Mort de Naomi Musenga : « Ce n’est pas un cas isolé »

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Comme le dit l'avocat de la victime, il ne faut pas que l'opératrice serve de bouc émissaire, c'est l'ensemble du système qu'il faut revoir. Les opérateurs téléphoniques du 15 n'ont même pas de formation médicale obligatoire. Comme dans les entreprises classiques, ils ont des objectifs de performance, et cette course à la rentabilité est en contradiction avec un service qui se veut public.

Alors qu’il faisait une crise cardiaque, Gilles Gauvain a contacté le Samu qui lui a répondu «d’aller dormir». (Illustration.)
LP/Arnaud Journois

Le décès de Naomi Musenga, dont l’appel n’a pas été pris au sérieux par le Samu du Bas-Rhin, ravive les plaies d’autres patients mal pris en charge par le 15, comme Gilles.

Dans quelques jours, Gilles Gauvain prendra sa retraite. Si le tout jeune sexagénaire a des projets plein la tête, le sport, sa passion de toujours n’en fait plus partie. « J’ai refait un bilan la semaine dernière, j’ai perdu 60% de mes capacités cardiaques. Je ne veux pas ressasser, mais le fait est que je suis intimement persuadé que les dommages de mon infarctus auraient été moindres si j’avais été pris en charge correctement par le Samu », explique ce photographe parisien.

Car voilà, le décès de Naomi Musenga, dont l’appel n’a pas été pris au sérieux par le 15 du Bas-Rhin, a non seulement suscité une immense vague d’émotion dans le pays mais aussi ouvert la boîte de Pandore des témoignages. Bien sûr, la grande majorité des 20 millions de dossiers traités chaque année par le Samu le sont de manière rigoureuse par des professionnels investis et dévoués mais non, clament des patients, « Naomi n’est pas un cas isolé ».

L'enregistrement de la conversation avec l'opératrice du Samu

Ce soir-là, Gilles, marathonien chevronné, rentre du travail à vélo quand une « grosse douleur » le prend dans la poitrine. « Comme cela empirait, j’ai appelé le 15 dès que je suis arrivé chez moi. J’avais beau essayer de dire que mes symptômes étaient anormaux et atypiques, ils se sont focalisés sur le fait que j’avais par ailleurs des maux de ventre, ont mis ça sur le compte d’une gastro et m’ont dit d’aller dormir. »

Sauf que Gilles est en train de faire une crise cardiaque. Plus tard, il appelle SOS Médecins qui s’occupe de lui. À l’hôpital, deux stents - des ressorts au cœur - lui sont posés. « Trois ou quatre heures sont passées entre-temps. Or, on sait que dans l’infarctus, plus on attend, plus le cœur se nécrose. Cet appel au Samu reste pour moi un traumatisme. L’effroyable histoire de Naomi m’a rappelé à mes mauvais souvenirs », souffle-t-il, dénonçant un système « qui ne fonctionne pas ».

Moqué alors qu’il fait un AVC

Naomi, a aussi « ravivé la plaie » de Dominique, 64 ans aujourd’hui. « Je pense beaucoup à sa famille. Je sais ce que c’est d’être moqué », assure ce Parisien, formateur en hygiène alimentaire. Un matin de 2011, il sent sa jambe droite « comme endormie », puis son bras dans le même état. « J’avais vu un documentaire sur les AVC (NDLR : accident vasculaire cérébral), j’ai pris peur », confie-t-il.

« Je tentais d’expliquer à l’opératrice ce que j’avais mais ma bouche se paralysait, j’avais du mal à articuler alors elle me répétait, moi qui ne consomme pas d’alcool, que j’avais bu, que c’était sûr. J’ai dit : Madame, je pense que j’ai un début d’AVC. Elle m’a répondu que si j’étais médecin je n’avais pas besoin d’elle et qu’on n’envoyait pas le Samu comme ça. » Il faudra l’arrivée d’un ami, puis un second coup de fil pour que Dominique - dont l’AVC le fera passer dix jours à l’hôpital - soit pris en charge par une ambulance.

Ce que veulent aujourd’hui Gilles et Dominique ? « Rien », répondent-ils chacun de leur côté. Seulement, clament-ils, que leur témoignage aide à prendre conscience que le système doit évoluer.

 

Source : Le Parisien.fr

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