Lors de l'examen de la nouvelle loi sur le renseignement le député PS Jean-Jacques Urvoas, rapporteur du projet de loi, a fait adopter un amendement proclamant la création d'un statut de "lanceur d'alerte" pour les membres des services de renseignement. Revendiquant une filiation avec l'affaire Edward Snowden, du nom de l'ex-analyste de la NSA, le dispositif législatif se révèle surtout être une vaste entreprise de communication.
Quand les parlementaires se mettent à faire de la communication pour la rédaction d’une loi, cela peut donner lieu à de sacrés imbroglios. A l’image de l’amendement 388 adopté le 13 avril par les députés de l’Assemblée nationale en première lecture du Projet de loi sur le renseignement. Improprement nommé amendement « lanceur d’alerte » par certains médias, l’exposé sommaire – sans valeur juridique – claironne que « l’affaire Snowden a démontré la nécessité de créer les conditions pour que des agents puissent dénoncer des abus commis par les services de renseignement ». L’amendement 388 « crée donc un statut de lanceur d’alerte et lui offre les protections déjà créées par des dispositions législatives du même type ». Rien que ça. Après avoir forcé à faire atterrir à Vienne, le 2 juillet 2013, l’avion du président bolivien Evo Morales. La France aurait-elle décidé de se racheter une conduite, à peu de frais, après avoir fermé son espace aérien, comme d’autres pays de l’UE, simplement parce que les Etats-Unis soupçonnés un président Sud-Américain d’abriter l’ex-analyste en fuite Edward Snowden ?
« C’est une approximation parlementaire, le terme de lanceur d’alerte est erroné, corrige Eric Denécé directeur du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). Même avec cette loi Edward Snowden ne pourrait pas révéler à la presse les dérives de services de renseignements. Cela se fait en interne. » Dépositaires d’informations protégées au titre du secret de la défense nationale, les membres des services secrets ne pourront adresser leurs doléances qu’à la future Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR). Difficile d'imaginer, dans ces conditions, un Edward Snowden français décider d'aller exprimer ses doutes sur d'éventuelles dérives intérieures. « On fait reposer des contrôles sur une commission qui n’aura pas les moyens de le faire, déplore Adrienne Charmet, coordinatrice des campagnes de la Quadrature du Net, une association de défense des internautes et de la neutralité du Net. Nous considérons que le contrôle de la CNCTR est trop faible. Leur avis n’est que consultatif. » L’ancien officier des services de renseignement, Eric Denécé, voit lui un progrès incontestable dans l’ouverture de cette possibilité. « Aux Etats-Unis, ce genre de dispositif de signalement des dérives n'existe pas. Toute la notion d’éthique prend pied dans le renseignement intérieur avec cet amendement. C’est une garantie supplémentaire pour la population et les personnels des services, du respect d’une déontologie du renseignement. »
La future CNCTR sera composée de treize membres : trois députés, trois sénateurs, trois membres du Conseil d’Etat, trois magistrats de la Cour de cassation et une personnalité qualifiée désignée par l’Arcep, le gendarme des télécoms. En outre, la loi protège le fonctionnaire de police contre toute sanction disciplinaire quelle qu’elle soit. A noter que la nouvelle disposition législative n'autorisera que les membres du renseignement intérieur à opérer des signalements. Toute autre personne non-dépositaire de documents relatifs à la défense nationale mais se risquant à les divulguer, sera passible d'une infraction pouvant aller jusqu’à cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d’amende.
La future commission aura donc fort à faire pour convaincre les opposants au Projet de loi sur le renseignement. Convaincre sur ses capacités réelles d’investigation, et surtout, sur son réel contrôle des techniques de renseignement.
Source : Marianne.net
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