J'ai vu sur twitter des manifs un peu partout en France, et avec beaucoup de monde, aussi Bravo à toutes et à tous. Vous avez compris les risques majeurs de cette loi, qui pourrait aussi servir de marchepied pour instaurer la reconnaissance faciale en temps réel pour les Jeux olympiques de 2024. Car il n'est pas question simplement de pouvoir filmer les policiers, lisez cet article pour comprendre.
Le rendez-vous parisien était fixé mardi 17 novembre à partir de 16h, place Édouard-Herriot, à côté de l’Assemblée nationale. Le rassemblement contre la proposition de loi relative à la sécurité globale a rassemblé déjà plus de 2000 personnes en cette fin d’après-midi.
Plusieurs appels ont convergé. Celui des syndicats de journalistes et d’associations de protection des droits de l’Homme, mais aussi la manifestation des Gilets jaunes, qui fêtent aujourd’hui leur deuxième anniversaire, ainsi que de multiples collectifs et associations : Attac, Alternatiba, Extinction Rebellion, Youth for climate, etc. Des politiques tels que le député France insoumise François Ruffin ou encore des familles de victimes de violences policières sont également présents, dans une ambiance joyeuse.
Le texte, porté par les députés La République en marche (LREM) Alice Thourot et Jean-Michel Fauvergue, est examiné par les députés en séance publique à partir de ce mardi soir, pour la séance de 21 heures. Plusieurs dispositions, permettant l’usage de drones par les forces de l’ordre ou ouvrant la voie à l’utilisation de la reconnaissance faciale inquiètent. Mais c’est surtout l’article 24 qui est visé par les protestataires : il risque de restreindre de façon très importante la possibilité de diffuser des images d’agents des forces de l’ordre et est perçu comme une volonté de cacher les violences policières.
« La loi permettra de transmettre en temps réel les images des caméras embarquées des policiers, ce qui n’était pas possible jusqu’à présent, explique Arthur, de l’association de défense des libertés numériques La Quadrature du net. Avec les progrès de la reconnaissance faciale, les policiers pourront de plus en plus facilement identifier les manifestants. »
« Nous sommes maintenant dans un État où la police fait la loi, regrette Arié Alimi, avocat et membre du conseil national de la Ligue des droits de l’Homme. Cette loi va protéger la police alors que le rôle de la police est de protéger les citoyens. » « Cette loi touchera d’abord les jeunes des quartiers populaires, craint le journaliste de Là-bas si j’y suis Taha Bouhafs. Les vidéos et images diffusées par réseaux sociaux sont leur seul outil pour que des journalistes puissent ensuite s’en saisir. »
« Avec cette loi, les policiers auront le droit de tout faire, craint Fatima Chouviat, mère de Cédric Chouviat, mort lors d’un contrôle de police. Notre chance pour Cédric était que nous avions des vidéos. C’est un scandale si la loi passe. J’ai été à la manifestation pour Charlie en 2015. On peut tout écrire, tout caricaturer mais on n’aurait plus le droit de filmer ? »
En début de soirée, un nouvel afflux de manifestants, notamment beaucoup de jeunes, est venu renforcer les troupes devant l’Assemblée nationale. « Cette manifestation est un succès, mais j’ai un bémol, note Dominique Pradalié, secrétaire nationale du Syndical national des journalistes (SNJ). Les patrons de presse restent dans un silence total. Vont-ils diffuser les images de la police à la place de leurs reportages ? Il devraient s’engager, mener des démarches auprès des ministres et des députés, mais ne font rien. »
Le Gilet jaune Jérôme Rodrigues va dans le même sens : « Il y a deux ans, j’avais dit aux journalistes que ce serait bientôt leur tour. Nous y sommes. »
Des appels à rassemblement à Toulouse, Marseille, Lyon, Châlon-sur-Saône, Le Mans, Bordeaux (200 personnes), Nice, Nantes, Grenoble, Orléans (plus de 100 personnes) etc, ont également été diffusés. À Rennes, France Bleu rapportait ainsi que plus de 350 manifestants avaient bravé le confinement pour protester contre le projet de loi.
À Toulouse, plus de 1000 personnes se sont rassemblées à partir de 18h. A l’issue des prises de paroles — Amnesty International, Ligue des droits de l’Homme — la manifestation a commencé à s’avancer sur le boulevard, mais a durée moins de 15 minutes. Les forces de l’ordre l’ont dispersée avec des gaz lacrymogènes. Notre journaliste a été pris à parti par un CRS alors qu’il lui montrait sa carte de presse. « Je n’en ai rien à foutre de ta carte de presse » lui a-t-il été dit, avant qu’elle soit jetée par terre. Alors que notre journaliste le prenait en photo, le CRS lui a répondu : « Profites-en c’est la dernière fois. »
A Paris, vers 19h15, une manifestation sauvage a tenté de partir sur le boulevard Saint-Germain. Les forces de l’ordre ont répondu à coup de gaz lacrymogènes et de grenades de désencerclement lancées sur les manifestants, qui se sont éparpillés en courant après avoir parcouru moins d’une centaine de mètres.
Vers 20 heures, des manifestants étaient encore présents boulevard Saint-Germain, non loin de l’Assemblée nationale. Les forces de l’ordre tentaient de disperser des manifestants assis à l’aide d’un canon à eau. Des Gilets jaunes trouvaient encore la force de chanter « Joyeux anniversaire » pour les deux ans de leur mouvement.
- Source : Reporterre via Gâchette
- Photos : © NnoMan pour Reporterre
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