Le prochain gouvernement allemand adoptera le salaire minimum. Angela Merkel l’a confirmé ce jeudi devant un parterre de patrons, sans toutefois communiquer de détails sur le niveau du futur salaire minimum ni sur sa date d’introduction. Les Sociaux-démocrates ont fait de l’introduction d’un salaire minimum de 8,50 euros de l’heure brut la principale condition à leur participation au prochain gouvernement Merkel. «Nous allons décider de choses qu’au vu de mon programme je ne considère pas comme justes, parmi elles un salaire minimum généralisé», a expliqué Angela Merkel, avant d’ajouter : «Je vais tout faire pour minimiser les effets sur l’emploi d’un tel salaire minimum.»

12,9% des salariés – et 25% des salariées de l’est - touchent à l’heure actuelle moins de 8,50 euros de l’heure. D’après les chiffres de l’Office pour l’Emploi, 1,317 million de salariés touchaient fin juin un «complément de revenu» de l’Etat, pour ne pas tomber sous le niveau des minimums sociaux, tout en travaillant. En Allemagne, il y a quasi-unanimité à considérer que la question des bas salaires est devenue insupportable. Pour autant, la probable introduction de la mesure provoque un vif débat et de nombreuses inquiétudes dans le pays, jusque dans les rangs de la gauche.

Sans surprise, les patrons allemands agitent la menace des suppressions d’emplois. «1,5 à 1,8 million d’emplois disparaîtront dans le sillage du salaire minimum», assure le ministère des Finances. Les sociétés de taxi, le secteur de la boulangerie et les entreprises agricoles – particulièrement fragiles et fortement dépendantes de la main-d’œuvre - seraient les plus menacées.

Les syndicats inquiets

Les milieux proches des syndicats ne sont guère plus optimistes. Les économistes Viktor Steiner, de l’Université Libre de Berlin, et Kai-Uwe Müller, de l’institut DIW, proche des syndicats, estiment à 500.000 le nombre d’emplois menacés par la réforme. Surtout, l’instauration d’un salaire minimum aurait selon eux un effet très réduit sur le salaire net des personnes concernées : augmentation des cotisations sociales, de l’impôt sur le revenu et surtout diminution des prestations sociales se traduiraient par une augmentation nette des revenus de quelques 900 euros par an pour ceux qui ne perdront pas leur emploi.

A l’heure actuelle, les bas salaires bénéficient de prestations sociales complémentaires calculées sur la base du nombre de personnes vivant dans le foyer. Seuls les 80.000 célibataires et les 20.000 couples sans enfants vivant actuellement d’un bas salaire profiteraient véritablement de l’introduction d’un revenu minimum. Les autres pourraient même avoir à craindre une détérioration de leur situation sous forme d’heures supplémentaires déguisées et non payées (introduction par exemple de l’heure à 70 ou 80 mn pour tenir compte des pauses, rémunération à la pièce, etc.) Les spécialistes appellent déjà les salariés à se méfier de toute modification de leur contrat de travail dans les mois à venir.

Les syndicats s’inquiètent enfin d’une perte d’influence. Jusqu’alors souverains pour négocier directement avec le patronat les augmentations de salaires, ils seraient tenus à l’avenir de s’orienter sur les hausses du salaire minimum. Ce qui pourrait rendre indécente toute revendication de 4 ou 6% d’augmentation, comme on l’a vu au cours des dernières années.

De notre correspondante à Berlin, Nathalie Versieux

 

Source : Liberation.fr