Neutralité du Net : votre accès à Internet va-t-il être menacé ?

  Quel impact pour moi ? Eh bien, dixit la loi, tout le monde devait être égal sur internet. Mais avec cette loi, il serait possible, par exemple, que les services de presse dits « Officiels » NSBC, CNN, etc., aient une vitesse de téléchargement normale ou optimisée, et que les sites non officiels (comme votre serviteur), aient un débit plus lent… Quoi qu'il en soit avec cette décision historique, la boîte de pandore est ouverte…

La neutralité du net est menacée aux États-Unis. REUTERS

Le principe qui vise à garantir l'égalité de traitement des données sur Internet a été enterré aux États-Unis. Cela pourrait avoir des conséquences de ce côté de l'Atlantique.

Ce jeudi, le gendarme américain des télécoms, la FCC, a mis fin à la neutralité du Net. Consacré par l'administration Obama en 2015, ce principe existe en réalité depuis les années 1970. Il vise à garantir l'égalité de traitement de toutes les données sur Internet. La source, la destination ou la nature du contenu ne doivent donc pas avoir de conséquence sur la qualité de la transmission. 

Un règlement européen protecteur

Début 2017, le dirigeant de la FCC, Ajit Pai, avait proposé de revenir sur le concept. Si son avis est suivi par la commission, les fournisseurs d'accès pourront librement limiter l'accès à certains sites. Par exemple, faire payer l'accès à YouTube ou Dailymotion, en arguant qu'ils nécessitent le transport de beaucoup de données. Ou ralentir les vitesses de téléchargement de fichiers Torrent pour inciter les clients à se tourner vers les services vidéo du fournisseur d'accès, comme ça a été le cas avec Comcast aux États-Unis en 2008.

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Une telle décision aurait-elle des conséquences de l'autre côté de l'Atlantique ? Sur ce point, Andrus Ansip, vice-président de la Commission européenne chargé du marché unique numérique a été formel. Dans une tribune publiée dans Le Monde, il assure : "Il n'y a rien à craindre. En effet, le règlement sur l'Internet ouvert, adopté en novembre 2015 et applicable dans les vingt-huit pays membres de l'Union européenne depuis avril 2016 continuera à protéger tous les internautes."

"Ce règlement, explique-t-il, a créé un droit individuel des utilisateurs à diffuser et à accéder aux informations, services et contenus de leur choix via leur accès en ligne. Ce droit est directement applicable et il peut être invoqué devant les tribunaux et administrations nationales." 

Des exceptions

La loi en Europe est donc garante de la neutralité du net. Mais pour autant, cette dernière n'a pas une immunité absolue et irrévocable. En pratique en effet, des exceptions sont encore tolérées. Cela peut être une nécessité de se conformer au droit européen ou national, de garantir l'intégrité et la sécurité du réseau (en cas d'attaque informatique par exemple), ou encore de répondre à un sur-encombrement temporaire du réseau. 

Autre exception : au niveau européen, des régulateurs tolèrent ainsi encore des pratiques comme le Zero Rating. Cela consiste à ne pas décompter le trafic sur certains sites ou applications. Un opérateur a pu par exemple proposer à ses abonnés mobiles, dans le cadre d'un partenariat, de profiter des vidéos YouTube sans que cela ne soit compté comme une consommation classique. Vous pouviez commencer le mois avec 1 Go d'Internet, et le finir avec le même crédit tant que vous ne regardiez que des vidéos YouTube. Une pratique parfois considérée comme contraire au principe de neutralité du net, mais pas explicitement interdite par le règlement européen. 

L'application du règlement critiquée

Ce qui est clairement proscrit n'est enfin pas toujours sanctionné, comme les défenseurs des libertés numériques le souhaiteraient. L'association La Quadrature du net, avait ainsi dénoncé en mai dernier la "politique attentiste" de l'Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes), qui est l'organisme chargé de veiller à l'application du principe de neutralité. 

"Ce que nous souhaitons, expliquait Benjamin Bayart, cofondateur de la Quadrature, ce ne sont pas des études, des sanctions, des rapports, du dialogue, de la législation, ou une incantation. Ce que nous souhaitons c'est que les opérateurs cessent les comportements abusifs qu'ils ont vis-à-vis de leurs abonnés. L'Arcep est l'autorité en charge de ce dossier, et le dossier n'avance pas."

De son côté, l'Arcep se défend de ne pas en faire assez. Elle assure que tous les cas observés se règlent par de simples discussions avec les opérateurs, ce qui expliquent qu'il n'a pas été nécessaire de faire appel à la justice.  

Un rapport publié ce jeudi par la Berec (l'agence publique européenne des régulateurs de communications électroniques) note par ailleurs que l'organisme fait partie de ceux qui ont "renforcé leurs équipes" pour veiller au respect de l'égalité de traitement des données sur Internet. Il classe également la France dans les pays où la négociation a suffi à aboutir à des solutions satisfaisantes dans les "très rares" cas où l'Arcep a été contactée.

Les opérateurs s'engouffrent dans la brèche

Depuis que la neutralité du net est discutée aux États-Unis, plusieurs entreprises européennes ont déjà tenté de s'engouffrer dans la brèche. En août, des acteurs majeurs du secteur des télécommunications comme Deutsche Telekom, Ericsson, Nokia ou encore Vodafone avaient signé un manifeste dans lequel ils demandaient la fin du principe d'égalité de traitement.  

Lundi encore, le PDG d'Orange, Stéphane Richard, expliquait à ce sujet sur BFM Business : "Certains futurs usages d'Internet - je pense à l'Internet des objets ou à la voiture autonome - vont nécessiter des Internets particuliers en termes de latence et de vitesse. Il faudra que nous soyons capables de proposer des fonctionnalités, des puissances et des qualités de service différents." Pour lui, la fin de la neutralité du net n'est plus seulement une éventualité, mais "une obligation." 

 

Source : L'Express.fr