du combustible. Le plus grand souci serait la rupture complète d’un assemblage de combustible durant la récupération, ce qui disperserait les pastilles de combustible dans la piscine. Ceci créerait soit une situation critique [au sens ou la réaction nucléaire de fission se mettrait en marche], ou au minimum une libération de radiations. Les assemblages de combustible pliés ou les débris coincés dans les racks pourraient empêcher la récupération d’un assemblage de combustibles. Il est exclus de laisser un assemblage dans la piscine. Ceci pourrait poser un défi considérable.

Risques humains

L’erreur humaine pose un risque considérable d’accidents impliquant le transfert de combustibles. Les problèmes de mise en œuvre des étapes du projet tels que des procédures inadéquates pour réaliser les tâches, des procédures inapplicables ou l’ignorance des procédures peuvent créer une situation où quelque chose tourne de travers. Dans les recherches que nous avons passées en revue, une formation ou une expérience inadéquate est considérée comme un facteur de risque. Le fait que TEPCO se repose sur une main d’œuvre aux contrats précaires [NDT et aussi aux multiples niveaux de sous-traitance] et fréquemment non formée pourrait créer un problème dans cette situation. Les travailleurs qui ont une longue expérience sur le site et en particulier de la manipulation du combustible seraient ceux qui conviennent le mieux pour faire ce travail. Malheureusement, beaucoup de ces travailleurs ont atteint leur dose maximale de radiations et ne peuvent plus travailler sur le site. Les problèmes de communication peuvent augmenter les risques de sécurité. Le travail à distance, effectué en portant des tenues complètes de protection contre les radiations, et où la communication repose sur les casques et micros intégrés aux équipements est aussi cité comme une source de problèmes potentiels. Le travail à distance n’est jamais à 100% évident. Dans le travail fait jusqu’à présent sur l’unité 3, ils ont fréquemment utilisé des observateurs humains pour aider les télétravailleurs. Travailler avec l’attirail complet de protection contre les radiations et le masque sur le visage peut limiter la vision et l’audition. Les inspections visuelles peuvent devenir un défi. Les caméras et même la distorsion dans l’eau peuvent nous empêcher d’obtenir une vue du combustible dans la piscine précise et conforme à la réalité.

Les défis d’ordre général que présente ce travail peuvent poser divers risques menaçant la sécurité du processus. Les procédures monotones peuvent conduire à des défaillances. La pression exercée lorsque le travail doit être fait de manière précipitée – comme c’est le cas du calendrier très serré prévu pour récupérer le combustible de l’unité 4 – peut créer des situations où des accidents peuvent arriver. Des horaires très longs ou inhabituels peuvent créer des problèmes avec la force de travail, et cela peut tout simplement être un ou des travailleurs malades. Dans le cas du travail à Fukushima Daiichi, la chaleur et le froid on joué un rôle considérable dans la capacité des travailleurs à fonctionner normalement. Sans aucune sorte de contrôle climatique dans le bâtiment de récupération du combustible, ils devront travailler dans une chaleur suffocante ou un froid glacial suivant la période de l’année. La question du travail de groupe peut poser problème si les travailleurs refusent de mettre en question les idées des autres travailleurs, permettant ainsi de persévérer dans l’erreur. Une coordination d’équipe inadéquate, ou le fait que le groupe dépende de manière excessive d’un ou de quelques travailleurs peut aussi créer des risques. Cette situation peut arriver si vous avez un travailleur expérimenté qui guide une équipe de travailleurs inexpérimentés. Une équipe adéquatement formée, fonctionnant bien, est essentielle pour assurer que ces opérations s’effectuent sans erreur.

 

Risques liés aux grues et aux transferts

Les « défaillances de grues » et la « chute de containers » sont considérées comme des accidents à haut risque dans une centrale nucléaire en temps normal. Le défi extraordinaire du scenario prévu à l’unité 4 exacerbe ces risques. Les accidents de chute lors de l’utilisation des grues sont le plus souvent causés par des défaillances du système d’accrochage et de levage. Ceci implique le contrôle manuel de la grue pour accrocher l’objet soulevé. Le non-respect de la procédure ou un défaut de maintenance sont considérés comme un risque d’accident du type « défaillance de grue ». Le plus haut risque serait une chute du container depuis la grue avant que ce container ne soit complètement sécurisé et scellé. Ceci pourrait conduire à exposer des assemblages de combustible sans bouclier de protection et poser un danger mortel d’exposition aux radiations à tout travailleur se trouvant à proximité. Les assemblages de combustible non protégés par l’eau ou tombant hors du container peuvent déclencher cette situation. Un container qui tombe de la grue peut aussi endommager le niveau sur lequel il tombe. Ceci peut rendre inutilisable l’équipement nécessaire pour résoudre le problème. Dans le cas de l’unité 4 cela pourrait faire des dégâts considérables à la piscine de combustible usé ou à l’étage de réception du nouveau combustible autour de la piscine. Les deux zones sont déjà dégradées par des dégâts précédents.

 

Conclusion

TEPCO n’a documenté aucun passage en revue des risques de ce travail. Il n’a montré aucune évaluation des risques pour identifier et évaluer les risques potentiels. Une évaluation qui devrait aussi inclure toutes les procédures de « retour en arrière » au cas où quel que chose se passerait  mal. C’est un travail à très haut risque qui inclut le risque potentiel de blesser les travailleurs, de rendre l’accès au site impossible ou de disperser encore plus de radiations dans l’environnement global. Il doit y clairement avoir un effort d’anticiper les risques et de les exposer de manière transparente au public international.
 

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Liens (en anglais)

TEPCO Handout
https://www.dropbox.com/s/4z8tev1wnzy1q2o/U4_fuelremovalprep_handouts_130830_05-j.pdf

NRC research on human error during fuel removal
http://pbadupws.nrc.gov/docs/ML1106/ML110610673.pdf

METI roadmap of decommissioning work
http://www.meti.go.jp/english/press/2013/pdf/0627_01.pdf

Potential risks from dropping fuel assemblies
http://www.osti.gov/bridge/servlets/purl/5807117/5807117.pdf

CNIC review of TEPCO’s defueling effort at unit 4
http://www.cnic.jp/english/newsletter/nit154/nit154articles/03_nf.html

TEPCO information on transfer casks
http://www.tepco.co.jp/en/nu/fukushima-np/images/handouts_121114_01-e.pdf

TEPCO information on casks & shipping
http://www.tepco.co.jp/en/nu/fukushima-np/handouts/2013/images/handouts_130228_05-e.pdf

 

Cet article est paru le 11 septembre 2013 sous le titre original «  Fukushima Unit 4 Fuel Removal Risks ». Sa traduction est publiée avec l’autorisation du site SimplyInfo.

Traduction : Phil Ansois,  17 septembre 2013

 

Source : Fukushima.over-blog.fr

Informations complémentaires :

Crashdebug.fr : Agenda 21
 
 

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