Pourquoi les Indiens ont préféré le Rafale de Dassault au Typhoon d'Eurofighter

Pourquoi ? Pas pour l'avion, mais pour les transferts de technologies associées, dont les Indiens sauront s'inspirer pour pleins d'autres produits !

DECRYPTAGE Sauf revirement de dernière minute, Dassault peut se targuer d'avoir remporté le plus gros contrat de toute l'histoire de l'aviation de combat. Mais comment l'avionneur français a-t-il donc réussi à convaincre l'Inde d'acheter son Rafale ?

S’il fallait n’en gagner qu’un, c’était bien celui-ci. La victoire du Rafale sur le gigantesque contrat indien (126 appareils, pour un montant estimé à 12 milliards de dollars, soit 9,2 milliards d'euros) est de celles qui relancent totalement une compétition mondiale des avions de combat qui semblait bien mal embarquée pour Dassault, face au monstre Lockheed Martin et aux autres concurrents type Eurofighter, Boeing, Saab, ou Sukhoi.

"C’est un contrat unique dans l’histoire de l’aviation de combat, probablement le plus important de tous les temps, pointe Richard Aboulafia, vice-président du cabinet de conseil américain Teal Group, spécialiste de la défense. Si cette victoire se confirme, c’est une victoire formidable pour le Rafale, et une validation totale des performances de l’appareil".

Une magnifique victoire pour Dassault

Il convient bien sûr de rester prudent : les exégètes de l’histoire du Rafale gardent encore les épisodes marocain, sud-coréen ou singapourien, et surtout la vraie-fausse annonce du Brésil, en travers de la gorge. Et Eurocopter, qui avait gagné une compétition pour 197 hélicoptères en Inde (600 millions d’euros), avait vu son contrat cassé en décembre 2007, sous l’intense pression américaine. La prudence invite donc à attendre une signature définitive du contrat pour tirer les conclusions de cette victoire annoncée. N’empêche : le Rafale a été sélectionné par l’Inde, et il serait stupide de ne pas y voir une magnifique victoire pour Dassault.

Comment le Rafale a-t-il fait la différence ? Il faut d’abord rappeler que Dassault est une vieille connaissance pour l’Inde, qui avait déjà acheté des MD-450 Ouragan dans les années 50 et des Mirage 2000 dont Dassault et Thales viennent d’obtenir un énorme marché de retrofit. Les performances du Rafale dans le ciel libyen lors du conflit contre le régime Kadhafi ont aussi joué en sa faveur.

Reste que le duel face au Typhoon du consortium européen Eurofighter s'est joué avant tout sur le prix, le critère décisif des appels d’offres indiens. "En prix unitaire, le Rafale est réputé moins cher que l’Eurofighter Typhoon", rappelle Richard Aboulafia.

Mais la diversité des modes de calcul (coût de développement inclus ou pas, influence des baisses de commandes sur le prix unitaire…) rend toute comparaison sur les prix unitaires, au mieux malaisée, au pire absconse. Il n’y a qu’à voir la controverse sur les coûts respectifs du Rafale et du Typhoon pour s’en rendre compte. "Le coût unitaire du Rafale est de 89 millions d'euros, alors que celui de l'Eurofighter s'élève à 146 millions d'euros", assurait carrément Charles Edelstenne, PDG de Dassault Aviation devant la commission défense du Sénat en 2008.

Une différence de prix néanmoins très limitée

La différence de coûts semble, dans les faits, être plus ténue : le coût unitaire du Rafale était estimé à 142,3 millions d’euros par la Cour des comptes en 2010. Le coût unitaire du Typhoon était estimé à 126 millions de livres, soit 150 millions d’euros, par le comité des comptes publics de la Chambre des Communes britannique en avril 2011. Avec des coûts de revient plus faibles, Dassault semble donc avoir un peu plus de marge de manœuvre pour proposer des prix agressifs que le consortium Eurofighter (46% EADS, 33% BAE Systems, 21% Alenia). L’élimination de la compétition au tour précédent des F-18 Super Hornet de Boeing, F-16 de Lockheed-Martin, MiG-35 russe et du Gripen de Saab a aussi balayé d’un coup des candidats qui auraient pu casser les prix avec des programmes souvent déjà largement amortis.

Mais plus que sur le prix unitaire de base, la différence avec le Typhoon s’est sûrement faite sur le coût total sur le cycle de vie de l’appareil, intégrant le maintien en condition opérationnelle (MCO), c’est-à-dire son entretien sur plusieurs dizaines d’années. Dassault était réputé très cher sur ce plan, il vient de prouver qu’il pouvait proposer un prix compétitif, sans lequel il n’aurait eu aucune chance en Inde.

Delhi souhaitait surtout bénéficier d'un vrai transfert de technologie

L’autre critère essentiel pour les Indiens était le transfert de technologies. "L’Inde était extrêmement exigeante sur ce point, et a fait monter les enchères", rappelle Richard Aboulafia. Dassault a donc probablement dû consentir de gros efforts sur ce point pour l’emporter. Le contrat tel qu’il est prévu envisage la construction de 108 appareils en Inde, seuls les 18 premiers étant produits en France.

Dans les faits, c’est évidemment plus compliqué : une grande majorité des pièces viendrait toujours des fournisseurs français (Thales, Snecma, et 500 PME), et la valeur ajoutée indienne pourrait durablement se limiter à l’assemblage final de l’appareil, un peu à l’image de la ligne d’assemblage finale d’A320 d’Airbus à Tianjin (Chine). Dans tous les cas, la victoire du Rafale en Inde reste donc une excellente nouvelle pour l’export français.

Source : challenges.fr

 


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