Pointant les faiblesses de la mission de l’OMS à Wuhan, en Chine, des chercheurs exigent des investigations indépendantes n’écartant aucune hypothèse sur l’apparition du virus, y compris la fuite d’un laboratoire.
Update 14.03.2021 : Coronavirus, le mystère des origines - Envoyé Spécial (France 2)
Par Emilie Torgemen
Le 5 mars 2021 à 18h44
« Ce n'est pas et ce ne doit pas être politique. Découvrir les origines du Covid est une question scientifique qui se résout avec des échantillons que l'on peut séquencer, sur lesquels on peut faire des expériences », martèle Etienne Decroly, virologue au CNRS.
Avec une trentaine de personnalités scientifiques, le chercheur signe une lettre ouverte pour réclamer une enquête indépendante pour comprendre comment cette maladie a pu passer à l'homme. Parmi les signataires de ce texte publié dans le Wall Street Journal et dans Le Monde, on trouve Jamie Metzl, membre de l'administration Clinton et ancien collaborateur de Joe Biden, parmi d'autres scientifiques qui travaillent dans les laboratoires américains, australiens, belges, allemands, autrichiens ou français.
Des doutes sur la méthode
Depuis l'Hexagone, le virologue Bruno Canard, les généticiens Virginie Courtier et Jean-Michel Claverie ont par exemple associé leur nom à cette démarche. Le collectif tape fort : « Parce que nous pensons que le processus et les efforts de l'équipe conjointe (NDLR : la mission d'information OMS-Chine) à ce jour ne constituent pas une enquête approfondie, crédible et transparente, nous appelons la communauté internationale à mettre en place une structure et un processus en mesure de le faire », n'hésitent-ils pas à écrire.
Ces scientifiques hyperconnectés ont eu l'idée de cet appel au moment de la conférence de presse qui donnait les premières conclusions de la mission conjointe de l'OMS-Chine, le 9 février. La présentation qui a duré près de trois heures écartait l'hypothèse d'un virus sorti d'un laboratoire « comme trop improbable » et réclamait une enquête sur le lien avec de la viande congelée importée, une piste avancée à plusieurs reprises par Pékin, façon de laisser entendre que le Covid pourrait venir d'ailleurs.
Pour l'heure, cette mission n'a pas rendu ses conclusions, pas même de rapport intermédiaire contrairement à ce qui avait été prévu. Ce vendredi, on a appris que le rapport définitif serait dévoilé dans « la semaine du 15 mars ».
Un démenti de l'OMS
Mais face à la bronca soulevée lors de la conférence de presse de Wuhan, le président de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, avait tout de même dû se fendre d'un démenti : « D'aucuns se sont interrogés pour savoir si certaines hypothèses avaient été abandonnées. Après avoir discuté avec les membres de l'équipe, je souhaite confirmer que toutes les hypothèses restent sur la table », a-t-il précisé.
Le Covid, maladie bien connue des chauves-souris qui vivent à des milliers de kilomètres au sud de Wuhan, pourrait être passé par le pangolin avant de contaminer l'homme ou par un autre animal sauvage. Autre option, l'hôte intermédiaire serait en fait issu d'élevages intensifs, des visons par exemple. Ce virus pourrait aussi être sorti accidentellement d'un laboratoire … Un an après le début de cette pandémie qui a tué plus de 2,5 millions d'humains, le mystère reste entier.
Quoi qu'il en soit, la lettre ouverte dénonce la faiblesse de la mission de l'OMS, en premier lieu « la moitié de l'équipe conjointe réunie dans le cadre de ce processus est composée de citoyens chinois dont l'indépendance scientifique pourrait être limitée », peut-on lire. Le collectif pointe aussi que le « processus de sélection des experts internationaux de l'équipe n'a pas permis de détecter correctement les conflits d'intérêts ». Dans le viseur, le zoologue britannique Peter Daszak, président de l'ONG EcoHealth Alliance, qui collabore depuis plusieurs années avec l'institut de virologie de Wuhan (WIV). D'où pourrait s'être échappé le virus.
« Elucider les origines de la maladie n'a pas un vague intérêt historique qui relèverait du passé, il s'agit d'une question essentielle pour l'avenir, insiste Etienne Decroly. Il est essentiel de comprendre comment ce virus est passé à l'homme. Sinon, un autre virus risque fort de reprendre le même chemin. » L'appel de la lettre des trente scientifiques est d'autant plus pressant qu'il en va des enquêtes scientifiques comme des enquêtes policières : plus on attend et moins les témoignages, moins les matériels génétiques sont fiables.
Source : Leparisien.fr
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